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 Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.

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Yoren Eshbaan
Yoren Eshbaan
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MessageSujet: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeMar 9 Oct - 22:49

Matías, Yoren
« A quoi bon vouloir devenir quelqu'un d'autre? Si nous sommes devenus nous-mêmes, c'est que les choix n'étaient pas si mauvais. »


    « Bonne chance, Aralin ! »
    Yoren se retourna une dernière fois et tacha de sourire à ces pirates qui lui avaient, pour ainsi dire, sauvé la vie en pleine mer. Il regarda leur bateau s’éloigner au loin, à son bord, ces pirates lui faire de grands signes. Tous, sauf une. Leïla. La pirate qui lui avait valu quelques déboires à bord. Très vite, le navire disparu dans l’horizon.
    Cela faisait des jours qu’il n’avait pas foulé la terre ferme. À vrai dire, c’était la première fois qu’il foulait le port de Telmar. Yoren gonfla ses poumons. L’odeur de poisson fraîchement pêché qui flottait dans l’air titilla ses narines. Et il n’y avait rien d’étonnant à cela. Une centaine de pêcheurs en tout genre s’agitait autour de lui pour tentait de revendre le butin de leur pêche matinale et ainsi gagner de quoi se nourrir pour midi. Ils paraissaient tous pauvres, désespérés et Yoren semblait se fondre parfaitement dans le décor, avec sa liquette en lin anciennement blanche devenue cramoisie et son pantalon en toile marron qui semblait lui aussi passé d’âge. C’était, autre fois, ce qui lui servait de tenue pour prier ou pour déambuler dans les couloirs du palais de Tashbaan. En temps normal, il aurait été gêné d’être vêtu ainsi en public mais après tout ce qu’il avait traversé, ce n’était qu’un détail parmi tant d’autres. Et il pensa, qu’après tout, il pourrait passer inaperçu dans cette tenue puisque personne autour de lui ne lui prêtait attention. C’est pourquoi, après quelques minutes d’observation, Yoren se dirigea vers un vieux pêcheur à l’allure vétuste. Ses cheveux longs et grisonnants se confondaient avec sa barbe et l’odeur qu’il émanait n’était pas des plus agréable. « L’odeur du port est plus agréable que celle du vieillard » pensa Yoren. Ce dernier se retint de ne pas rendre quand le centenaire s’approcha au plus près de lui.
    « Je cherche à rejoindre le château de Telmar. Pourriez-vous m’indiquer le chemin à suivre ? » Questionna alors Yoren.
    Sur ces mots, le vieillard jaugea Yoren et pouffa. Son regard en disait long. Yoren compris très vite qu’il le prenait, sans doute, pour un esclave et qu’il ne comprenait pas pourquoi son maître ne venait pas le chercher lui-même ou pourquoi il n’était pas sur le marché des esclaves. Yoren sentit ses poils s’hérissait dans sa nuque. Il aurait voulu pousser ce vieux pêcheur dans la tombe. Mais il ne broncha pas et continua à le fixer.
    « Il te faudra passer par la forêt. Après avoir traversé celle-ci, tu arriveras à la Taverne de la Petite Ours. Tu pourras alors demander ton chemin là-bas. »
    Yoren se força à hocher la tête, en signe de remerciement et tourna les talons quand le vieillard l’interpela à nouveau.
    « Hâte-toi garçon, la Taverne est à une journée de marche et la forêt n’est pas l’endroit le plus fréquentable une fois la nuit tombée. »
    Yoren leva les yeux vers le ciel. Le soleil était à mi-hauteur et il en déduit que la matinée était déjà bien entamée. Alors, sans perdre une minute, il quitta le port. Très vite, il se retrouva à la lisière de la forêt. La densité et le manque de luminosité de celle-ci frappa Yoren. Le vieux pêcheur ne lui avait pas menti, cette forêt ne lui disait rien qui vaille. Mais l’ancien Tisroc n’était pas du genre à être effrayé et il s’enfonça sans hésitation dans la forêt de Telmar.
    Yoren marchait d’un pas vif à travers les arbres et parfois même, il se surprenait à courir. Oui, il courait. Ce n’était pas parce qu’il avait peur mais plutôt parce qu’il avait hâte. Hâte de revoir Edwin le roi de Telmar et, accessoirement, son meilleur ami. Hâte de pouvoir lui conter ce qu’il lui était arrivé : son exil, l’île aux cannibales, le sauvetage in extrémis en mer. Hâte d’établir un plan, de préparer sa vengeance et, grâce à Edwin, remonter sur le trône de Calormen. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Yoren courait, sautait par-dessus de vieux troncs; il avait la sensation de voler à travers bois.
    Les rayons du soleil tentaient vainement de percer l’épais feuillage de la foret de Telmar. La chaleur était étouffante. Yoren s’autorisa alors une courte pause. Il s’adossa à un arbre et fouilla dans sa besace où se trouvaient quelques provisions, données le matin même par Jake, le capitaine du navire. Il y saisit une gourde et pria pour qu’il n’y ait pas de rhum à l’intérieur. Et l’agréable sensation de douceur et de fraîcheur qui envahit Yoren quand le liquide toucha son palais montra que cette gourde contenait de l’eau.
    Yoren était prêt à repartir quand un craquement de feuille attira son attention. Il se releva d’un bond et balaya la forêt du regard. Mais rien ne semblait bouger. Il prit alors conscience que la nuit commençait à tomber. Combien de temps avait-il couru ? Combien de temps était-il resté adossé à cette arbre ? Mais l’heure n’était pas à la réflexion. Il reprit sa route, doucement, tout en étant aux aguets. Les minutes défilèrent et rien ne se passèrent. Yoren relâcha alors son attention et son pas se fît de plus en plus rapide.
    La nuit était tombée à présent et la foret était plongée dans le noir le plus complet. Yoren ne pouvait alors distinguer que ses pieds. Il marchait à tâtons quand au loin, il entendit des bruits de sabots frapper le sol et vit un flambeau ‘flotter’ dans les airs. Les bruits se firent plus intenses et très vite, Yoren se retrouva nez à nez avec un persan arabe. Il reconnaîtrait ces chevaux entre mille car, en effet, ils étaient très rares et surtout, très coûteux. Posséder un persan arabe était synonyme de royauté. Yoren leva alors les yeux et tâcha de reconnaître qui montait ce cheval. Ce visage, éclairé au flambeau, lui était familier. Et, après quelques secondes, Yoren reconnu Matias Ernelio, le demi frère de Caspian (l’ancien roi de Telmar), le chef des armées et l’espion d’Edwin. Mais, malgré qu’ils soient en apparence du même camp, c’était bien le dernier Telmarin que Yoren avait envie de (re)voir. Ils ne s’étaient jamais vraiment appréciés, bien au contraire. Mais qu’importe, Matias était en quelques sortes obligé d’aider Yoren, ne serait-ce que par rapport à Edwin.
    Yoren plongea alors son regard dans celui de Matias. Celui-ci semblait perplexe. Il s’apprêta à continuer sa route quand, soudain, Yoren se décida à parler.
    « Matias. Regarde-moi. Tu ne me reconnais donc pas ? »
    Yoren avait énormément changé durant son exil et l’obscurité n’aida pas.

