William marchait dans les rues d’Anvard, se frayant un chemin dans la foule. Ce jour-là, il devait y avoir un marché ou une petite fête du quartier, il ne savait pas trop (il ne s’y était pas intéressé, à vrai dire), et il y avait beaucoup de gens. Tout le monde se bousculait, se pressait, courrait, poussait, parlait et un brouhaha incessant se faisait entendre. Certaines personnes se mettaient à crier à l’oreille de William, ce qui le fit grimacer. Ensuite, quelqu’un faillit le faire trébucher mais il se rattrapa. Il se retourna, en colère, mais vit une petite fille aux cheveux blonds pâles et aux grands yeux verts. Lui faisant rappeler une autre jeune fille, qui lui ressemblait un peu avec son regard innocent, il ne dit rien et continua sa route.
Il regretta d’avoir choisis Anvard comme destination ce jour-là. Dire qu’il avait hésité à aller dans la forêt ce mois-ci… Enfin bon, il était trop tard, et il devait trouver un hôtel où dormir la nuit.
William changeait de lieu toutes les lunes à cause de ses transformations en loup-garou, pour être plus discret et éviter les problèmes ou les accidents. Il voyageait beaucoup et ce n’était pas toujours très facile, d’aller de Narnia à Archeland, et de temps en temps à Telmar.
En fait, de plus en plus à Telmar ; malgré qu’il évitait la ville où il était né et où vivait son père, quelqu’un d’autre l’attirait de plus en plus là-bas, et il s’y risquait plus souvent. De toute manière « elle » vivait à l’autre bout de son ancienne maison à lui, alors le danger n’était pas si proche que ça.
En marchant dans le rassemblement abondant d’Archelandais, il se rendit compte, malgré la foule, qu’on le suivait. Il ne voyait pas qui, pas quoi, pas pourquoi, mais il en était sur : on le suivait. Ne pouvant pas presser le pas, il continua d’avancer. Il aperçut ensuite une petite ruelle, un peu sombre, où il se dirigea.
Sentant toujours une présence qui le suivait, il alla dans la ruelle ; puis quand il jugea que la personne était proche, il se retourna pour se défendre, prêt à frapper si nécessaire. Mais, le point menaçant en suspension, il s’était arrêté en apercevant qui était l’inconnu qui le suivait. Pas si inconnu que ça, en fait.

« Ange ?! »

Voir Ange en pleine capitale archelandaise n'était plus très étonnant maintenant. Il était certes loup garou, et quand les périodes de pleine lune arrivaient, il restait surtout vers sa maison, et s'enfonçait dans la forêt ; mais entre temps, il pouvait aller en ville sans danger. Il était un humain en dehors de cela, et il avait besoin d'acheter certaines choses par exemple, ou alors aller voir quelques connaissances. Il s'habituait de plus en plus à sa condition qui était malgré tout difficile à vivre quand les moments de transformation arrivaient. Aucuns souvenirs, ou presque, de ces nuits d'horreurs, seulement la souffrance de la transformation de la veille, et le lendemain quand on se réveille par terre au milieu de nulle part, sans savoir si l'on a fait des dégâts. Cela lui rapellait bien sûr la fois où il avait tué une fillette pour ne pas s'être préparé à la pleine lune. Mais il n'avait pas été seul. Il y avait eu un autre loup garou, donc aucune chance pour cette petite fille de s'en sortir si elle était cernée par...deux monstres. En pensant à cela, le visage d'Ange devient blanc, mais il continua de marcher. Il avait à présent une idée dans la tête : revoir cet autre loup garou. William.

C'est donc avec cette pensée en tête que le jeune Adam parcourut la ville avec plus d'entrain en demandant à quelques personnes susceptibles de connaitre William s'il était à Anvard. Mais apparement, il ne semblait pas très connu par ici. Si ça se trouvait, il n'était venu ici que quelques fois, et vivait autre part. Ange n'allait pas non plus passer son temps à le chercher ! Mais il voulait lui parler, savoir ce qu'il était devenu, où il habitait, comment il vivait, etc... Tant de questions sans réponse pour le jeune homme, c'en était trop ! C'est alors que par éclair, il vit quelqu'un. Il ne s'était pas trompé. Il ne savait pas si le hasard y était pour quelque chose ici, mais en tout cas, William était bel et bien à quelques dizaines de mètres de lui. Impossible de confondre sa grande taille et ses cheveux noirs avec tous ces gens qui avaient les cheveux plus clairs et étaient plus petits. Mais la foule était trop importante, Ange ne pût passer...

Mais il se décida à faire de même le lendemain matin. Il revint dans cette même grande rue, la principale, où il y avait le marché hebdomadaire d'Anvard. Déjà qu'il y avait beaucoup de monde en temps normal, là, c'était encore pire, pas moyen d'avancer un peu plus vite ! Ange ne sut toujours pas si le hasard était présent, ou si finalement c'était la chance : il repéra encore William, mais cette fois plus près. Il sortait d'un des hôtels de la ville avec un air épuisé sur le visage. Mais le jeune homme savait que lui aussi devait avoir la même expression... Il tenta d'avancer un peu plus vite, histoire d'être plus proche de William et il réussissait peu à peu. Il finit par tourner, s'écartant de la foule, et Ange fit de même. N'étant pas très discret sur ce coup-là, il arriva dans une ruelle sombre et où ses pas résonnaient très légèrement, ainsi que ceux de William. D'ailleurs, celui-ci s'était arrêté tandis que le jeune Adam n'avait pas fait attention. William se tourna, près à le frapper, mais la surprise l'atteignit, et il baissa son bras.

