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| Allumer les feux [PV Eleonora] | |
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Invité Invité | Sujet: Allumer les feux [PV Eleonora] Dim 30 Oct - 13:50 | |
| Tom avançait tant bien que mal dans les rues pavées de Telmar. Il faisait un temps glacial et le vent d’automne lui lacérait le visage, déjà bien amoché. Il avait faim, il avait froid, il avait mal. Sa fatigue et ses maux lui donnaient l’impression d’avoir une enclume sur le front. On aurait dit que des milliers de coups de couteau lancinants lui parcouraient le corps. Le bas de son pantalon, au niveau des chevilles, était trempé de sang. Il y en avait également sur d’autres endroits de ses vêtements, le dos, le torse, le col. On voyait qu’il n’avait pas été blessé en les portant, mais il les avait mis depuis quelques heures déjà : les tâches écarlates s’étaient étendues, et il était également couvert de boue. Cela faisait un moment qu’il marchait, depuis sa prison souterraine, où il avait été confiné et torturé ces derniers mois, jusqu’au village de Telmar. Il avait d’ailleurs le visage meurtri – cela partirait au bout de quelques temps, bien sûr, mais c’était douloureux. Un hématome s’étendait sur sa joue et son œil, côté gauche, violacé. Il avait du sang séché sur le nez, probablement du à un récent coup de poing. Il avait quelques plaies au-dessus de ses sourcils, des griffures plus anciennes mais rouvertes. Elles se mélangeaient à la terre : il avait du se passer la main sur le front. « Elle est mourante. Peut-être déjà morte. » C’était ce que le mari jaloux avait dit à Tom. Une de ses techniques de torture. Mais le « Sujet » avait vu le carnet de bord que l’autre avait tenu, et avait appris que ce n’était qu’un mensonge. Maintenant, c’était le mari qui était mort. Malgré la faim, la douleur et le froid, Tom continuait d’avancer. Il ne voulait qu’une chose : rentrer. Durant les derniers mois, il n’osa même plus y songer. Jamais il n’aurait cru pouvoir y parvenir un jour. Et à sa place, rares sont ceux qui auraient gardé de l’espoir. Rentrer chez lui, revoir Eleonora, ou s’amuser de nouveau comme avant étaient devenus des rêves auquel il était trop douloureux de penser. Et il y rêvait, parfois, quand il dormait ; et la souffrance de l’irréel était telle que ces jolis songes étaient de véritables cauchemars. Même à ce moment, Tom, qui avait de nouveau l’espoir de retourner chez lui, n’y croyait pas vraiment. Cela paraissait trop simple, trop idéal de quitter aussi vite cette prison, cette cave où il avait vécu l’enfer. Tom parvint jusqu’au bas des petits escaliers tordus qui menaient à la porte de sa maison. Il y avait quelqu’un à l’intérieur, on voyait la lumière des bougies passer à travers les fenêtres poussiéreuses. C’était le cas de plusieurs maisons aux alentours ; il faisait nuit, mais pas assez pour que tout le monde dorme. Pourtant, la ruelle était si calme et silencieuse que l’on aurait pu croire que toute la ville était endormie. Même le vent glacial, qui arpentait l’atmosphère, sifflait d’un bruit sourd. Tom fixa un instant la porte en bois. Il n’avançait plus, il restait planté au bas des petits escaliers. La faim, le froid, les maux, la fatigue, la boue et le sang, il ne les ressentait plus et n’y pensait plus. Son attention était portée sur cette porte. Il ne savait pas ce qui lui arrivait ; il avait peur. Il le nia, même à lui-même, mais c’était le cas : il craignait de ce qui allait se produire ensuite. Au fur et à mesure qu’il restait planté là, sur le pavé, de plus en plus de doutes, de craintes et d’excuses fourmillaient dans son esprit. Et si elle n’habitait plus là ? Après tout, elle l’a peut-être cru mort, et a décidé de partir. Il aurait l’air d’un imbécile, seul devant des inconnus, à croire qu’il habitait encore là. Mais Tom savait bien que c’était idiot, qu’il ne craignait pas d’avoir l’air stupide ; il se fichait bien des avis des autres. Mais… s’il se réveillait subitement après avoir ouvert la porte ? Cela aurait très bien pu être un rêve, le genre de rêve qui lui a tant fait regretter de s’être endormi, puis de s’être éveillé. Il aurait fait tout ce chemin pour rien ? Ou encore, et si Eleonora ne voulait pas qu’il rentre ? S’il avait été oublié ? Tom s’assit sur les marches irrégulières. Rien ne lui garantissait que tout se passerait bien. Passer le seuil de cette porte était à la fois trop insignifiant et en même temps beaucoup trop significatif. Il resta là, à réfléchir, à penser à cette porte en bois pendant un long moment. Plusieurs minutes s’écoulèrent, et alors que Tom était assis, certaines fenêtres perdaient de leurs lumières, tandis que d’autres – un peu moins – se rallumaient. Puis Tom se releva. C’était idiot. Il voulait rentrer chez lui, il allait le faire. Si d’autres personnes vivent ici, il se fera un plaisir de les virer de sa maison, et son visage actuel et son allure sanglante lui faciliteraient la tâche. Et il n’a pas fait le chemin de la grotte souterraine jusqu’à chez lui pour rien, il avait eu son quota de torture pour toute une vie. Il faisait froid, il avait faim, il allait rentrer dans sa maison et passer cette saleté de planche en bois. Sauf que, alors qu’il posa un premier pied sur une des marches, on ouvrit la porte. Tom ne bougea pas, fixant l’individu. C’était un homme, assez grand, mais surtout baraqué, plutôt barbu, les cheveux bruns, la trentaine ou peut-être un peu moins. Il avait l’air supérieur, un sourire de fierté et de satisfaction traversait son visage. Après que la porte se soit fermé derrière lui, il commença à prendre le petit escalier, mais fut gêné par Tom dans son élan. Alors, il le regarda avec un profond mépris, comme s’il n’avait rien à faire là à gâcher son bonheur et sa gloire, comme s’il ne s’agissait que d’un insecte qui le gênait dans ses pas triomphants. Tom eut des envies de meurtre ; mais il était beaucoup trop faible pour lui adresser un coup de poing. La colère s’ajoutant à ses maux, il se décala lentement pour le laisser passer, en pensant très fort aux pires insultes qu’il aurait aimées lui faire parvenir. Il le regarda s’éloigner, puis monta les marches, la crainte laissant place à une animosité froide. Il ne frappa pas. Il tourna la poignée, ouvrir la porte, entra – après tout, c’était chez lui – et regarda autour de lui. Eleonora était probablement à l’étage, mais avait laissé la pièce allumée. Elle avait donc l’intention de redescendre. Tom resta dans la salle, observant ce qui avait changé et ce qui était toujours là. Il demeura debout, le dos à la porte. Puis, au bout de quelques minutes, elle descendit ; une fois qu’elle fut arrivée derrière lui, il se retourna. C’était bien elle. |
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Invité Invité | Sujet: Re: Allumer les feux [PV Eleonora] Dim 30 Oct - 19:20 | |
| Klaus avait déjà fini de prendre sa douche, apparemment. Je partais donc me doucher à mon tour, puis ensuite, enfilais un pull pas forcément chaud mais que j'aimais beaucoup, blanc, puis je pris ma jupe noire et mes collants blancs, et cherchais mes chaussures. Après avoir finalement tilté que j'étais chez moi, je me rendis compte que ça ne servait à rien de les retrouver. Pourquoi remettre à dans cinq minutes ce qu'on peut faire dans dix minutes ? Bref. Je me peignais les cheveux vite fait, en faisant une raie sur le côté et en les laissant onduler, après tout... J'étais chez moi. Je sortis ensuite de la salle de bain, puis je remarquais que Klaus était déjà descendu.
Je descendis donc à mon tour, puis j'allais lui ouvrir la porte pour lui faire comprendre qu'il devait dégager maintenant. Bien-sûr, il avait été satisfait par ce qu'il avait vécu peu avant, comment aurait-il pu ne pas aimer ? Quoi qu'il en soit, il partit en me demandant à ce que l'on se revoit. Ce à quoi je n'ai rien répondu, mais il devait se dire que la réponse était forcément affirmative. Il avait du se dire que j'avais apprécier tout autant que lui, voire plus ce que nous avions fait. Je refermais la porte, puis j'allais me chercher de la vodka, et m'en servit un verre. La vérité, c'était que je n'éprouvais plus vraiment de plaisir à faire quoi que ce soit. Boire était mon seul véritable plaisir, boire et mettre ma vie en danger. Oui, il semblait que lorsque j'essayais de boire sans m'arrêter, il y avait toujours quelqu'un pour m'aider à vomir et pour m'aider à rentrer chez moi.
