Recouverte d'un fin drap sur le sol humide et couvert de paille de sa cellule dans les cachots du palais de Telmar, Anémone se réveilla avec le doux chant des oiseaux qui habitaient sous sa fenêtre. Elle osa regarder vers la fenêtre en se redressant légèrement, les pies bavardes la regardaient d'un air curieux.
Elle sourit et se leva. Elle dépoussiéra la vieille robe qui avait du être blanche dans une autre vie et s'approcha du reste de pain sec restait de son "repas" d'hier soir. Elle était mieux traitée et nourrie en tant qu'esclave. Elle prit le morceau de pain et l'émietta au creux de ses mains, elle ramena tout les petits morceaux aux creux de sa main gauche et se leva pour s'approcher de la lucarne grillagée en hauteur de sa cellule.
Elle passa sa main à l'extérieur, les oiseaux ne s'enfuyaient pas, ils lui faisaient une confiance aveugle. Elle ouvra la main et les oiseaux se mirent à picorer les petits morceaux de pain. Le temps étaient de plus en plus frais et ils ne trouvaient plus rien à manger. Anémone avait pris pour habitude de partager ses maigres rations avec eux.

Une fois que ses petits amis eurent finis leur petit déjeuner, Anémone ramena sa main à l'intérieur et se frotta les mains pour enlever les restes. Elle frissonna et se passa les mains sur ses avants bras blancs et fins pour se réchauffer. C'était pas cette robe en haillon qui allait la réchauffer!
Elle s'approcha d'un coin de la pièce et prit une grosse ration de pailles qu'elle jeta dans la cheminée, elle fit une sorte de petits paniers avec une poignée de pailles et prit deux morceaux de silex qu'elle frotta jusqu'à créé des étincelles. La paille prit légèrement et elle souffla dessus pour qu'elle s'embrase. Avant de s'y bruler les doigts, elle plaça la paille brulante dans la cheminée sur la grande ration de paille. Bientôt, le feu de cheminée prit.

Une fois sure que rien ne prendra dans la pièce (en même temps vu l'humidité de la pièce, elle risque rien) et alla se recoucher sous son drap laissant la chaleur de la cheminée la réchauffer.




Une ou deux heures plus tard, entendit un bruit métallique brusque contre les barreaux de la porte fermée à clé. Elle sursauta. Elle entendit un rire sadique. Elle se retourna et écarquilla les yeux en reconnaissant celui qui se tenait devant elle: Yoren Eshbaan! Son ancien propriétaire.

« Bonjour Anémone. Je suppose que tu ne t’attendais pas à me voir ici ? Tu dois être ravie. » Dit il en lui lançant un bout de pain rassit qui atterrit à ses pieds.

Etonnée oui! Ravie..La c'est l'hôpital qui se fout de la charité! Il faisait dans l'ironie maintenant? Elle se contenta de le fusiller du regard sans pouvoir contrôler sa peur. Détail qui n'échappa pas à l'ancien Tisroc!

« Je ne devrais pas me montrer aux yeux d’une Calormène, mais après tout, tu n’es qu’une esclave muette et prisonnière de surcroît. »

Mais de quoi je me mêle! Il était pas sensé être exilé sur une île remplie de cannibales lui? Il était increvable! Elle n'eu pas le temps de réfléchir plus qu'il lui balançait en plein visage une plume, de l'encre en bocal et des feuilles de parchemins qui tombèrent par terre. Depuis quand savait il qu'elle savait lire et écrire? C'était un secret avec Soren! A moins que le professeur qui était chargé, à l'époque, de l'éduquer était de mèche avec Yoren!

« Mon pauvre frère… Il doit être dépité. Sa petite esclave préférée, aux mains des Telmarins. »

Elle baissa les yeux. En tout cas, maintenant, elle était fixée! On croyait vraiment qu'elle et Soren étaient amants! Autant jouer la dessus même si il n'y avait rien de plus faux! Soren était fou amoureux de Melody et, elle, était amoureuse de l'homme qui l'avait empoisonnée avant de l'avoir vendue.

Si elle voulait prouver à Yoren qu'elle n'était plus sa petite esclave bonne à rien et son défouloir préféré quand il était énervé (comme quand il sentait que sa place était menacée par Soren et la Reine Susan), c'était le moment!
Elle donna un coup de pied dans l'encre en pot qui alla se briser dans la porte en bois la teintant ainsi puis écrasa du talon les parchemins ainsi que la plume pour lui montrer qu'elle n'était plus à lui. Elle n'appartenait plus à personne! Une fois libre, elle allait profité du chaos pour s'enfuir!
Elle conclu avec un regard noir.

« Mais que cherches-tu à faire? M’impressionner en cassant cette plume? Me tuer avec ce regard noir ? »

Si seulement! Si un simple regard noir pouvait tuer tout ceux qui ont offenser cette princesse déchue, elle l'aurait déjà fait! Elle espérait, cela dit, qu'il a compris qu'elle ne lui obéirait plus jamais! Ni à lui, ni à son imbécile heureux de frère! Elle savait que Yoren se considérait comme "supérieur à elle", si il savait qui elle était: une princesse, il ne tiendrait peut être pas le même discours! Humaine ou pas, une princesse reste une princesse!

« Mon idiot de frère était-il au courant que tu étais… spéciale ? »

Spéciale? Dans quel sens? Elle prit quelques minutes à réfléchir. Bon, mis à part demoiselle Lindorie qu'elle avait rencontré durant sa cueillette d'herbes, personne ne savait qu'elle était une sirène! Donc Yoren et Soren n'étaient pas au courant de ça mais Anémone doutait que c'était de ça qu'il voulait parler!
La deuxième suggestion est le fait que les Dieux l'aient élue pour les représenter. Et vu le tapage que Nén avait provoqué auprès de Matias et cette femme dont Anémone ne connaissait le nom, cela ne pouvait être que ça. Et non, Soren ne savait pas qu'elle était une des élue!