« Ange ?! »

- Si tu évitais de me frapper, je t'en serais reconnaissant !

Il ne savait pas vraiment s'il fallait sourire ou pas. Pour le moment, William était sûrement en train de se persuader qu'on était pas venu pour l'attaquer ou quelque chose dans ce genre. Ange s'arrêta à environ un mètre trente de son "ami" tout en le fixant. Et maintenant, il ne savait pas quoi dire... Supeeeer ! Lui qui arrivait toujours à mettre une bonne ambiance, à réanimer de sombres conversations, à donner l'impression que la vie était merveilleuse. Pas très malin sur ce coup-là.

- Je t'ai vu par hasard...et je me suis dit que ça pourrait être bien de te parler.

La stupeur s’en alla du visage de William mais ce dernier était toujours étonné. Il ne rêvait pas, Ange Adam, autre loup-garou, était bien devant lui. Celui avec qui il avait participé à cet accident, avec cette petite fille tuée par des monstres incontrôlables et inconscients. Ce souvenir qui le hantait, pourtant plus proche que jamais, fut chassé de son esprit. D’habitude, en y pensant, il se sentait seul et « monstrueux », mais là, Ange était avec lui, ils étaient tous les deux dans ce martyre et c’était presque réconfortant ; même si ce réconfort ne chassait pas la culpabilité. Il desserra son point, qui était toujours crispé par la surprise. Après la réplique d’Ange, il haussa les épaules et dit d’un ton ironique :

« Comme tu voudras »

Un court silence s’installa. Les absences de discussions ne dérangeaient pas vraiment William, du moment qu’il n’y avait pas de gênes. Mais il se demandait s’il fallait faire comme si rien ne s’était passé ou au contraire parler de l’évènement auquel ils avaient participé. Surement qu’Ange aussi se posait la même question. Avant que le silence devienne un malaise, ce dernier parla.

- Je t'ai vu par hasard...et je me suis dit que ça pourrait être bien de te parler.

« Oui, tu dois avoir raison. Et désolé, j’avais vu qu’on me suivait, mais je ne m’attendais pas à te voir. »

William avait oublié, ou peut-être ne l’avait-il jamais su, qu’Ange était Archelandais. En fait, ils n’avaient jamais vraiment beaucoup parlé : la dernière fois qu’ils s’étaient vu, leur terreur et l’horreur ne leur avaient pas permit de franchement discuter. Peut-être était-ce le moment ou jamais de parler du meurtre, pour avoir les idées claires. Ou peut-être cela ne servait-il à rien, ce qui est fait est fait, aucun d’eux ne pouvaient revenir en arrière, même si remonter le temps était un de leurs souhaits le plus cher.

« Sinon… hum… Rien de nouveau depuis… l’accident ? »

Il n’avait pas dit grand-chose, mais c’était la première fois qu’il parlait de ça à voix haute, et il avait l’impression d’entendre le cri de la petite fille rien qu’à sous-entendre sa mort.

« Comme tu voudras »

Ange sourit à cette réponse, se détendant quelque peu. Il ne trouva pas quelque chose à dire ensuite. De plus, cela faisait tellement longtemps qu'il n'avait pas croisé le regard de William, vu son visage. De quoi parler ? Ange ne connaissait rien de la vie de son "ami", à part le fait qu'ils soient tous les deux des loups garous. Quelle information... Bref, le jeune Adam regarda le sol, les murs autour de lui, même le ciel, avant de lâcher la raison pour laquelle il avait "coincé" William.

« Oui, tu dois avoir raison. Et désolé, j’avais vu qu’on me suivait, mais je ne m’attendais pas à te voir. »

- Mais que veux-tu, j'aime faire des surprises !

Il sourit encore plus pendant quelques instants. Un peu plus tard, tandis qu'Ange évitait de retourner trop dans ses pensées, sachant parfaitement à quoi il s'attendait, William lui demanda s'il avait quelque chose de nouveau dans sa vie. Paroles typiques des débuts de conversation. Sauf que là, c'était plutôt assez étrange, puisqu'ils ne savent pas vraiment quoi dire. Ils ne s'étaient guère parler, et avaient juste un grand souvenir en tête, ainsi que le prénom de l'autre. Depuis cet incident, il s'était écoulé quelques mois, six pour être plus exact. Ange n'était loup que depuis peu de temps, et même s'il ne savait toujours pas se contrôler à la pleine lune, il lui semblait qu'il faisait moins de...dégâts.

- Eh bien... J'ai pas vraiment changé de vie. J'ai simplement l'impression qu'avec le temps, le contrôle vient, après la...transformation.

Les gens n'imaginaient pas combien il était dur de parler de ce genre de choses. Déjà, eux avaient peur, mais ils ne savaient pas ce que ça faisait pour un vrai loup garou. Ils l'étaient peut-être, mais le fait de le dire était dur pour la conscience, pour la nature, pour tout. A l'extérieur, il était clair qu'Ange ne paraissait pas être un loup, si on oubliait toutes les cicatrices qui marquaient son corps, surtout sur ses bras et ses jambes, mais aussi sur ses flancs et son dos. La tête était en général plus dure à atteindre. D'ailleurs, il ne savait pas comment ces marques apparaissaient. Mais de toute manière, cela ne se voyait pas.