Lorsque j'essayais de partir à la plage, il était toujours une putain d'âme charitable prête à me sauver de la noyade. Le fait de résister n'est pourtant qu'un réflexe, pas une demande de survie. Je sais parfaitement vivre toute seule, sans personne. Si je tente de mettre le feu à un endroit que j'aime pour me faire du mal, la pluie est là pour réparer mes soit disant erreurs. La foudre a beau tomber en premier sur une maison de sans aucun doute innocents qui auraient préférés ne pas mourir brûler, elle ne me frappera jamais, moi qui suit trempée, sous un arbre dans une forêt. Peu importe le lieu ou le moment, peu importe ce que je fais ou ce que je désire faire, rien ne se passe comme prévu. Quand j'y réfléchis bien, je me rend compte que rien ne s'est jamais passé comme ça devait se passer.
Je n'ai jamais eu de chance dans la vie, et je n'en aurais probablement jamais en fait. Je me demande souvent pourquoi je n'arrive pas à mettre fin à mes jours, je n'ai jamais vraiment vue aucune raison de vivre ici bas. Que ce soit dans un monde ou dans l'autre. Tout ce que j'ai cru avoir de bon un jour m'a été enlevé. Ma nourrice par exemple. Ou encore Tom. Mais même envers eux aujourd'hui je suis énervée. Pire même. Mais quoi qu'il arrive, quoi que je prévoie de faire, rien ne tournait en ma faveur. Alors je préfère désormais boire chez moi. Faire souffrir les autres est trop facile. Il est bien plus difficile de réussir à se faire souffrir soi-même. Ce sont les autres qui vous font souffrir. Après tout, comme le dit si bien un certain Sartre, l'Enfer...
C'est les autres. Je continuais de boire, sans vraiment me rendre compte que je mélangeais plusieurs alcools ensemble. Je buvais donc, peu consciente de ce que je faisais. Après tout, je m'en foutais royalement. De toutes façons, j'avais l'air d'être immortelle. Alors je ferais en sorte de creuser ma peine pour ressentir un peu plus mon humanité. Il faut reconnaitre à un moment que l'on est vaincu et que notre vie n'est qu'un vulgaire accident et un mensonge. J'allais avec une bouteille d'un alcool non identifié dans le salon, et j'y vis quelqu'un. Je me stoppais, en me rendant compte que l'alcool provoquait désormais des visions. C'était impossible que ce soit ça. Impossible.
« Sors de chez moi tout de suite. Ou alors explique moi pourquoi je ne suis pas en train halluciner. »
Parler à quelqu'un qui n'est pas vraiment là parait étrange. En effet, ça l'est. Même que ça peut sembler totalement stupide, mais pourtant, si je voyais celui qui était mon meilleur ami il y a encore quelques mois, c'était que j'étais devenue complètement folle. Tom m'avait abandonnée et lâchement laissée tombée. Plusieurs de nos conneries me sont retombées dessus, et j'ai du tout assumer toute seule. Je me suis faite insulter, mais ça, je n'en ai rien à faire. Les insultes des gens me sont indifférentes, puisqu'inexistantes. Ils sont tellement pourris jusqu'à la moelle, et je précise bien qu'ils le sont tous, qu'ils ne sauraient pas admettre que ce sont tous des monstres.
Allez, parlez de vos ennemis, mais vous êtes comme eux. On est tous pourris en fait. Seulement, certains le savent, et d'autre font semblant de ne pas le savoir. Quoi qu'il en soit, j'étais presque persuadée que l'alcool me faisait voir Tom, car il ne serait jamais revenu après ces longs mois, comme ça, sans donner de nouvelles. Mais en me rapprochant de lui, je pus voir qu'il était vraiment amoché. Je compris donc que soit je voyais Tom avant de mourir, et que j'apercevais son fantôme alors, soit je retrouvais vraiment Tom. Et si c'était le cas, il avait du payer pour ses conneries de son côté, ou alors il s'était battu. Mais connaissant Tom, je l'imaginais très mal s'être battu et avoir après ça des cicatrices par exemple.
J'optais donc pour la seconde option. Le problème à vrai dire, c'est que je le connaissais trop bien, mais je ne savais rien de lui en même temps. Le Tom que j'ai connu avant ne serait jamais partit. Et il se repointait là, comme ça ? Comme si je n'allais rien dire, comme si j'allais le laisser revenir sans protester... Je fixais Tom en buvant dans ma bouteille d'alcool au passage, puis je fis le tour de ce que je pensais être une hallucination ou une sorte de traitre. Après lui avoir tourné autour lentement, je crus déceler de la faiblesse à l'état pur. Tom était faible, c'était le cas de le dire. J'aurais pu vous dire que je ne suis pas cruelle, et que je vais le prendre dans mes bras, lui dire que je suis heureuse de le voir. Je pourrais lui dire d'aller se doucher, et ensuite je m'occuperais de ses blessures.
Ensuite je pourrais dormir sur le canapé et lui laisser le lit pour qu'il dorme confortablement. Il m'aurait tout raconté avant ou demain, mais il se sentirait tellement mieux qu'il m'en remercierait et retrouverait en moi l'amie qu'il avait... Non. La seule amie qu'il n'ait jamais eu. Mais le problème voyez vous ; c'est que moi, j'ai changé. Mais j'ai changé en mal. Je me repositionnais face à lui, bu de nouveau quelques gorgées d'alcool. Non, il n'aurait pas l'accueil qu'il méritait. S'il avait souffert, qu'il ne croit pas être le seul ! Moi aussi j'avais souffert. De toutes façons, c'était peut-être une hallucination... Au pire, je ferai comme si c'était vraiment lui. Si ce n'est que le fruit de mon imagination, ce n'est pas si grave. Je maitrise l'alcool. Ne pensez pas que l'alcool me rende folle...
« Tu sais au moins ce que j'ai vécus quand tu as disparu ? A ce que je vois, tu as du souffrir plus que moi d'un point de vue physique. Mais moi, j'ai souffert aussi physiquement. Mais le pire, ce sont aussi les cicatrices intérieures. Et celles-là, j'en ai pleins, et si je les aient, c'est de ta faute ! »
Sans lâcher ma bouteille, je chopais Tom par les épaules et je le plaquais contre le mur, mais ma bouteille tomba par terre et se brisa, rependant son contenu sur le sol au passage. Elle tomba car j'avais du faire un mauvais mouvement ou j'avais du être trop violente en poussant Tom. Mais je m'en foutais, c'était pas ça le problème. Je fixais cependant quelques secondes le contenu de la bouteille, et j'eus du mal à en reconnaître le contenu. Je savais juste que c'était un marchand que j'avais humilié qui me l'avait vendue. « Sans rancunes ! » avait-il dit.
Tu parles, il a du mettre quelque chose de spécial dans son hypocrasse. Je verrais bien de toutes façons, si jamais j'allais à aller mal. Quoi qu'il en soit, je me devais de régler mes comptes avec Tom. Puis après, avec le marchand. Non mais on ne se moque pas de moi. Il n'y pas de une fois ça va, mais pas deux. Chez moi, on n'ose même pas une fois. Donc, comme je le disais précédemment, je ne suis pas une fille bien, prête à aider son prochain. J'étais plus de nature cruelle parfois. Peut-être que les gens me voient comme une voleuse, comme une trainée, comme une alcoolo et j'en passe, mais les gens, je les envoient crever moi.
Et je les envoient directement, au sens propre du terme. Je travaille avec un type nommé Derek, très intéressant. Il a une passion pour creuser des tombes pour ensuite enterrer les gens. Nous avons un marché tous les deux. Mais je m'éloigne du sujet... Donc revenons-en à nos chèvres si vous voulez bien. Je regardais Tom sans vraiment le voir, comme si je n'arrivais pas à percevoir mon ex-meilleur ami derrière toutes ces blessures, derrière toute cette faiblesse et derrière cet hallucination être humain, et je pense sincèrement que ce garçon est mort.
Il est mort la dernière fois qu'il est partit de cette maison qui était la sienne. Désormais elle n'appartient plus à personne. Non, ce n'est pas la mienne, non ce n'est pas celle du type qui se tient en face de moi. Cette maison est celle de mon ancien meilleur ami. Celui qui m'a lâchement abandonnée et qui est mort en quittant cette maison. Je lâchais finalement Tom, puis commençais à partir, mais je préférais me retenir trop, et je lui retournais une gifle dont il se souviendra durant au moins encore quelques dizaines de minutes. Et dieu sait qu'il s'est fait giflé dans sa misérable vie.