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Matías Ernelio
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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeSam 13 Oct - 15:20

La chaleur était étouffante dans ma demeure. Nous étions en automne, et pourtant, l'été semblait toujours là. Il n'y avait pas le moindre vent et pas une goutte d'eau pour rafraîchir le temps. Certes, ce temps changerait dans quelques jours, mais je dois dire que l'air frais qui arrivait toujours à Narnia et Archenland à cette période de l'année m'aurait fait du bien. Évidemment, rien que cette pensée me révulsait. Ces deux pays étaient à écraser, à réduire en poussière, à contrôler. Telmar était la seule et vraie nation. Après tout, quelques siècles plus tôt, les Telmarins et le roi Caspian Ier avaient réussi à prendre tout le pays de Narnia après quelques semaines de guerre seulement, et après avoir subi une famine. Comme j'aurai aimé pouvoir vivre parmi mes ancêtres, en ces temps-ci. J'avais l'impression qu'aujourd'hui, rien n'était stable à Telmar, et qu'au lieu que les pays de l'est soient pris, c'était nos terres qui seraient mises à feu et à sang. Sous Miraz, il n'y avait eu que prospérité pour Telmar ; sous Caspian, les choses avaient été différentes, mais avaient vite tourné au vinaigre.

Quant à Edwin à présent...peut-être est-il le roi que Telmar attend. Jusqu'à présent, il n'avait qu'améliorer le royaume, il fallait le reconnaître. Et depuis quelques temps, le peuple était plus fort que jamais. La vengeance de Telmar approchait à grands pas. Si elle marchait, alors je finirais par reconnaître Edwin comme roi de Telmar, et non comme roi usurpateur venu d'un autre pays ennemi, qui m'avait volé mon héritage. Mais il n'y avait plus besoin de penser à tout ça... Edwin avait fini par me reconnaître, et j'avais aujourd'hui bien plus de privilèges que lorsque je n'étais que le bâtard de Caspian IX.
Du fait de la chaleur et de l'ennui dans ma demeure, j'avais décidé d'aller voir le seigneur régnant sur les terres centrales de Telmar. Nous étions amis, suffisamment pour apprendre des nouvelles importantes et secrètes qu'on m'aurait cachés ou que je ne connaîtrais pas encore. J'avais aussi quelques nouvelles idées à partager avec lui, des affaires à négocier avec d'autres nobles, qui m'arrangeraient et arrangeraient éventuellement le roi et le royaume.