- Tu vis où au fait ? Tu n'as pas l'air d'être très connu ici.

Ange non plus n'était pas très connu dans la ville, sûrement parce qu'il habitait plus loin, en retrait des habitations, et qu'il évitait de se faire remarquer. Pourtant, il parlait avec les gens, il savait facilement se faire respecter quand il y avait un soucis, il faisait ce qu'il fallait faire comme il le voulait. Il avait bonne réputation, mais il savait qu'on ne parlait pas souvent de lui. Certains connaissaient son prénom, mais son nom et son lieu d'habitation précis étaient inconnus.

- Bon écoute, je veux pas qu'on reste tous les deux seulement sur cet accident. Je sais que ça doit autant te torturer qu'à moi... Enfin bon, peut-être que tu n'es pas comme moi.

William se rendit compte que l’accident avait eu lieu lors de ses « débuts » en tant que loup-garou. Ce n’était pas sa première transformation, mais c’est à ce moment là qu’il comprit ce que signifiait vraiment qu’être loup garou. Ce n’était pas juste une petite métamorphose en gentil toutou chaque mois, c’était le changement d’un homme en monstre n’ayant pas d’autre but que tout dévaster sur son passage. C’était enlever des vies sans faire attention, comme s’il ne s’agissait que t’insectes sans importance. Innocente ou pas, une vie était une vie. Et innocente ou pas, elle manquerait toujours à quelqu’un… Perdre quelqu’un marque tout le monde.
Perdre un enfant est d’autant plus horrible. William se sentait monstrueux à l’idée d’être responsable de ce sentiment à quelqu’un. Il se sentait dangereux ; comme un traqueur traqué. Il risquait constamment sa vie et celle des autres. Et il n’avait pas le choix. Dans un sens, il se disait qu’il avait bien mérité cette souffrance ; il avait été si arrogant et imbu de lui-même autrefois. Mais cela ne justifiait pas la mort d’une petite fille. Et il avait été mordu alors qu’il était redevenu lui-même, voire même le contraire du prince, gosse de riche, malgré qu’une dose d’arrogance fût un peu restée. Mais ce n’était pas la même. Il était plus dur, moins précieux.
Donc il ne pouvait en vouloir à personne, ni à celui qui l’a mordu, ni à lui-même. Juste à son père, qui avait fait tuer sa mère et avait essayé de faire tuer son fils.
Malgré tout, Ange avait raison : le contrôle venait petit à petit, même s’il savait qu’il ne serait jamais complètement là. Ils resteraient tous les deux à jamais des bêtes de foire tueuses. C’est pour ça que William voyageait tout le temps.

« Eh bien en fait… Nulle part. Je ne reste jamais au même endroit ; enfin pas deux mois de suite en tout cas. Parce que sinon… j’ai peur de faire du mal. Et comme ça je ne risque pas ma vie non plus, car quand je reste quelque part, on entend des hurlements les nuits de pleine lune, et tous les gens ne sont pas idiots. Ces derniers temps, je suis souvent à Telmar.»

Telmar. Il n’y allait pas en tant que ville natale (quoiqu’un peu), ni en tant que le lieu où vit son père, a vécu sa mère. Il y allait en tant que ville où une jeune fille habitait. Une jeune fille avec qui il parlait, ou qu’il aimait simplement regarder de loin ; voir ses cheveux châtains, ses yeux noisettes, sa silhouette fine. Il la trouvait gentille et drôle.
Quand il se rendit compte qu’il s’était perdu dans ses pensées et qu’il était très certainement en train de sourire, il reporta son regard vers Ange et écouta ce qu’il avait à dire.

« Je ne pourrais jamais oublier cet accident, ni tourner la page, ou encore ne plus y accorder de l’importance. Comme tu dis, c’est une véritable torture. Mais tu as raison… Il faut penser à autre chose. »

William se rendit compte que la foule avait diminuée ; il y avait un peu de monde mais il était possible de marcher sans se faire pousser, et même d’écarter les bras sans toucher quelqu’un.

« Viens, sortons de cette ruelle, c’est pas l’endroit idéal pour parler. »

Quelques secondes après qu'Ange ait demandé à William où il vivait, ce dernier lui répondit. Il expliqua qu'il changeait souvent d'endroits. Mais qu'en ce moment, il restait à Telmar. Telmar ? Mais pourquoi était-il à Archeland maintenant alors ? Ange se demanda cela tout en songeant que son ami n'avait pas tout à fait tord. Certes il habitait loin des habitations, mais il n'y avait pas longtemps, il avait rencontré une jeune femme vivant avec sa petite soeur dans les bois. Il s'était promené en courant, et n'avait guère su combien de temps il s'était balladé comme cela, mais Ylena n'était pas si loin que ça... La panique l'envahit pendant un instant. Il s'en voudrait encore plus si cette fois, c'était Leyen, cette petite fille si adorable qui était tuée par sa faute...

- Tu sais, j'ai l'impression que les gens commençent à comprendre que les loups garous...reviennent. Qu'il y en a de plus en plus, comme dans les anciens contes. Ici en tout cas.