« Tu sais quoi ? Tu n'es pas chez toi. Tu n'y es pas non. Cette maison était à l'ancien Tom, celui qui est partit et qui n'est jamais revenu. Cette maison, elle est morte avec son propriétaire... »
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Invité Invité | Sujet: Re: Allumer les feux [PV Eleonora] Mar 1 Nov - 16:52 | |
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«Sors de chez moi tout de suite. Ou alors explique-moi pourquoi je ne suis pas en train halluciner. »
Tom n’arrivait même pas à croire ce qu’il entendait. L’autre type, l’arrogant, l’avait presque mis hors de ses gonds ; mais Eleonora, elle, avait vraiment éveillé sa colère. Au fond, même s’il avait eu des doutes, ce n’était vraiment pas l’accueil qu’il avait secrètement attendu. Il la connaissait bien, et pourtant, même si elle n’était pas du genre affectueux, il n’aurait jamais cru se faire virer comme ça par Eleonora, sérieusement, sans la moindre once d’humour ou de jeu. Il avait vécu la descente aux Enfers de Dante, la souffrance physique et morale, la disparition progressive de l’envie de se raccrocher à quelque chose. Il rentrait et sa meilleure amie, qu’il n’avait pas vu depuis plusieurs mois, qu’il avait cru ne jamais pouvoir la revoir, lui disait de sortir de chez elle. D’ailleurs, c’était chez lui, aussi. Et même, ce n’était pas chez elle. Il l’avait invité. Si elle était là, c’était parce qu’il avait confiance en elle. Du moins au début ; aujourd’hui, il se disait qu’elle était encore là car elle n’avait nul autre endroit où aller.
Finalement, c’était complètement logique. Rentrer, c’était trop beau pour être vrai. Si c’était réel, alors évidemment que cela se passerait mal. Et la seule chose qui pouvait faire entrave à son retour, aussi rédempteur aurait-il pu être, c’était celle à laquelle il n’avait pas pensé. Eleonora qui le jette dehors, qui ne veut plus de lui, qui ne le voit plus comme son meilleur ami. Et cela le mettait en colère ; en colère, car il en ignorait la cause ; en colère, parce qu’il savait qu’il aurait du s’y attendre, que cela se serait forcément produit un jour ; en colère parce qu’il ne contrôlait plus rien et qu’il n’était pas prêt à perdre Eleonora et leur amitié. Mais visiblement, ils l’avaient d’ors et déjà perdue. Cette colère était probablement la conséquence de sa peur. C’était une défense, une carapace, un déni. Il avait été tout seul, dans sa prison de terre. Il ne voulait pas connaître cette solitude à nouveau ; d’autant plus qu’il s’agissait de quelqu’un à qui il tenait beaucoup.
Tom ne disait rien. Il se contentait de la regarder, de toute l’indifférence qui lui était possible de faire paraître, masquant les expressions de son visage autant qu’il le pouvait. On voyait néanmoins dans ses traits une colère froide – généralement, celle qu’il avait le plus de mal à contenir (elle ne demeurait pas « froide » très longtemps). Tom était donc silencieux. Trop de sentiments se bousculaient dans sa tête, la rage, l’ahurissement, l’indignation, et il ne savait même pas quoi en répondre. Les maux n’avaient pas disparu. La fatigue amplifiait sa mauvaise humeur. Il ressentait des picotements sur le front, du sang coulait dans son dos et il se maintenait sur une jambe, l’autre lui faisant mal. Et il avait l’impression que « ce mal » était en fait celui qu’il avait intérieurement, une sensation désagréable de rage.
«Tu sais au moins ce que j'ai vécus quand tu as disparu ? A ce que je vois, tu as du souffrir plus que moi d'un point de vue physique. Mais moi, j'ai souffert aussi physiquement. Mais le pire, ce sont aussi les cicatrices intérieures. Et celles-là, j'en ai pleins, et si je les ai, c'est de ta faute ! »
Tom n’eut pas le temps de répliquer – et d’ailleurs, l’aurait-il fait ? – qu’Eleonora l’avait déjà plaqué contre le mur. En temps normal, il ne se serait certainement pas laissé faire, mais à cet instant, Tom était beaucoup trop faible, et ne bougea pas. Il la regarda avec colère, pendant qu’elle-même écumait de rage. Elle le jugeait, disait que lui n’avait eu que la souffrance physique. Elle ne savait rien. Et finalement, s’il avait su ce qui l’attendait au bout de son emprisonnement, peut-être n’aurait-il effectivement pas eu de « cicatrices intérieures », comme elle disait ? En fait, bien sûr que si. Justement. Peut-être même encore plus. Tom sentait le contenu de la bouteille aller sur sa chaussure, pendant qu’Eleonora regardait la bouteille brisée. Elle sentait l’alcool, encore plus qu’à l’ordinaire – bizarrement, c’était un détail dont Tom se rappelait. Il y avait quelque chose d’anormal dans sa boisson. On aurait dit un mélange ; et le mélange des alcools pouvait être dangereux. Elle mettait sa vie en danger.
«Tu sais quoi ? Tu n'es pas chez toi. Tu n'y es pas non. Cette maison était à l'ancien Tom, celui qui est parti et qui n'est jamais revenu. Cette maison, elle est morte avec son propriétaire... »
Trop. Tom la poussa de sorte à ce qu’elle le lâche et avança d’un pas vers elle. En écrasant quelques brisures de verre de la bouteille, il s’arrêta net, jeta un œil par terre, puis reporta son attention sur Eleonora, sans s’approcher plus. Il n’était absolument pas d’accord. Ce qu’elle lui disait, c’était injuste.
« C’est ce que tu penses ? Sérieusement ? Alors tu crois que je suis parti, du jour au lendemain, m’éclater ailleurs et c’est tout ? Mais t’as complètement raison ! J’ai passé des mois de rêve, au fond d’une espèce de cave boueuse et sombre, dans la terre et dans le sang, à me la couler douce. Comment je suis arrivé là ? J’ai été pris par surprise par un type, et j’ai payé trop cher pour une simple bêtise, parce qu’on était deux à la commettre ce soir-là, que c’était elle qui trompait son mari, et qu’il faisait la même chose de son côté – même avec toi, en l’occurrence. Et t’as pas à me blâmer pour les stupidités que j’ai pu commettre, car toi aussi, tu les as faites. Alors comme ça, je t’ai abandonné ? Tu m’en as vraiment cru capable ? Et franchement, tu crois que j’ai souffert uniquement physiquement ? Comme si ça pouvait pas être suffisant, déjà. Mais tu sais quoi, j’ai du me tromper. J’aurais pas dû tant m’en faire, finalement, c’était pas la peine, j’aurais pas du lire ce foutu carnet… »
Il s’arrêta là, sans finir sa phrase. Eleonora ne pouvait pas savoir de quoi il parlait à propos du carnet, de ce qu’il y avait lu. Et il ne voulait pas prendre la peine de lui expliquer, car il était persuadé qu’elle s’en ficherait, ou qu’elle ne le croirait pas. Parce que, dans ce cas, Tom aurait la certitude qu’il avait souffert inutilement, et qui plus est pour quelqu’un qui ne lui accordait plus aucune estime.
« J’ai eu ma part de souffrance « intérieure », moi aussi. J’ai cru que c’était fini, que c’était faux, mais bravo, grâce à toi, j’viens de me rendre compte que tu pouvais m’en procurer encore. Quoi que non, comme je l’ai dit, ça n’en vaut pas la peine. Tu me jettes de chez moi, eh bien, merci, ça règle tout, en fait. »
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Invité Invité | Sujet: Re: Allumer les feux [PV Eleonora] Mar 1 Nov - 23:36 | |
| Il pouvait dire ce qu'il voulait, j'avais beau essayé, je ne comprenais pas la moitié de ses paroles. Pourquoi est-ce-qu'il me parlait d'une cave ? Pourquoi est-ce-qu'il aurait atterri dans une cave ? Ah.. Oui, ben il venait de le dire tiens. J'essayais d'ailleurs de me souvenir de qui il pouvait bien s'agir, cet homme et aussi, accessoirement de sa femme. Mais je n'avais pas la tête a trop réfléchir, j'avais d'autres préoccupations à vrai dire. J'ignorais certaines de ses paroles, car je ne parvenais pas à les comprendre et du coup, je n'aurais pas pu lui répondre en rappliquant quelque chose. Je me remémorais le mot « cave » et au passage, je me souvenais qu'il avait dit que j'avais fait les mêmes erreurs que lui. Il avait raison, mais les circonstances étaient différentes.
Lui par exemple, il n'avait eu qu'une fois un problème avec une fille qui était tombée enceinte, Alice. Et encore, elle était morte d'après une de mes sources animalières. Moi, est-ce-qu'il était au courant du nombre de fois où j'avais du me forcer à faire des fausses couches, si j'avais le malheur de tomber enceinte ? J'étais d'ailleurs tombée enceinte dans mon monde, et ça m'avait bien suffit. Mais il avait aussi ses problèmes, je n'en doutais pas. Mais dans certaines situations, les conséquences sont juste très différentes. Donc pour en revenir à la cave, moi aussi j'avais connu ça.
Mais moi j'évitais d'y penser et d'en parler, car ça ne servirait à rien. J'avais apprit à garder mes souffrances et douleurs pour moi, et je ne les partageaient quasiment jamais. Seulement, la réaction de Tom ne me paraissait à la fois pas normale, et à la fois elle l'était. Je l'agressais presque alors qu'il revenait d'une cave donc, et il s'opposait à moi uniquement maintenant. Quoi qu'il en soit, j'en avais marre et je n'attendais limite qu'une chose : mettre fin à tout ça. Je n'attendais donc pas que nous nous entre-tuons en vain, et je décidais de ne pas bouger d'ailleurs quand Tom avança vers moi.