Après une visite secrète en solitaire très intéressante mais surtout divertissante, j'avais entrepris de rentrer. Il me fallait alors traverser une longue forêt que certains appelaient "forêt infinie" du fait qu'elle était très étendue : elle partait du centre de Telmar, allait au sud, jusqu'aux montagnes de l'est et même jusqu'à Narnia et Archenland. De mon point de vue, il suffisait de s'y connaître un minimum en orientation, et ne pas aller vers l'est. Une route principale assez large et reconnaissable depuis plusieurs lieues la traversait directement, ce qui rendait l'accès facile. C'est par là que je me décidai à aller, à cheval, en fin d'après-midi. Non pressé, je n'y allai pas au galop, mais alternai le trot et la marche afin de profiter du paysage et surtout de la fraîcheur qui régnait dans la forêt. Il me faudrait ensuite aller à la capitale pour voir le roi et d'autres nobles en particulier. Il fallait dire qu'il y avait beaucoup plus d'activité dans la capitale que sur mes terres. Des potins, des meurtres, des filles de joies, du pouvoir, de la corruption, quoi de mieux ?

Je croisai quelques rares personnes, ce qui ne m'étonnait pas étant donné que j'étais hors de la route "royale" et principale pour le moment. Je savais que je l'atteindrai dans peu de temps. La nuit commençait à tomber, mais je n'étais nullement inquiet. Il y avait des rumeurs de créatures qui peuplaient la forêt, mais j'étais persuadé, ou presque, qu'il s'agissait probablement de brigands. J'étais suffisamment armé pour leur échapper, et dans le pire des cas, une bourse remplie de pièces d'or devrait leur suffire. Il n'était peut-être pas très malin de se promener seul sans soldats ou même sans valets, mais je n'aimais pas être autant entouré. Je réservais cela pour les grandes occasions ou les cérémonies officielles.
Avançant toujours tranquillement, je finis par allumer une torche comme je le pus en m'arrêtant un instant, conscient que la luminosité devenait très faible et qu'il valait mieux que je ne me perde pas dans cette forêt. Mais je n'étais pas du tout loin de la grande route, ce qui était déjà plus rassurant. Je continuai, pensant à ma journée, au roi, à diverses idées plaisantes ou non, et autre. C'est alors qu'un bruit me sortit de mes pensées. J'entendis quelque chose ou quelqu'un bouger entre les feuilles des arbres, entre les buissons, puis j'entendis une forte respiration. Je partis jeter un coup d’œil à quelques mètres de moi, et aperçus une silhouette humaine courbée. Je n'étais pas sûr de devoir m'approcher, surtout qu'il devait s'agir d'un voleur ou d'un pauvre à tous les coups, mais quelque chose me poussait à connaître l'identité de la personne.

La personne en question me vit aussi et se tourna vers moi. Malgré la torche enflammée, je ne pus distinguer son visage, seulement une masse emmêlée de longs cheveux plus noirs que la nuit et des vêtements visiblement très usés. En approchant prudemment ma torche, je vis alors une barbe de deux bonnes semaines sur le visage de l'homme. Celui-ci me regardait fixement, sans me lâcher, semblant vouloir me parler à travers un simple mais puissant regard. Une impression de déjà-vu me vint à l'esprit, et pourtant, je ne pus mettre de mots sur ce visage, sur ces yeux sombres peu communs. J'y décelai du désespoir, de la fatigue, mais aussi l'envie de combat, de la force, du pouvoir. L'apparence de pauvre de cet homme contredisait avec ses traits, ce qui m'invitait à passer mon chemin. Alors que je m'apprêtais à le faire, l'inconnu parla alors d'une voix forte et puissante, ce qui me surprit, mais ce furent les paroles qui m'interpelèrent le plus. En examinant à nouveau l'homme, en reliant différents éléments comme un physicien pourrait le faire, je compris alors. Une expression de stupeur s'afficha alors sur mon visage, suivi d'un rictus. Quelle ironie.