En effet, Ange entendait parfois les conversations des Archelandais, et même le sujet dérivait quand il discutait avec quelques personnes. Les gens avaient peur quand ils entendaient les cris tenus les soirs de pleine lune, si forts qu'ils avaient l'impression qu'un montre était près d'eux. Il ne disait rien, ou faisait semblant de ne rien savoir bien sûr, il serait attrapé et tué si les habitants le savaient, même si il savait se défendre, mais pas contre tout le monde...

- Mais alors, que fais-tu ici ?

William semblait ensuite dans ses pensées. Presque Ange aurait pu en rire, vu la tête de son ami, qui avait l'air d'être à deux milles kilomètres d'ici ! Un sourire étira ses lèvres, mais rien d'autres. Un coup quelque chose de triste, un coup quelque chose de marrant. Bizarre cette conversation quand même. Bon, il faut trouver quelque chose pour arrêter le coup triste, Ange aurait bien aimé connaître vraiment William. C'est pour cela qu'il voulut en partie clore le sujet.

« Je ne pourrais jamais oublier cet accident, ni tourner la page, ou encore ne plus y accorder de l’importance. Comme tu dis, c’est une véritable torture. Mais tu as raison… Il faut penser à autre chose. »

- On a encore toute la vie devant nous..Alors tâchons de ne pas complétement la gâcher à cause de cela.

Ange avait failli rajouter qu'il préférait avoir tué cette petite fille plutôt que de la mordre, mais il valait mieux se taire. Il pensait cela parce que c'était son point de vue. C'était horrible de penser qu'il préférait l'avoir tuée, mais elle aurait pas eu à vivre avec cette souffrance toute sa vie, dès son plus jeune âge... Un loup garou incontrôlable, elle aurait été comme cela, et elle serait morte bien vite. Mais le mieux était bien sûr qu'elle n'ait pas été confronté aux loups garous. Qu'il y en ait un ou deux, c'était du pareil ou même. William sortit Ange de ses pensées en lui disant que ce serait mieux de sortir de la ruelle maintenant qu'il y avait moins de monde dans la rue principale.

- En fait...je voulais aussi te voir pour commencer à te connaître. Je ne voulais pas rester sur ton prénom et ta nature, et...cet accident.

William avait effectivement entendu les villageois parler de bruits étranges la nuit. Des rumeurs sur des monstres commençaient à circuler. Le fantôme d’une créature du passé, un ours maléfique ; elles étaient toutes plus absurdes les unes que les autres. Cependant, le jeune homme, qui avait surpris discrètement une conversation entre deux Telmarins, les avait entendus parler d’une coïncidence entre les hurlements de ces bêtes et de la pleine lune. Du coup, ce soir là, il était allé imiter le cri du loup-garou, sachant que c’était la demi-lune, pour éviter les soupçons. Il s’était dans un sens bien amusé ; les gens étaient tellement naïfs. Mais il ne pouvait pas se permettre de les laisser croire qu’un loup-garou errait à Telmar, sinon il serait forcé de ne plus y retourner.

« Tu sais, les gens parlent autant de loups-garous que de manticores ou de créatures dans le genre. Mais si ça continue, c’est vrai qu’on risque de se faire attaquer… C’est pour ça que je change souvent de lieu aussi, je préfère éviter les battues ou autres. »

William avait réussi à oublier la petite fille malgré la présence d’Ange. Sans s’en rendre compte évidemment, sinon il s’en serait à nouveau rappeler. Et puis c’était vrai, ils avaient toute leur vie devant eux, il ne fallait pas que ça la gâche ; même si pour le cas de William, il savait que ça sera en partie le cas. Ou du moins à cause des transformations de loup. Jamais il ne pourra redevenir un humain normal, et malgré qu’il n’aimait pas être comme tout le monde, cela lui manquait parfois. Et le pire, c’est que dans sa tête, il se disait qu’il l’avait mérité. Au moins pour le meurtre de la petite blonde. Il ne connaissait même pas son prénom. Mais bref.
Ils sortirent donc de la ruelle et commencèrent à marcher machinalement dans la rue principale.

« D’accord. Je sais pas, qu’est-ce que je pourrais dire sur moi… Mon nom est Earons, j’ai vingt ans, mon père est un abrutit et je me considère donc comme orphelin. A toi C’est chacun son tour. »

Même si c’était vrai, il avait dit ça sur un ton sarcastique avec un sourire ironique. Il n’était pas du genre à se plaindre et à dire sérieusement ses malheurs, il ne voulait pas attirer l’attention ou se faire prendre en pitié (malgré qu’il doutait qu’Ange lui montrerait de la pitié). De toute manière, il n’avait pas fini de se présenter. Chaque chose en son temps ; ils avaient quelques heures devant eux, pas la peine de précipiter les choses.

- J'habite loin d'ici moi, enfin à une bonne heure des villages, donc je me dis qu'il y a un minimum de risques quand même.

Ange ne se voyait pas changer d'endroits tous les mois, il avait de l'argent par ses parents, d'ailleurs il ne les avait pas vu depuis longtemps. Deux ans. Depuis les deux ans où il avait changé de nature. Il n'osait pas leur dire quoi que ce soit, ce serait une honte, et il avait peur de leur réaction. Il n'avait pas toujours été un enfant facile, mais de là à avouer d'un coup qu'il était un loup garou, ça fait un grand choc. Surtout pour sa mère... Mais du coup, il n'avait eu aucune nouvelle d'eux, et n'avait aucune idée de leur vie à présent sans lui. Il allait souvent à Anvard, et ne remontait pas plus au Nord, vers Narnia, où ils habitaient normalement.