« De toutes façons, il n'y a aucun bon souvenir à retenir de cet endroit, alors autant que tu sortes d'ici tout de suite, au moins on en aura fini. Cet endroit mérite de finir comme il va finir dans quelques instants, avec tout ce qu'il y a à l'intérieur. Car son intérieur est pourri. Ile est entièrement pourri. »
Je poussais Tom vers la porte, et il sortit finalement tout seul, ce qui m'arrangea. J'attendis cependant qu'il s'éloigne suffisamment loin pour que je puisse en finir tout court avec tous mes ennuis. Moi c'était dans cette maison que j'avais souffert. Plusieurs personnes à qui nous avions pourris la vie étaient venues en même temps, ou séparément parfois, et m'en avaient fait baver. J'avais été jetée dans les escaliers de la cave, dans le noir. Ils m'avaient brûlée à certains endroits, et avaient aussi tentés de me noyer, mais me sauvaient avant qu'il ne soit trop tard afin de m'en faire encore plus baver.
Ils m'avaient attachée à une poutre dans la cave et m'avaient laissée là, debout, sans boire ni manger pendant deux jours avant que l'un d'entre eux ne viennent et me frappe plusieurs fois, puis je suis restée toute la nuit dans la cave, dans mon sang, avant de ramper sur les escaliers, telle une loque humaine, et j'ai rampé jusqu'à trouver de quoi boire. Puis personne ne voulait me soigner. Je devais me débrouiller seule. Enfin bref, si je devais repenser à toutes les emmerdes que j'avais connues jusque là, je finirais morte de faim ou de soif justement. Je m'approchais d'une boîte d'allumettes, j'en pris trois, et j'allumais la première. Je la posais alors au pied d'une poutre en bois.
Puis j'allumais la seconde, et je la déposais près d'un gros meuble en bois. La troisième, une fois allumée, se retrouva à allumer tous les rideaux du bas de la maison. Je pris ensuite une bouteille d'alcool et la but d'une traite, sans m'arrêter, puis je la balançais contre un mur, sursauttant à peine lorsqu'elle se brisa. Je repris la boite d'allumettes, et je montais ensuite à l'étage, mettant le feu aux rideaux, aux lits, aux meubles. Puis j'allais dans la salle de bain, allumait l'eau de la baignoire, laissait couler l'eau, puis refermait la porte derrière moi en sortant de la pièce. J'allais alors vers la fenêtre de la chambre, et je tentais de voir quelques personnes vivantes au dehors.
Non mais tu rêves ma pauvre Leo... Personne ne se soucie de toi. La maison brûle ? Tant mieux pour toi, tant pis pour eux. Tu brûles avec ? C'est pareil. Je descendis alors, tout en sentant l'odeur et la chaleur du brasier qui commençait à vraiment prendre vie. J'allais me resservir de l'alcool, en buvant plusieurs bouteilles à la suite, et en jetant quelques unes dans des feux pas assez allumés à mon goût. Puis je finis par m'asseoir sur la table qui n'avait pas brûlée pour le moment, et finalement, je bus encore un peu. J'étais entourée par les flammes à vrai dire, mais il fallait bien que tout ça se termine un jour. Cette maison mourrait avec ses secrets.
« Cette maison, c'est la mienne. Chaque maison représentante son propriétaire. Cette maison a été souillée, elle a vu des atrocités, et elle souffre aujourd'hui pour accentuer sa douleur actuelle, afin d'oublier les douleurs précédentes. Le problème, c'est que ça ne marche pas. »
Puis je fixais les flammes, buvant sans cesse, et attendant de les voir se rapprocher de moi, qu'elles se mettent à brûler la table, et qu'elles s'emparent de moi. Ainsi, tout serait fini.
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Invité Invité | Sujet: Re: Allumer les feux [PV Eleonora] Mer 2 Nov - 14:59 | |
| Elle le poussa en direction de la porte. Tom ne se le fit pas demander deux fois, et il sortit de la maison immédiatement. Depuis tout à l’heure, des fenêtres s’étaient éteintes. Beaucoup de gens devaient dormir. Ils étaient chez eux, bien au chaud, peut-être en famille, ou bien avec des amis, avec un être cher ; serein, ou n’arrivant pas à trouver le sommeil à cause d’un petit problème de la vie quotidienne. Et Tom les maudissait. Il était fou de rage, et trouvait plus simple de leur en vouloir à eux. Eux, qui n’y connaissaient rien, qui n’auraient même pas pu comprendre. Qui n’auraient pas été capables de lui expliquer non plus. Il les haïssait, il détestait tout le monde, il reprochait aux autres ce qui lui arrivait, et rejetait tout sur leur dos. Il essayait de canaliser sa colère sur l’univers entier. Car il ne savait pas à qui en vouloir. Lui-même ? Hors de question de l’admettre.
Mais comment en vouloir au mari jaloux, puisqu’il était déjà mort ? C’est vrai, il le haïssait, jusqu’au plus profond de lui – mais un fantôme a déjà payé toutes ses erreurs, puisque justement c’est un fantôme ; et si ce n’est le cas, s’il n’a pas payé, il est trop tard pour se faire. Cet imbécile était mort ; et sa femme ? Sa femme, Tom ne pouvait vraiment lui en vouloir non plus, il n’y avait pas de raisons à ce qu’il soit en colère après elle. Sauf peut-être de ne pas l’avoir fait sortir à temps, mais elle n’avait eu le choix, elle n’avait pas pu. Personne n’aurait pu sauver Tom avant cette nuit, la cave était cachée, et le vieux, ayant fait plusieurs guerres, ayant été un homme fidèle dans sa hiérarchie et pour ses rois, était trop respecté pour être soupçonné de quoique ce soit. Comme quoi, Tom et Eleonora avaient été jugés maintes et maintes fois pour leurs « friponneries », comme les plus nobles disaient en bonne compagnie. Mais ils n’avaient eu que le goût de l’amusement, pas de la déshumanisation.
Tom pouvait en vouloir à Eleonora. Il lui en voulait. Il était en colère après elle, c’était certain, il bouillonnait de fureur. Mais malgré tous ses efforts qu’il exerçait sur lui-même, à présent qu’il marchait dehors dans le froid, il ne parvenait pas à la haïr, à la rejeter complètement, à la détester même rien qu’un peu. Pourtant, au fur et à mesure qu’il avançait, il essayait de se convaincre qu’elle était responsable. D’abord, si elle n’avait pas passé une nuit avec le mari, il n’aurait peut-être jamais eu l’idée d’aller rendre visite à sa femme, qui selon lui était beaucoup trop facilement abordable. Il ne savait pas pourquoi il avait riposté ainsi, probablement par compétition, sans doute. Avec le temps, les mois dans la terre et le sang, il avait fini par en oublier le sens de cette aventure. Malheureusement, ce n’était pas vraiment un bon argument, puisqu’elle ne lui avait rien demandé. Ensuite, il y avait eu son retour. Elle l’avait accueillit de manière odieuse, ne lui avait laissé aucune chance de s’expliquer et n’avait pas daigné essayer de le comprendre. Car c’est ce que Tom avait imaginé : qu’elle l’aurait compris, qu’elle aurait tout compris, et qu’elle l’aurait éloigné de la solitude sans s’en rendre compte. Le « rêve », l’espoir d’un tel accueil, Tom s’était refusé à y donner de l’intérêt ; mais il avait fini par y croire malgré lui. Et contre toute attente, Eleonora l’avait accusé de l’avoir abandonné, elle ne l’avait pas écouté, et elle avait probablement mis fin à leur amitié.
Tom marchait le long de la rue. Il était parti précipitamment après être sorti de la maison. Mais au fur et à mesure qu’il avançait, il ralentissait le pas, tandis qu’il remettait tout en cause. Il réalisa une chose. « Et moi, est-ce que je l’ai écouté ? » Il n’avait entendu que ce qui le concernait. Tom n’avait pas pris en compte tout ce qu’elle lui avait dit, tant il avait été en colère. Elle lui avait dit avoir souffert. Il aurait dû le voir, qu’elle allait mal ; quoique, non, Tom avait du mal à voir ce genre de choses. Mais c’était sa meilleure amie, il la connaissait assez bien pour devoir le percevoir. Tom se repassa la scène dans sa tête. En fait, Eleonora devait probablement avoir aussi mal que lui. Elle buvait plus d’alcool qu’avant, et d’après ce qu’il avait vu, quelque chose de pas très « potable ». Elle avait avoué avoir des cicatrices, autant à l’extérieur qu’à l’intérieur, sauf que ces dernières étaient les pires, selon elle. Elle s’était sentie abandonnée par Tom, et avait même cru à une hallucination lorsqu’elle est descendue. Tom était moins en colère, à présent. Il ne savait pas vraiment s’il se sentait coupable ; la culpabilité était un ressentiment qu’il avait tenté de rayer de son esprit, et depuis longtemps. Sans s’en rendre compte, il avait arrêté d’avancer. Il demeurait au milieu de la rue, sans bouger, dos à la ruelle dont il venait. Puis il sentit une odeur de fumée, sans y prêter attention sur le coup. Il y avait quelque chose qui clochait. Qu’est-ce qu’elle lui avait dit, avant qu’il ne parte ? «De toutes façons, il n'y a aucun bon souvenir à retenir de cet endroit » ; bien sûr que si, il y en avait. Mais elle avait dit autre chose : « Cet endroit mérite de finir comme il va finir dans quelques instants, avec tout ce qu'il y a à l'intérieur. Car son intérieur est pourri. Il est entièrement pourri. » Qu’est-ce qu’elle entendait par là ?