Elle secoua la tête négativement. Mais où il voulait en venir exactement?

Elle tressaillit quand elle vit que Yoren buvait l'eau qui lui était destinée, pourvu qu'il ne boive pas tout cet abruti! Il s'approcha de la grille comme pour être sure que elle seule l'entende.


« Ne te méprends pas mais je dois t’avouer que ton choix était incroyablement… stupide. Tu n’as pas choisi le bon côté dans cette guerre. Ta cause est perdue d’avance. Je suis revenu à Telmar, plus puissant que jamais et l’armée de Telmar est, elle aussi, plus forte que jamais. Mon frère a décidé de briser les alliances du passé et de s’allier aux plus faibles. Ô, sa cause peut sembler noble, je le conçois, mais il se trompe. Calormen court à sa perte. Et je ne donne pas cher de la vie des partisans de mon… de Soren. Ils comprendront très vite qu’ils n’ont pas misé sur le bon cheval. »

Interessant!
Mais il était plus débile qu'elle le croyait ou il le faisait vraiment exprès?! Choisi son côté? Elle n'avait rien choisi du tout. Si elle avait pu éclater de rire, elle l'aurait fait mais les seuls sons qui parviennent aux oreilles de l'ancien Tisroc ne sont que des pouffements sourds de respiration. Elle était une esclave, si elle avait choisi de s'enfuir et Dieu seul sait à combien elle l'avait souhaité, on l'aurait vite rattrapée et enfermée dans les cachots sans eau ni nourritures pour lui apprendre qu'on la tuerait si elle essayait. Et si ce n'était pas les gardes et les responsables des esclaves qui la tueraient, ça aurait été le désert.
Elle ne voulait pas mourir! Non, plutôt, elle ne pouvait pas mourir! Si on lui avait bien fait comprendre en tant que princesse et potentielle héritière du trône, c'était qu'elle avait des choses à faire et à apprendre et que la mort ne serait que le cadeau qu'elle aurait après une vie de servitude à son peuple!

Elle ramassa ce qui restait de la plume qu'elle avait écrabouillée après avoir calmé son "fou rire", un morceau de papier déchiré et trempa la pointe de la plume dans l'encre qui tapissait une partie du dessous de la porte et le sol à ce niveau.

Elle écrivit, à genoux par terre: "vous croyez vraiment que j'ai choisi de parier sur ce cheval? Je sais que Soren a pratiquement plus de chance d'y rester qu'autre chose! Si j'avais pu m'enfuir, je l'aurais fait! Je ne pouvais tout simplement pas! Ce n'est pas à vous que j'apprendrais ce qui arrive aux esclaves qui s'échappent! Oh oui, Soren a bien changé des choses dans l'empire! Mais le traitement des esclaves est resté le même!... Mis à part le traitement de vie mais ce n'est pas grand chose, les esclaves ont droit à des vêtements propres et des bains toutes les semaines et nos repas sont plus consistants.
Mais, à part ça, il n'est pas aussi gentil que vous et moi l'avons imaginé!"

Elle s'apprêtait à se redresser pour donner la lettre à l'ancien Tisroc quand quelque chose passa par la trappe en dessous de la porte qui est destinée à donner les repas quotidiens aux prisonniers. Elle regarda ce quelque chose passer à toute vitesse et s'écraser contre un mur. Elle écarquilla les yeux quand elle vit ce que c'était: le récipient d'eau. Vide! M*rde!

« Tu n’avais pas soif j’espère ? »


Elle se déplaça jusqu'à la timbale qui gisait sur le sol et vérifia si elle était bien vide. Ce qui était le cas. D'un autre côté, ce n'était pas avec une gorgée qu'elle allait "guérir".
Elle n'était peut être plus une sirène mais l'eau lui était tout aussi vitale, plus qu'à un être humain! Elle n'avait pas de soucis à se faire durant sa période d'esclavage puisque l'eau était la seule chose qu'on ne privait pas les esclaves même si c'est durant une diète d'eau après avoir essayé de fuir par une fenêtre qu'elle a remarqué que l'absence d'eau lui était plus nocif que les autres humains.
Si un être humain normal peut se priver d'eau entre cinq et dix jours, Anémone ne pouvait pas y être privée plus de deux jours! Et la dernière fois qu'on lui avait donné sa ration c'était il y a exactement deux jours (parce qu'elle avait balancé une gamelle en pleine face de son kidnappeur) et elle ressentait, désormais, les effets secondaires!

Son énervement, sa panique en voyant ce roi déchu qui l'avait tant fait souffrir et son désespoir avait fini de consumer le peu d'eau qui la maintenait "en vie".
Elle se mit donc à haleter la main sur sa gorge et les yeux écarquillés. Elle respirait de plus en plus fort comme si elle tentait d'aspirer le peu d'eau qui stagnait dans l'air de cachot humide. Quel effort vain! Sa souffrance l'avait fait oubliée le message qu'elle avait l'attention de faire passer au Tisroc, mais qu'importe! Ses lèvres devaient être bleue et son teint plus pâle, plus blanc que d'habitude.
Après avoir haleté et quasiment agoniser devant le regard surpris (au point de rester planter là comme un poteau de gibet) de l'ancien Tisroc, Yoren, elle tourna de l'oeil et s'évanoui.