« D’accord. Je sais pas, qu’est-ce que je pourrais dire sur moi… Mon nom est Earons, j’ai vingt ans, mon père est un abrutit et je me considère donc comme orphelin. A toi C’est chacun son tour. »

Ange ne dit rien sur le moment. Bon, William ne voulait donc pas tout dire d'un coup. C'était peut-être mieux, en effet. Donc si on le suivait, il devrait dire son nom de famille, son âge - deux ans de plus que William - et sa vie très rapidemment. Autant rajouter d'autres trucs quand même. Ange n'était pas du genre à tout dévoiler sur lui, surtout qu'il n'aimait pas être connu des autres. Mais pour un ami, il fallait le faire. Il réfléchit un instant aux paroles de William. Il se considérait comme orphelin, alors que son père était en vie. Sa mère était donc morte ? Sûrement... Mais il valait mieux ne pas sortir ce sujet là non plus.

- Mon nom est Adam, j'ai deux ans de plus que toi, je ne vis plus avec mes parents depuis mes vingt ans, je me suis fait mordre quelques mois plus tard et je ne sais donc pas ce qu'ils sont devenus puisque je ne les ai toujours pas revu. J'habitais au nord d'Archeland, et maintenant je reste en solitaire à l'ouest, dans les bois. Continue.

Simple, et ça racontait presque tout. Enfin, ce n'était que le début...Mais Ange n'avait pas une grande vie, il était né à Archeland, avait vécu sur la même terre, avait grandi à sa manière, avait quitté le cocon famillial, était devenu un loup garou, et à présent, vivait comme un humain normal, ou essayait en tout cas.

Ange pensait souvent avoir eu une vie pire que certaines personnes, pas la plus pire non plus. En entendant William et en voyant quelque peu son expression quand il parlait, le jeune Adam se sentait mal. Mais bon, il se reconnaissait légèrement dans le récit de son ami. Il avait toujours été le petit ange pour ses parents, peut-être que son prénom venait de là d'ailleurs. Mais plus tard, il avait appris tout seul à se défendre, à régler les soucis à sa manière. Il s'était refermé sur lui même, mais dans un sens, il était aussi ouvert. C'était assez compliqué à expliquer. Autant répondre à William.

- J'étais plutôt du genre à rester dans mon coin, mais j'étais apprécié de beaucoup de personnes pour ma capacité à ne pas faiblir devant un obstacle, à gravir les mauvaises choses, si tu vois ce que je veux dire. Visiblement, là où j'habitais, ils étaient faibles... Mes parents croyaient que j'étais le parfait petit enfant, et pourtant, ce n'était pas totalement le cas. J'étais plus mature que d'autres, c'est pour cela que j'ai décidé de vivre seul, en dehors des habitations, jusqu'à ce qu'un soir de pleine lune... Je n'ai pas perdu mes habitudes, comme...

Il s'arrêta là, pour seulement quelques secondes. Dans cette conversation, on aurait pu croire qu'il était le gentil de l'histoire qui avait été victime. Et pourtant, il avait mauvais caractère quand on l'énervait, il n'agissait que pour lui, et rarement pour les autres. Il savait utiliser les bons mots, mais encore une fois, pour lui.

- Comme séduire les filles , ajouta-t-il avec un petit sourire.

Il ne valait mieux pas compter toutes les conquêtes d'Ange ! Grand charmeur, il n'avait rien changé après la morsure du loup garou. Il avait été perturbé, mais avait surmonté cela bien vite. Mais quand il en parlait, qu'il y pensait, on voyait le changement radical. Il était mal à l'aise, sentait la panique en lui.

- D'un côté, je surmonte parfaitement cette nouvelle vie, mais d'un autre...c'est plus compliqué que ça en fait.

Avant, et même jusqu’à ce moment, William croyait que si nos parents nous aimaient, alors on ne pouvait pas avoir de problèmes du côté parental ; pas de problèmes importants du moins. Mais il avait compris que non. Ange avait eu l’amour paternel, et pourtant, il ne les voyait plus. William ne comprenait pas vraiment ça, mais après tout, il ne connaissait pas toute l’histoire, et il n’avait pas eut la même situation à affronter ; la sienne avait été différente et son point de vue n’était pas le même.
Le jeune loup-garou aurait aimé avoir une famille ; bien sur, il en avait eut une, mais très peu de temps. Sa mère n’était plus la depuis un bon bout de temps, et son père… Il aurait aimé en avoir un autre. Vous savez ? Les pères qui sont fiers de vous, qui s’occupe de vous par amour et pas pour leur réputation. Ceux qui vous apprennent à faire des choses, qui s’amusent avec vous. Ceux qui ne vous empêchent pas de sortir de votre maison pour ne pas que vous découvrez ses escroqueries et ses crimes. Ou au moins, ceux qui n’ont pas tué votre mère, qui n’ont pas essayé de vous tuer et qui vous aiment parce que vous êtes leur enfant. Surement que William l’avait mérité, se disait-il.