Tom commença à s’inquiéter. Il se retourna lentement, regardant les maisons intactes. De la fumée noire s’échappait d’un toit, au-delà de son champ de vision. Les gens dormaient tranquillement dans leur lit, restaient chez eux sans se poser de question. Mais une maison brûlait. Cela aurait pu être n’importe laquelle, dans un sens, si Tom n’avait vraiment pas écouté. Or, Eleonora le lui avait dit ; et il en était pratiquement certain : c’était leur maison qui succombait aux flammes. Tom se mit brusquement à courir. Au fur et à mesure qu’il se rapprochait, l’odeur de fumée était toujours plus étouffante. En quelques secondes, il parvint jusque devant les petits escaliers aux marches tordues. Une lumière aveuglante émanait des flammes qui commençaient à dévorer l’endroit, et une partie des fondations étaient sur le point de s’écrouler. Quelques voisins étaient sortis, et criaient au feu. Ceux qui habitaient tout à côté craignaient pour leur propre maison. D’autres s’inquiétaient de savoir s’il y avait quelqu’un à l’intérieur. Tom entendit quelqu’un dire « Cette petite alcoolique y est enfin arrivé. » sur un ton désolé. Il l’aurait bien battu pour avoir dit une chose pareille, s’il n’avait pas eu d’autres préoccupations largement plus importantes. Eleonora était à l’intérieur.
Tom entra dans la maison par l’entrée de la porte cassée. Une fois à l’intérieur, un courant d’air fit tomber une poutre devant lui, la fumée le fit suffoquer et la chaleur était intolérable. Après avoir mit son col sur son nez pour pouvoir respirer, il chercha Eleonora des yeux. Le feu troublait sa vision, mais il parvint à la trouver assise sur la table, entourée de bouteilles d’alcool et de débris parmi les flammes. Elle était proche de l’inconscience, des gouttes ruisselaient sur son front et elle était au bord de l’évanouissement. Tom s’approcha, en enjambant des morceaux de bois qui étaient tombés des murs et du plafond, et il finit par l’attraper. On eut dit qu’elle essayait de résister, mais elle était trop étouffée par l’alcool, la fumée et la chaleur pour en avoir vraiment la force. Alors, Tom la porta et la sortit le plus vite possible de la maison, puis la posa sur le pavé froid et mouillé. Il avait l’impression que cette éternité passée dans le bâtiment en flammes avait été incroyablement rapide. Il était encore bouillonnant d’adrénaline, son sang battait dans ses oreilles et il ne savait pas à quel point Eleonora avait aspiré la fumée. Mais elle respirait encore, elle bougeait et reprenait peu à peu ses esprits.
Tom avait eu peur. Il avait été pris d’une panique monstre. A présent qu’ils étaient sortis, qu’elle était là sur les pierres pavées et qu’il avait le temps de réfléchir à ce qui venait de se passer, il réalisa qu’elle avait souffert au point de se tuer. Tom n’aurait jamais eu le cran de le faire. Car oui, il savait, il en était sûr qu’elle avait provoqué l’incendie elle-même. Elle le lui avait dit juste avant qu’il ne parte, il n’avait seulement pas bien écouté. Tom regarda Eleonora. Cette fois, il ne contrôlait plus les émotions qu’il pouvait bien faire passer à travers son visage. Il avait trop été inquiet à peine quelques secondes avant, il avait trop couru, trop respiré la fumée pour en avoir la force. Il ne pouvait même plus lui crier dessus, il était trop essoufflé. Il ne pouvait que la réprimander légèrement.
« Mais ça va pas ? C’était stupide. T’es devenue folle ? J’ai flippé, moi. Tu comptais vraiment te tuer ? »
Ce n’étaient pas de vraies questions attendant de vraies réponses. Quelques personnes étaient encore autour d’eux, mais Tom ne savait pas vraiment s’ils les regardaient eux ou la maison. Il n’en avait rien à faire, ils pouvaient dire ce qu’ils voulaient de la « petite alcoolique », de la manière d’éteindre le feu ou de l’acte inconscient du « ptit jeune ». Il n’était plus en colère après eux, mais ils n’en demeuraient pas moins des idiots à ses yeux. |
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Invité Invité | Sujet: Re: Allumer les feux [PV Eleonora] Mer 2 Nov - 17:16 | |
| Ma tête tournait de plus en plus, et j'hésitais à reprendre quelques gorgées d'alcool. Je m'emparais d'une bouteille au hasard, mais je n'avais pas la force de la porter jusqu'à mes lèvres. Je laissais donc tomber la bouteille par terre, tentant de résister un maximum aux flammes. Elles se rapprochaient, et je me demandais plusieurs choses. Allais-je mourir ? Serais-je plutôt brûlée, intoxiquée, ou tuée par des débris me tombant dessus ? Allais-je seulement souffrir physiquement car je ne mourrais pas au final mais que l'une de ces choses allaient m'arriver ? Je sentais l'air manquer, et ma nature humaine tentait de persister à inspirer la moindre petite trace d'oxygène encore présente dans la pièce. Je voyais la fumée se rapprocher de moi.
Une fumée noire, sombre, plus sombre que la nuit. Elle s'était emparée de la plupart de la pièce, et j'en inspirais automatiquement. Je toussais, sentant une gêne dans ma gorge – à moins que ce ne soit dans mes poumons – et je tentais de ne pas fermer les yeux. Je voulais malgré tout profiter de mes derniers instants, aussi fous, dangereux, et macabres soient-ils. Je percevais à peine les cris et les voix des voisins dehors, car malgré tout, je savais qu'ils étaient là. Cependant, mes yeux commençaient à se fermer, la fumée étant assez épaisse. J'entendis des morceaux de meubles s'effondrer à l'étage, près de moi. Je voyais les rideaux en lambeaux, le plafond commencer à brûler et semblant peu à peu « fondre ». Puis j'aperçus avec quelques difficultés quelqu'un entrer dans la maison. Je voyais mal de qui il s'agissait, mais je sentais un grand tournis envahir ma tête.
J'étais comme sonnée, et je me demandais si c'était la faute des flammes ou de l'alcool. Je fermais à moitié les yeux, sentant que j'allais finir par tomber, puis je sentis que cette personne m'aida à sortir, et je ne pus montrer aucune résistance. J'étais trop faible. Pourquoi est-ce-que quelqu'un voulait-il me sauver ? Pourquoi ne pas me laisser foutrement mourir ? Après tout, je ne méritais que ça, je n'avais rien, plus rien. La seule chose que j'aurais pu avoir dans ma vie ici, c'était Tom. Mais il m'avait l'air trop différent de celui que j'avais vu me quitter. Même si je faisais des efforts, même si j'espérais être plus forte, je me demandais vraiment qui de nous deux avait le plus souffert physiquement, et psychologiquement.
La personne réussit à sortir de la maison avec moi, sans que nous nous fassions coincés ou brûlés. Je percevais des gens en panique. J'en connaissais certains. Parmi eux se trouvaient probablement des gens qui m'avaient fait souffert pendant ces derniers mois, ces dernières semaines, ces derniers jours. Mais leur seule préoccupation devait être de savoir comment éteindre le feu. Moi je ne voulais pas qu'on l'éteigne, je refusais qu'il pleuve. Elle devait tomber, elle devait s'écrouler, et laisser place à des cendres de la cave au grenier. J'étais désormais allongée sur le sol qui me fit frissonner, étant particulièrement froid et moi particulièrement en train de mourir de chaud.
J'avais peine à bouger, et je fermais les yeux quelques instants, le temps de les reposer, mais je sentais que je devrais aller probablement sauter dans la mer pour pouvoir me rafraichir. Une nouvelle fois, j'étais vivante. J'étais une survivante. Je décidais donc de m'appuyer tant bien que mal sur mes coudes. Au bout de quelques vingtaines de secondes, je parvins à me positionner ainsi donc, et je rouvris lentement les yeux. J'avais encore le tournis. Je levais légèrement les yeux vers la maison en flammes, puis j'entendis une voix. En tournant un peu la tête, je reconnus Tom. J'étais stupide. Tellement stupide. J'aurais du savoir qu'il était le seul qui aurait pu me sauver. N'importe qui en dehors de lui m'aurait laissée mourir.