« Je suis terrifié. J’ai peur de devenir comme mon père. Avant, c’était un homme normal ; bien avant qu’il ne se marie avec ma mère. Et il a mal finit. Je ne veux plus d’une autre famille, ni en fonder une : je ne veux pas faire comme lui. Et puis, peut après mon « exil » de la maison familiale, je me suis fait mordre. Je suis loup-garou, j’ai détruit des vies en les tuant elles ou celles de leurs proches. Je commence déjà à faire comme mon père, je deviens à mon tour meurtrier! Mais moi, au moins, ce n’est pas volontaire, et je culpabilise… Ca doit être ça qui me différencie de lui. »

William s’était quelque peu… emporté. C’était rare qu’il se dévoile ainsi, et qu’il parle de lui aussi directement. Le fait qu’Ange ne le jugeait pas et qu’il parlait aussi de sa vie en échange lui avait faire dire inconsciemment sa plus grande peur, alors que les deux loups-garous n’étaient pas de vieilles connaissances. Mais il se reprit et sourit.

« J’ai eut aussi quelques conquêtes, mais depuis quelques temps… »

Il repensa à Jane. Son sourire qu’on pourrait dire « espiègle » devint un peu plus rêveur.

« Ca ne m’intéresse plus trop. Mais ça doit être normal quand on aim… Enfin bref. oo’ Je te laisse là parole. »

- Ce n'est pas en restant fixé sur le passé que tu pourras vivre vraiment ta vie...

Ange avait légèrement l'impression de se répéter, mais peu importe. Si lui se sentait mal avec sa vie, pour William c'était encore pire. Celui-ci semblait ne pas avoir eu du tout l'enfance qu'il aurait voulu, et pourtant il avait l'air d'avoir bien fini. Mais chaque homme peut changer... William était mal d'un coup, sûrement parce qu'il était du genre renfermé, comme Ange. Ce dernier était assez doué pour deviner à quoi pouvez penser les gens, leurs sentiments. Et il était pris au dépourvu de cette histoire, toute cette souffrance cachée chez quelqu'un qui ne voulait pas se dévoiler. Le jeune Adam était aussi comme cela, mais il arrivait à ne plus penser à sa douleur, ce qui était assez différent. Peut-être parce qu'il n'était pas aussi bon et sympathique que son ami...

Ange détourna quelques instants son regard de William. D'ailleurs, celui-ci ne devait guère apprécier d'être fixé comme cela. La foule était toujours présente, mais plus loin, de plus, les deux loups-garous s'étaient éloignés, allant en sens inverse. Ange regarda une petite troupe d'enfants qui s'amusaient entre eux, quelques oiseaux qui évitaient de se prendre des pierres par ces mêmes enfants, puis l'ensemble des habitations autour de lui. Il n'était pas prêt pour habiter dans un simple village, et encore moins dans la capitale archelandaise. Et pourtant, il adorait la ville, les gens, même s'il appréciait également la solitude.

« Ca ne m’intéresse plus trop. Mais ça doit être normal quand on aim… Enfin bref. oo’ Je te laisse là parole. »

Ange ne put s'empêcher de sourire aux paroles de William. Quelques instants plus tôt, il lui avait dit qu'il ne changeait pas vraiment, même avec cette nouvelle nature, et pour essayer de remonter l'ambiance, il avait citer la séduction pour les filles. Et visiblement, Ange n'était pas le seul. Mais il n'avait pas pu garder ses mtos pour lui tout seul. Ange savait quoi faire pour embêter William maintenant...

- Je crois que ta vie est beaucoup plus remplie que la mienne, même si je suis un peu plus âgé. Alors continue, c'est qui cette fille ?

Ange avait dit à peu près la vérité. Il n'avait pas eu énormément de choses, et il ne voulait pas non plus raconter toute son enfance. Mais William en avait besoin, et ça avait du lui faire du bien de se lâcher un peu. Maintenant que ce petit passage de connaissances était visiblement terminé, ou presque, il valait mieux retourner au présent. William ayant dit ce qu'il ne fallait pas, Ange n'était pas prêt de le lâcher avec ça, tout en plaisantant bien sûr.

- Et tu as intêret à tout me dire, ajouta-t-il avec un nouveau sourire.

Ange était plutôt content de voir que William allait raconter son côté de vie privée. L'enfance ne semblait pas un sujet simple pour lui, tout comme pour le jeune Adam, alors autant ne pas continuer. Toutefois, William hésitait, malgré l'insistance d'Ange. Finalement, il se décida en soupirant légèrement. Les deux loups garous avançaient toujours droit sur le route principale d'Anvard. William commença enfin son "explication". Cette fille s'apellait donc Jane et...venait de l'autre monde ? Comme les Rois et Reines qui prétendaient venir de là-bas aussi ? William confirma cela la seconde d'après. Ange était partagé pour ce genre de choses. D'un côté lil trouvait cela plus qu'étrange, et impossible, d'un autre côté ça lui foutait la trouille cette histoire de magie.

« Et elle a atterrit à Telmar, où elle vit… »

Au regard de son ami, il comprit de suite. Jane vivait à Telmar, et comme par hasard William voulait rester à Telmar en ce moment. Ange ne dit cependant rien, il laissa la conversation continuer. William enchaîna en décrivant le caractère de cette fille qu'Ange ne connaissait pas, mais qui lui donnait envie de la recontrer, pour vérifier qu'elle était bien comme son ami la décrivait. Puis l'explication enchaîna sur la description physique, ce qui fit légèrement sourire Ange. William finit pour concluer en disant qu'ils étaient amis. Mais dans le sens où ils n'était, justement, "que" amis.

- Tu es amoureux, dit Ange après un petit moment de silence.