« Si, je pète la forme, ça se voit pas ? Pourquoi est-ce-que tu es venu ? Si je fais ça, c'est qu'il y a une raison... Tu peux pas arriver comme ça et me sauver. » dis-je, d'une voix à la fois énervée, essoufflée, épuisée et dans une sorte de murmure.
Mais maintenant, c'était deux options qui se présentaient à moi. La première était de retourner à l'intérieur et d'attendre que ma mort vienne, mais vu mon état physique, ça risquait d'être assez dur – ou je pouvais tenter de me sentir mieux physiquement ou intérieurement en essayant de me soigner un minimum. Je réessaierais une prochaine fois de toutes façons. Je décidais donc de me relever avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de mal, puis je marchais quelques instants avant de m'approcher du rebord de la ruelle, tombant à genoux, et vomissant. Je dus rester là quelques minutes, me sentait à la fois bien et mal. Tout ce que j'avais bu finissait par ressortir. Vraiment tout. Mais ma gorge était en feu, mon ventre se nouait et me faisait à la fois pleurer et gémir comme une bête sur laquelle on tire, et qui souffre sans vraiment être morte. Plusieurs minutes plus tard, je m'éloignais tant bien que mal de cet endroit, ne supportant pas l'odeur, ni la vue de ce que j'avais « rejeté ».
Je tentais de me relever, sentant un certain vide en moi, un goût atroce dans ma bouche et dans ma gorge, et j'en passe. J'aurais vraiment préféré mourir, pour faire un coup pareil... Je tentais de me retourner, afin de voir ce qu'était devenue la maison, mais je n'en eu pas le temps que je retombais à genoux en revomissant de plus belle. Lorsque j'en eu fini pour cette fois, je m'éloignais de nouveau et partis en direction des escaliers, un peu plus loin, et jugeant être assez loin des gens, je fixais la maison brûler et contemplais avec un plaisir mauvais certaines parties du toit s'effondrer. Je m'asseyais ensuite sur des marches d'escaliers, la tête tournée vers la maison, et je vis d'ailleurs que Tom n'était pas loin de moi. Je me doutais bien qu'il ne saurait pas où aller s'il n'avait plus de maison. A vrai dire... Je ne savais pas non plus. Je voulais juste partir.
« Tu ferais mieux de me laisser là et de partir voir une fille que tu as eu un soir. Elle sera sans doute plus accueillante et compatissante que moi. De toutes façons, on a plus rien en commun toi et moi. Alors autant que tu partes, tu trouves toujours facilement de la compagnie, alors je ne vois pas en quoi ça changerait ce soir, même si tu es dans un sale état. » par sale état, bien-sûr, je sous-entendait physiquement. Il n'aurait qu'à se doucher et se faire soigner puis à dormir évidemment pour aller mieux. Manger et boire ne lui ferait pas de mal non plus sans doutes.
« Pourquoi tu restes ? Pars ! Moi je trouverais bien une taverne ou un pauvre type désespéré qui a besoin de compagnie. De toutes façons, j'suis bonne qu'à contenter des clochards et des types qui n'intéressent personne. Je ne suis peut-être pas une trainée pour autant mais je sais très bien que c'est la vérité. Toi, tu n'as pas de souci à te faire en général. Tu as juste à arriver quelque part pour avoir au moins trois filles qui se précipitent vers toi. »
Je me demandais d'ailleurs parfois comment un type comme lui perdait son temps avec une fille comme moi. Enfin.. Je me le demandais à l'époque. « Tu gâches ta vie en sauvant la mienne, alors dégages. Tu mérites mieux, et moi aussi. J'en ai marre de prétendre sans arrêt être heureuse de faire ce que je fais ou de n'en avoir rien à foutre de m'attirer des ennuis, et j'en passe. On retrouvera jamais ce qu'on vivait avant. Ce temps est parti, révolu, envolé. »
Mais il ne bougeait pas, ou pas encore. Je vis alors la moitié de la maison en ruines, et je songeais qu'il était bon que j'imprègne cette image dans ma tête avant de partir d'ici. Il était temps que tout ça s'arrête. Si j'étais vouée à vivre, je m'en irais loin d'ici. Je devais changer un minimum ma vie, et oublier tous les gens que j'ai connu jusqu'ici. Visiblement, que je sois à Rome, Telmar ou Anvard, je ne sers jamais à rien et l'on désire toujours que je parte et que jamais je ne revienne. Parfait, puisqu'il restait là, c'est moi qui partirait. J'en avais marre et je n'espérais pas jouer au chat et à la souris avec lui. Je me levais donc et m'en allais, parcourant les escaliers en essayant de contenir mon mal, bien que des gémissements de douleur m'échappais sans que je ne puisse les retenir trop longtemps.
Après tout, qu'est-ce-que ça pouvait bien faire que je souffre ? Hormis les abrutis qui m'entendaient et étaient ravis de me voir dans cet état lamentable... Je pouvais montrer que j'avais mal ! Non. J'avais malgré tout ma fierté, et même si j'étais à moitié dans les vapes, et que j'étais à moitié mal, je ne laisserais jamais – moi, vivante – le plaisir aux autres de me voir et de me savoir en train de souffrir. Je décidais donc de prendre tant bien que mal le chemin qui me mènerait soit à la plage, soit dans une taverne, soit chez quelqu'un. Mais en fait, je ne pouvais aller chez personne... Et personne ne m'aurait donné à manger, à boire ou ne m'aurait laissée me changer ou doucher chez lui. Donc la taverne et la plage me semblaient parfaits. Même si je ne savais au final pas quel était le meilleur endroit où aller, et éventuellement le meilleur endroit où aller avant de devenir complètement folle et de finir par me laisser mourir de faim et de soif ou de me laisser pourrir, telle que je devais probablement finir.
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Invité Invité | Sujet: Re: Allumer les feux [PV Eleonora] Dim 6 Nov - 22:20 | |
| « Si, je pète la forme, ça se voit pas ? Pourquoi est-ce-que tu es venu ? Si je fais ça, c'est qu'il y a une raison... Tu peux pas arriver comme ça et me sauver. »
Tom ne fut pas vraiment étonné de la réponse. Mais à l’encontre de tout à l’heure, il ne se mit pas en colère après elle pour son manque de gratitude. D’abord, car il aurait certainement répondu quelque chose de similaire. Ensuite, parce qu’il n’en avait plus la force ; ils s’étaient disputé, leur amitié avait pris fin, et elle avait failli mourir. Cela faisait beaucoup en une soirée. Et même beaucoup trop. Il s’efforçait de ne pas réaliser qu’ils risquaient de ne plus jamais être aussi proches qu’avant. Car, c’était une évidence : Tom n’était absolument rien sans elle, et il aimait penser que sans lui, elle ne pouvait pas non plus réellement vivre ; même si à présent, il avait des doutes sur le sujet.
« Je suis venu parc… Peu importe. Eh bien c’est embêtant, puisque je l’ai fait. » répondit-il, alors qu’elle n’attendait probablement pas de réponses. Mais il n’avait pas pu s’empêcher de rétorquer. C’était Tom, après tout.
Il regardait Eleonora se relever avec difficulté, puis tomber, vomir, se relever, et ainsi de suite. Il aurait peut-être pu l’aider, mais il savait pertinemment qu’elle l’aurait rejeté. Ce n’était probablement pas le moment d’atteindre sa fierté, qu’il avait déjà touché en lui sauvant la vie. Tom savait qu’à sa place, il aurait eu du mal à accepter de l’aide. Lui aussi avait un sacré orgueil ; même s’il ne l’admettait pas forcément. Tom bougeait peu tout en restant à proximité d’Eleonora. Avec tout le mal qu’elle avait à se déplacer, il pensait qu’elle ne risquait pas d’aller bien loin, de toute façon. Quoiqu’elle pouvait bien le surprendre. En tout cas, il ne s’en allait pas. Il ne voulait pas partir. Ce n’était pas vraiment le problème de savoir où aller vivre, ou dormir (feu ou pas, il aurait bien dû se débrouiller). Il y avait beaucoup plus qu’une maison à perdre dans le « jeu ».
« Tu ferais mieux de me laisser là et de partir voir une fille que tu as eu un soir. Elle sera sans doute plus accueillante et compatissante que moi. De toutes façons, on a plus rien en commun toi et moi. Alors autant que tu partes, tu trouves toujours facilement de la compagnie, alors je ne vois pas en quoi ça changerait ce soir, même si tu es dans un sale état. »
« Moi ? Je n’suis pas tout à fait d’accord. »
Et à vrai dire, même si Tom restait Tom, il n’avait pas attendu de revoir une fille avec toute l’impatience qu’on lui aurait imaginée. Il aurait dû, mais il s’était passé trop de choses pour qu’il ait le temps d’y songer. En le constatant, il se surprit lui-même. Tom était un adepte du libertinage, et il aurait pensé que même un enfermement prolongé et plus que douloureux n’aurait pas suffit à l’éloigner des aventures avec les femmes. Mais après tout, il était fatigué – non, épuisé. Aussi, il s’était produit tellement de choses, d’évènements… qui étaient loin d’être anodins. Si la situation avait été normale, se disait-il, Tom aurait eu nettement plus le goût et l’envie d’aller chercher une femme très rapidement. Tom demeurait debout, face à Eleonora. Il n’avait toujours pas l’intention de partir.