Ce n'était pas une moquerie, une question, une exclamation. Non, c'était simplement une constatation. Ange était déjà tombé amoureux, mais ça n'avait pas abouti à quelque chose de durable, comme avec Valentina. On aurait pu croire qu'ils étaient un beau couple tous les deux, mais non. Quand on entendait William parler de Jane comme ceci, on sentait l'amour qui sortait, mais qui restait en même temps dans son esprit. Ses yeux exprimaient quelque chose de différent, d'indéfinissable.

- Je te souhaite bonne chance alors. Mais je doute qu'elle résiste longtemps au charme d'un loup garou comme toi, ajouta-t-il en posant une main sur l'épaule de William tout en souriant.

Ange était à moitié sûr que William allait à présent lui demander comment ça se passait pour lui, les amours. Vagabonder de lit en lit, ça compte ? Non pas vraiment. Et ce n'était pas non plus comme si tous les soirs, il se retrouvait chez quelqu'un qu'il venait de séduire. Non, c'était seulement de temps à autre... pas pendant les périodes qui se rapprochaient de la pleine lune en tout cas. Il y avait pas mal de jeunes femmes très jolies et séduisantes en Archeland. La dernière qui avait "tapé" dans l'oeil d'Ange était une jeune fille qui devait avoir entre seize et dix huit ans, une archelandaise qui vivait dans un village près de la frontière archeland/Narnia. Son nom ? Alice. Alice Sparks. Mais Ange ne savait absoluement pas si il était amoureux.

- Mais elle ne sait pas ce que tu es vraiment, c'est ça ?

Ange avait rajouté cela en voyant une partie de l'expression de William qui était légèrement triste.

Jane le rendait heureux. Pourtant, William vivant "avec" ET "sans" elle ; il la connaissait, lui parlait, était ami avec elle... mais rien de plus, et il redoutait d'aller plus loin. L'effroi de lui faire peur, déjà, en lui disant qu'il est loup-garou et même en prenant toujours des risques les soirs de pleine lune. Il ne voulait pas l'inquiéter, et ce serait partager injustement son calvaire avec la fille qu'il aime. Certains lui diraient de le lui cacher dans ce cas, mais il ne voulait absolument pas vivre dans le mensonge et il se sentait obligé d'être sincère avec elle. Le secret ne le dérangeait pas, mais dans ce cas il aurait été forcé de mentir, et il en était hors de question.

Elle ignorait complètement que William Earons, quelqu'un qu'elle aimait bien et peut-être plus, était un monstre. Qu'il était couvert de cicatrice, morales et physiques. Qu'il était chassé par les habitants des villages qu'il "hantait" certaines nuits. Qu'il avait trop peu d'estime pour lui même pour se penser à sa hauteur à elle. Qu'il pensait définitivement qu'elle méritait mieux que lui.

Il se retint de sursauter quand, après un silence de réflexions personnelles, Ange parla. Avec un drôle de ton. Enfin non, pas drôle. Plutôt monotone, comme quand on affirmait quelque chose de simple et clair. Certes, les sentiments de William l'étaient. Mais pas la situation.

« Oui. »

Tout simplement, oui. Sur le même ton qu'Ange, comme pour renchérir. Car, oui! il l'aimait. Il était complètement amoureux d'elle, il l'aimait comme jamais il n'avait aimé personne, de ton son coeur, de toute sa tête et de tout son corps. Et pourtant, pour les mêmes raisons auquelles il pensait quelques secondes avant, il se sentait emprisonné dans un cercle infernal. Peut-être s'il prendrait du recul, il verrait que tout cela est stupide et qu'il ferait mieux d'aller avec elle, mais il ne pouvait pas, il n'y arrivait pas, il était coincé dans son propre entêtement.

Il fit mine de sourire au propos d'Ange sur "resister au charme d'un loup-garou comme lui", mais justement, ne pas être un loup-garou lui aurait largement facilité la tache. Il avait surement, sans s'en rendre compte, laisser paraitre sa tristesse sur son visage ; ou alors Ange avait lu dans ses pensées, mais cela était un peu moins probable.

« Non, elle ne sait rien. Je ne veux pas qu'elle sache. Mais je ne veux pas lui mentir. Enfin, c'est compliqué. Et sinon toi, une fille en particulier t'aurais marqué? »

Il préférait changer de sujet. On aurait dit qu'il avait chassé sa tristesse, mais de toute manière, il n'était jamais heureux. Il voulait juste penser à autre chose un petit moment.

Ange comprit à l'expression de William qu'il avait visé juste. Jane ne savait pas qu'il était un loup garou, et celui-ci redoutait de la perdre si il lui annonçait cela. Et sûrement aussi de la perdre si par accident, ce n'était pas une petite fille qu'il tuait, mais la femme qu'il aimait plus que tout. Ange était dérouté par tant de sentiments, car il devait avouer qu'il n'arrivait pas à ressentir autant, c'était... au dessus de ses forces. Au fond, il était comme William, il avait les mêmes craintes, mais ne le montrait pas et ne s'en doutait même pas. Peut-être que les loups garous étaient compliqués en fait. Ou juste les hommes, allez savoir.