« Mais qu’est-ce que tu racontes ? C’est pas comme ça que je vois les choses, personnellement. Et ça tombe bien, j’suis un pauvre type désespéré, et qui plus est, maintenant, aussi un clochard. On est pas obligé de se quitter. »
Les mots « On ne retrouvera jamais ce qu'on vivait avant. Ce temps est parti, révolu, envolé » lui révélèrent qu’Eleonora n’était pas de cet avis. Aussi, il en eu d’autant plus la preuve lorsqu’elle se leva, descendit les escaliers et partit plus loin. Tom ne réagit pas tout de suite. Il eut une impression étrange et désagréable. Il avait la sensation que quelque chose, en lui, s’écoulait au fur et à mesure qu’elle s’éloignait. Il voulait l’empêcher d’accomplir ce qu’elle était en train de faire : de partir, de mettre fin à tout, de ne plus songer du tout à un rattrapage. Mais il était pris d’une impuissance, il se rendait compte que malgré toute sa volonté, il aurait énormément de mal à la retenir. Une douleur le prit au ventre, comme si ses entrailles essayaient de le faire avancer pour aller la convaincre, tandis que ses jambes lui faisaient comprendre que ça ne servirait à rien. Pourtant, il se mit à la suivre. Pas besoin de courir, elle se déplaçait avec difficulté ; et tant mieux, car il boitait. Cela ne l’avait pas empêché de se précipiter vers la maison en feu tout à l’heure, mais maintenant qu’elle était « sauve », il avait tout lieu de s’en rendre compte. D’ailleurs, quand il la rattrapa, elle ne sembla même pas remarquer qu’il était derrière elle, alors que sa démarche n’était pas vraiment silencieuse.
« Léo, attend ! » lui fit-il. Il était proche, pourtant elle continuait sa route. Mais il était certain qu’elle l’avait entendu, à cette distance. Alors, il s’approcha un peu plus, puis se posa juste devant elle, lui barrant la route. « Léo, arrête. »
Il la regarda un moment. Tom avait le visage en piteux état, des plaies, cicatrices, bleus apparaissant sur sa peau, du sang séché ou frais sur ses vêtements et de la boue çà-et-là. Et pourtant, Eleonora paraissait encore plus mal en point que lui. Lui, son mal remontait à quelques heures ; elle, à quelques secondes.
« Ecoute. On est pas obligés de se quitter. On peut très bien faire comme avant. On oublie cette soirée, on fait comme s’il n’y avait rien eu, comme si j’avais jamais été capturé, comme si on s’était jamais éloigné. Parce que j’ai pas envie de te perdre. Franchement, qu’est-ce que je pourrais faire moi, ensuite ? Et toi ? Notre vie serait complètement dénuée de sens si on est plus tous les deux ensembles. »
Néanmoins, Tom parlait en vain. Elle avait déjà donné sur avis sur le sujet tout à l’heure, et il ne pourrait pas la faire changer d’opinion juste en lui disait qu’il n’était pas d’accord avec elle. Il fallait qu’il donne plus. Mais jamais il n’en serait capable, et il le savait. Il ne trouvait plus de mots pour la faire rester ; et c’était en contradiction avec le besoin absolu qu’elle ne s’en aille pas, et qu’il ressentait mais qu’il n’arrivait pas à lui traduire de manière convaincante.
« Tu sais ce que celui qui m’avait capturé m’a dit ? Que t’étais sur le point de mourir. Et tu sais pourquoi ? Pour me torturer. Et ça a vraiment marché. Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que si t’avais été à ma place, tu t’en serais fiché. Et ne ment pas. »
Tom espérait qu’elle répondrait ce qu’il avait envie d’entendre, sans mentir. Parce que si elle lui disait que ça lui aurait été égal, il ne saurait percevoir la présence ou non du mensonge. Et à chaque fois qu’elle le repoussait, c’était un pas de plus pour Tom loin de la cicatrice de leur amitié, toujours apparente à ses yeux. Il insistait, mais cela le faisait glisser, et il ne pourrait plus s’accrocher bien longtemps. Il allait finir par tomber dans le vide, et plus il grimpait, plus il tomberait de haut.
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Invité Invité | Sujet: Re: Allumer les feux [PV Eleonora] Jeu 10 Nov - 19:00 | |
| Ses pas suivaient les miens, mais se rapprochaient de plus en plus vite. J'étais sûrement dans un état trop minable pour me rendre compte que je devais avoir l'air d'avancer aussi vite qu'une tortue. Après tout, n'importe qui aurait eu le temps de me rattraper, même Tom qui était amoché, mais à l'heure actuelle, probablement moins que moi. Mais il avait largement eu le temps de me dépasser, à peine ces pensées passées. Il se tenait devant moi, et je ne pouvais plus avancer. J'aurais bien évidemment pu le contourner, mais je n'en avais pas la force et il m'aurait vite retenue. Lutter ne servirait donc à rien. Je soupirais, la main sur le ventre, sans l'écouter la première fois. Bon sang, ce que ça pouvait faire comme ravages cette fichue hyprocrasse ! Lorsque j'irais mieux, si je n'arrive pas à mettre fin à mes jours, j'irais le tuer. Mais je ne le torturerait. Je me contenterait de le tuer.
La vérité, c'était qu'Eleonora ne se rendait pas vraiment compte de qui elle était. Elle ne comprenait déjà pas que son « meilleur ami » ait été séquestré dans une cave et qu'il avait du finalement, tout autant, voir plus souffrir qu'elle. Mais elle ne voulait rien admettre, après toi, pourquoi l'aurait-elle reconnu ? Elle ne veut pas passer pour la victime, non. Tout ce qu'elle veut et a toujours voulu, c'est qu'on l'aime. Mais elle n'a jamais compris ce qu'était l'amour, étant donné que personne ne lui en a jamais donné. Par conséquent, elle ne l'a même jamais ressentit.. Et elle ignore tout de lui. Elle ignore ce que cela peut faire de vraiment tenir à quelqu'un. Elle croit que c'est le cas. Elle songe à mourir seulement car elle est persuadée que personne ne tient à elle. Mais c'est probablement l'inverse. Il y a au moins une personne qui tient à elle. Une seule. Mais elle ne comprend pas qu'elle ne doit pas rejeter la seule personne qui ne lui veut aucun mal, et ne lui a jamais voulu aucun mal. Elle ne comprend pas car elle est bloquée entre l'enfance et l'adolescence. Elle n'en a jamais eu après tout. Eleonora est ce que l'on pourrait appelé une « ado à problèmes » mais le problème, c'est qu'elle a dix-neuf ans. Pratiquement personne ne l'aime, pourquoi ? Car les gens sont...
Tous des abrutis. Ils me fixe comme si j'étais une bête de foire, rien que parce que j'ai tenté de mettre fin à mes jours en brûlant la maison. Ils doivent songer que ce n'est qu'un caprice et que j'essaie d'attirer l'attention, que je suis une pyromane ou que je suis tout simplement une « Je n'en ai rien à foutre de tout et de tout le monde » mais c'est faux. Ils ne me connaissent pas, alors qu'ils la ferment, tous autant qu'ils sont. Qu'ils regardent ailleurs, qu'ils se jugent eux-mêmes. Se sont-ils au moins vus ? Qu'un alcoolique m'insulte alors que sa vie est minable, ça ne passe pas non. Je suis peut-être du genre à montrer qui je suis à l'extérieur, mais il y a des choses que je garde forcément pour moi. Si je me confiais, je ne serais plus ce que je veux montrer de moi. Si j'osais seulement faire comprendre à tous ces abrutis qu'ils se trompent à mon sujet, et qu'au final, ils ne me connaissent absolument pas...
« Tu sais ce que celui qui m’avait capturé m’a dit ? Que t’étais sur le point de mourir. Et tu sais pourquoi ? Pour me torturer. Et ça a vraiment marché. Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que si t’avais été à ma place, tu t’en serais fiché. Et ne ment pas. »
Ils ne comprendraient même pas. Ils ne comprennent rien. Déjà, qu'ils essaient de comprendre leurs comportements et leurs vies avant de... Mais attendez, il avait raison ce fils de poulpe ! J'étais sur le point de mourir, durant l'absence de Tom ! C'était moi qui causait la plupart du temps une mort que j'envisageais mais je ne parvenais à rien. En fait, toutes mes tentatives avaient du être trafiquées. Enfin, je m'étais aussi faite torturer au passage, mais ce n'était pas le moment d'y penser. Tom se faisait torturer en pensant que j'étais mourante. C'était psychologique. C'est pour ça qu'il avait du me sauver, pour pas que le fait de sortir de sa cave ne soit vouée au néant. Je posais ma main contre le mur en m'appuyant contre celui-ci, je n'arrivais pas à le regarder dans les yeux. Puis tout un tas de gens nous fixaient et je ne supportait pas cette situation. Je comptais donc au moins mettre les points sur les « i » avant de lui répondre. Enfin, je me comprend.
« Tu veux parler, tu veux que je te répondes ? D'accord. Mais dans ce cas on fout le camp, loin d'ici. Même si c'est juste pour parler, j'en ai marre qu'on nous regardent comme des animaux en cage... »
Sans attendre sa réponse, puisque je ne le regardait pas de toutes façons, je le contournais enfin, et partie en direction de la forêt. C'était certes quelques peu loin, mais je me foutais des conséquences de mes actes, il nous suffirait de prendre une charrette en otage prendre une charrette que nous rendrions le lendemain à son propriétaire. Au bout d'une dizaine de minutes, je repérais enfin la charrette, mais abandonnait l'idée de la prendre. Je n'avais aucunement envie de prendre la charrette de quelqu'un. Puis ça ne servirait à rien de toutes façons... Je partis donc plutôt à quelques chemins et ruelles d'ici, dans un endroit calme, près de la place d'un village que je n'avais jamais visité. Je décidais de rester debout malgré tout, mais m'appuyer contre le mur de la ruelle, qui par malchance était étroite, ce qui ne laissait, en étant très large, un mètre d'espace entre Tom et moi. En réalité, il y avait beaucoup moins.
« J'aurais réagit autrement. Si tu étais enfermé dans une cave, et que j'étais dans... que j'étais censée être dans la maison qui doit actuellement être en cendres, j'aurais songé que tu étais assez fort pour te débrouiller seul, en étant à l'abri et au chaud. Je n'aurais pas songé un seul instant que tu souffres. Pas une fois. »
Je n'avais pas regardé Tom dans les yeux. Mon regard scrutait le ciel. Ce foutu ciel bleu marine, avec ces nombreuses étoiles un peu partout. Au fond... Ce ciel était beau. Ces étoiles étaient brillantes. Je les regardaient pour la première fois de ma vie avec un regard triste. Jamais encore je n'avais montrée ma tristesse en public en réalité. Il n'y avait que Tom, certes, mais c'était tout comme. Je détournais le regard pour scruter désormais la fontaine sur la place, et je repérais un type avec un violon, un autre avec deux bouts de bois et un autre qui était entre les deux. Ils étaient tous trois assis sur la fontaine. L'un jouait de son instrument, l'autre semblait faire un accompagnement en tapant ses bouts de bois contre la fontaine et le dernier semblait parler. Sans trop savoir pourquoi, je pensais au bar de mon père. C'était un homme blond aux yeux bleus. Il avait la peau un peu mât, mais très légèrement. Il plaisait beaucoup aux femmes, mais je ne l'avait jamais vu en regarder une seule. Il s'était toujours contenté de leur servir à boire, de leur dire bonjour, bonsoir ou au revoir.
Si je n'avais pas été sa fille, j'aurais trouvé qu'il était le plus beau de tous les hommes que je n'ai jamais vu un jour. D'ailleurs, il l'était. Mais à côté de ça... Il n'avait jamais daigné me montrer quoi que ce soit de lui. Je ne le connaissait pas. Mais pour la véritable toute première fois, je ressenti des frissons en songeant à lui, et je fermai les yeux un court instant, puis les rouvraient, et finalement, je regardais Tom. Pourquoi est-ce-que j'avais eu tant de mal à le regarder ? Ce n'était après tout qu'un regard. Il n'était qu'un homme. Comme les autres. Il ne méritait pas de traitement de faveur... Je n'avais pas à rester là toute la nuit avec lui. C'est pourquoi je détournait aussitôt la tête et que je partis vers la place, ne voyant plus les trois mélomanes, et j'allais m'asseoir du côté de la fontaine et me lavaient les mains, puis je bus un peu d'eau, afin de tenter de faire un peu passer le goût infâme que j'avais déjà, mais aussi car j'avais la gorge sèche. Lorsque j'eus assez bu, je vis Tom de retour, et je soupirais, puis me relevai.
« Bon écoutes moi, car je ne le redirais pas deux fois. On était amis. On était inséparables. On a fait les quatre cent coups tous les deux. Mais tout ça, tu l'oublies maintenant, une bonne fois pour toutes. Tu oublies tout ce qu'on a vécu ensemble, c'était rien. Ca mène à rien. Ah si. Tu souffres encore plus maintenant que ce tu ne souffrais déjà quand on s'était rencontrés et lorsque tu étais dans ta cave. Alors c'est très simple, on va chacun prendre un chemin différent, et on va s'oublier. Ce sera comme si on ne s'était jamais rencontrés. »
Il me suffisait pourtant de voir la façon dont il me regardait pour que je comprenne qu'il ne m'écouterait pas. Il ne ferait pas semblant de partir, car il savait que je ne le rattraperait jamais. Non seulement j'ai une dignité, mais en plus, nous n'avions plus rien à faire ensemble. « Je sais que tu refuses de comprendre, mais je vais te l'expliquer plus clairement, attends ; notre amitié, elle a été torturée, morte et enterrée. N'essaies pas de défaire ce qui a été fait Tom, tu te ferais du mal. Et si j'apprenais que tu as décidé de foutre ta vie en l'air après ce que je te dis, crois moi que je viendrais te tuer une deuxième fois. Je te tuerais pour m'avoir empêché de faire la même chose. Ne nous condamnent pas alors. Trouves-toi juste une fille et va vivre avec elle un laps de temps... 'fin fais ce que tu veux, de toutes façons je m'en fous. »
Un violon se fit alors entendre. Je vis le violoniste de l'autre côté de la fenêtre, qui n'avait pas vraiment l'air de faire attention à nous, et celui qui avait les bâtons intervenait de temps en temps, mais je n'arrivais pas à apercevoir l'autre type. Lorsque je retournais la tête vers Tom qui était malheureusement toujours là, je vis le type contre le mur, en face de la fontaine. Il nous observait avec un regard et un sourire semblant vouloir dire « Je vous observe depuis tout à l'heure et j'adore ce que je vois ! ». Non mais il était pas chié lui ! Pire encore. Il osa s'avancer vers nous d'un air assuré. Il avait l'air de ces belles gueules qui se prennent pour des dieux et qui se croient mieux que les autres. Le pire, c'est qu'apparemment, ce n'était même pas le cas, puisqu'il sortit un carnet et qu'il semblait avoir écris des vers sur celui-ci. Un poète. Alors celle-là, je l'avais pas vue venir.
« Il y a des gens dont on ne parle pas, on est bien mieux sans. Tomber et se relever aussitôt, cela permet de nous projeter en avant. Il faut savoir admettre ses échecs, se remettre en question, En admettant avoir raison, la vérité nous ne voyons... Il faut se rendre compte de ce qui est, là devant nous, Bel et bien le montrer, quitte à paraître fou, Car lorsque l'on ressent quelque chose de terrible en perdant quelqu'un, On peut être sûrs de se souvenir de poison chaque matin. Si la haine est un poisson, l'amour en est aussi un. Prenez garde mes amis ! La Faucheuse vous maudit ! Elle a trouvé en vous un sentiment nouveau Et dès qu'elle le pourra, en s'en emparera aussitôt, Vous réduisant au néant, ainsi, vous détruisant Elle fera en sorte qu'un jour, tout s'arrête Alors méfiez-vous, et cessez de compter fleurette. »
Lorsque l'on assiste à ce genre de scène, nous pouvons réagir de différentes façons. Nous pouvons avoir envie de partir loin de cet homme qui balance des rimes à chaque fin de mot. Nous pouvons rester là à tenter de décrypter toutes ces belles paroles qui ne veulent peut-être rien dire, mais qui veulent aussi vouloir dire tout un tas de choses. Elles pourraient, après tout, vouloir faire passer un message... Mais nous pouvons aussi nous contenter de trouver cela chantant, horrible, romantique, fatidique, et j'en passe. Dans le cas d'Eleonora... C'était surtout une situation indescriptible. A vrai dire, je ne pourrais aucunement vous décrire sa réaction, puisqu'elle ne semble pas disposer à vous répondre. Donc j'émets quelques hypothèses à son sujet...
Soit elle n'a absolument rien comprit, ce qui pourrait être normal, soit elle tente de comprendre ou a captées quelques paroles ou brides de mots, soit elle se demande si ce garçon a été castré lorsqu'il était un jeune enfant, et si cela fait mal à un point inimaginable, et elle doit alors se demander comment ce garçon fait pour vivre avec un tel handicap ; soit elle se contente de fixer ce garçon pour ne pas avoir à regarder Tom, de peur de comprendre alors tout ce que ce poète vient de raconter, et ainsi, de déchiffrer tout un langage poétique à ses yeux inconnus. Ainsi, Eleonora aurait peut-être vu le message « caché » derrière toutes ces paroles ? Eh bien.. Nous le saurons probablement d'ici quelques instants... Les enchères sont ouvertes !
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