William répondit qu'il ne voulait pas lui dire, ni qu'elle sache, rien en fait. Ange savait qu'il était loin de pouvoir faire quelque chose pour son ami et Jane. Personne ne le pouvait d'ailleurs. Tout ce jouait sur les deux concernés. Ce fut alors que William revint sur Ange, lui demandant si une fille l'avait marqué. Beaucoup de filles marquaient l'esprit du jeune homme, mais comme il l'avait pensé plus tôt, une sortait du lot en ce moment. Il voulait la revoir, la connaître mieux, savoir d'où sortait sa joie de vivre et sa bonne humeur, même dans les pires cas.

- Je suppose que c'est à mon tour

Le pire, c'était qu'Ange ne savait même pas qu'Alice était la meilleure amie de William. Heureusement, celui-ci ne dirait rien à la jeune femme... quoique. Ange n'était pas vraiment amoureux, ou du moins, il n'arrivait pas à confirmer ses sentiments envers Alice tant qu'il ne la revoyait pas.

- Je ne pense pas que je sois vraiment amoureux. C'est assez compliqué...

Dire cela à William reviendrait à dire qu'en fait, il aimait vraiment cette fille. Ange se dit qu'il ferait mieux de réfléchir avant de parler la prochaine fois. Il n'était pas près de faire une aussi belle description que son ami, puisqu'il ne connaissait pas totalement Alice, bien qu'il avait eu un apperçu de son caractère et de sa grande personnalité. Se remémorant cette rencontre, il commença ainsi :

- Je ne l'ai vu qu'une seule fois, et on peut dire qu'on est devenus amis. Elle s'apelle Alice et habite au nord d'Archeland, vers Narnia. En fait, ce qui m'a marqué chez elle, c'est... c'est le fait qu'elle sache dire ce qu'il faut, qu'elle reste positive à toutes les situations.

Le jeune homme ne remarqua pas l'étrange expression de William, continuant tout simplement. Il enchaîna tout simplement en décrivant les longs cheveux châtains d'Alice, ses yeux brillants et reflétant sa personnalité. Il allait commencer à aller plus loin, ses pensées dépassant ses paroles, mais réussit à se contenir. Il fixa alors William, pour marquer la fin de sa "description".

William écoutait Ange. S’il ne savait pas s’il était amoureux ou pas, c’est qu’il ne l’était pas ; en tout cas pas encore. Peut-être qu’elle lui plaisait, qu’il l’adorait, qu’il tenait à elle, qu’elle lui faisait quelque chose ; mais il n’était pas encore dans un sentiment sincère. Ca n’allait probablement pas tarder, mais William avait l’impression qu’Ange ne désirait pas spécialement sortir avec elle, il n’en était pas à ce point.
Ou peut-être qu’il allait simplement rester sans l’aimer. Cela pourrait déboucher sur une ennemie, une amie, une « sœur de cœur », une aventure, ou rien de sérieux. On ne peut rien garantir ; la vie est tellement étrange. Parfois, on analyse les choses en se disant qu’avant, jamais on aurait cru une chose pareille. Jamais on ne l’aurait imaginé, même pas l’idée ne nous serait venue. Et si quelqu’un du futur nous l’avait dit, on l’aurait pris pour un fou.
C’est vrai, par exemple, un garçon narcissique et superficiel qui adore son père aurait-il cru que, quelques années plus tard, il détesterait celui-ci, serait loup-garou, aimerait une « fausse » Telmarine et vivrait seul sans argent avec des vêtements loin de ceux d’un aristocrate ? Surement pas.
Ou bien, une jeune fille Anglaise aurait-elle cru se retrouver dans un autre monde, sans sa sœur, et orpheline ? Ange, se serait-il imaginé, à l’époque, être un loup-garou et tuer une petite fille ?
Parfois, même, c’est étrange de penser à ça.

William se rendit compte de quelque chose. Mais il ne dit rien, il attendit qu’Ange finisse. Il ne pouvait se tromper, il en était sur ; cette description ne pouvait pas être deux personnes à la fois. Elle était unique en son genre, et au pire, si une autre fille était comme elle, il doutait qu’elle ait le même prénom. Ca non plus, William ne l’aurait pas imaginé. Ange et Alice non plus surement.
Le monde est étrange. Parfois il parait minuscule quand on pense que tout le monde se croise, se connait, se rencontre.

« Alice Sparks. »

Il fit son sourire, presque fier de lui, qu’il avait quand il étonnait quelqu’un. Il découvrait quelque chose, ne disait rien, ne laissait pas paraître son étonnement et montrait qu’il le savait en regardant la surprise de l’autre personne. C’était amusant, surprendre les gens.
Mais Ange n’était pas vraiment du genre à montrer sa surprise, comme lui. Enfin en tout cas il en doutait. Mais imaginer son étonnement intérieur restait drôle.

« Qui aurait cru que tu connaissais ma meilleure amie Mais malgré ça je ne lui dirais pas ce que tu ressens pour elle. Enfin, SI tu ressens vraiment quelque chose, parce que je ne sais pas trop en fait, et toi non plus alors ><’ Bref. »

Il y eut un moment de silence. Puis William se mit à rire. Pas un rire moqueur, juste un rire détendu, que les gens utilisaient pour dire « Ah ! Le monde est petit ! ». Un peu nerveux dans un sens.
Un rire détendu et nerveux… --‘ Ne cherchez pas à comprendre.
Si, je sais ! Un rire au départ nerveux qui détend l’atmosphère et nous rend détendu. Enfin si on veut.
Et un rire qui montre l’ironie que nous réserve la vie (ça rime). Je m’égare là… Il faut que j’arrête de dire n’importe quoi sinon ça va empirer.