« Yoren Eshbaan. Le destin n'est finalement pas si cruel envers toi. »

Devant moi se tenait l'ancien Tisroc, ce fameux tyran que tout le monde craignait, même moi, je devais l'avouer. Il était arrivé au pouvoir quelques années plus tôt, et pourtant, il avait changé la face de tout son royaume, mais aussi tous les autres. Je l'avais rencontré lors d'un de ses déplacements à Telmar, pour voir son célèbre ami qu'était Edwin. Imaginez ma rage en voyant ces deux là s'amuser pendant que tout le peuple subissait les conséquences de leurs actes et de leurs décisions. L'empire télormène avait été une bonne idée pour aider Telmar après la guerre et construire un Empire puissant ; or, je ne faisais pas confiance à Yoren. Cet homme avait un regard sadique et un côté pervers que je savais hors limites. De toute manière, selon moi, les Calormènes n'étaient pas des hommes de confiance. Mais voilà qu'aujourd'hui, je me retrouvai devant cet ancien Tisroc, qui avait perdu de sa splendeur passée et ne vivait plus dans le luxe de Calormen. Il n'était plus rien, juste un pauvre, un mendiant, avec une apparence d'esclave.

« Je suis bien surpris de te trouver ici. D'après ce que j'ai entendu dire, ton frère est persuadé de t'avoir exilé pour de bon, et plus personne ne parle de toi aujourd'hui. »

Enfin...façon de parler. Le roi n'avait pas renoncé à Yoren, je le savais parfaitement, puisqu'il me l'avait confié. Mais je n'avais absolument pas l'envie de l'aider. C'était très ironique d'être le premier à le trouver pourtant. Que devais-je faire ? A coup sûr, Yoren me demanderait, voire m'ordonnerait de le ramener à Telmar, voir son bon copain Edwin. Avais-je le choix ? Je savais que l'ancien Tisroc reviendrait coûte que coûte à la capitale. La seule autre solution serait de le tuer, mais cette décision n'était pas à prendre à la légère. Tuer l'ancien Tisroc reviendrait à subir les conséquences auprès d'Edwin mais aussi auprès du nouveau Tisroc, Soren, que je ne connaissais pas, mais qui devait encore tenir à son frère pour seulement l'exiler.
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Yoren Eshbaan
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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeJeu 18 Oct - 19:18

    Le regard sombre et perçant de Yoren soutenait sans broncher celui de Matias. Yoren lisait dans les yeux de ce dernier une certaine incompréhension mais également de la curiosité. Cela ne faisait que le conforter dans l’idée qu’il était méconnaissable, qu’il avait suffisamment changé pour ne pas être reconnu. Et cette idée ne pouvait que le faire sourire : il allait pouvoir passer inaperçu, aller où bon lui semblait sans être démasqué ni par ses anciens alliés, ni par la poignée de partisans qu’il lui restait et encore moins par ses ennemis. Une question lui traversa alors l’esprit : Soren Eshbaan, son frère, celui qui partageait son sang, celui qui l’avait envoyé en exil, celui qui l’avait déchu, celui qui régnait actuellement sur Calormen le reconnaîtrait-il ? Il allait devoir faire preuve de ruse pour arriver à ses fins mais Yoren était quelqu’un de très intelligent et manipulateur, il savait que ça ne serait qu’une question de temps. Alors, tout en pensant au fait que son exil n’avait finalement pas que des mauvais côtés pour marquer son retour, Yoren continuait de fixer l’espion d’Edwin, son meilleur ami.
    Quand Yoren se décida à l’appeler par son prénom, Matias s’arrêta sec et jaugea à nouveau Yoren. Il avait donc fini par le reconnaître. Yoren leva alors ses sourcils, son regard était fourbe, presque sarcastique. Il ressentait une certaine satisfaction devant la surprise de Matias. Ce dernier semblait, l’espace d’un instant, se décomposer. Il venait de prendre conscience que Yoren, le tyran qui incarnait la méchanceté par excellence, était en vie et était, de plus, sur ses terres, à Telmar. Mais la stupéfaction de Matias fut de coutre durée. Aussi tôt qu’il comprit que le tyran n’était plus, un sourire se dessina sur son visage et Yoren pu même percevoir un léger rire.

    « Yoren Eshbaan. Le destin n’est finalement pas si cruel envers toi. »

    Un sourire en coin se dessina sur les lèvres de l’ancien Tisroc. Le destin? Il n’y avait jamais cru. Il avait toujours pensé que seules les personnes faibles croyaient au destin. Il était persuadé, depuis sa tendre enfance, que le destin n’était qu’une mascarade, que l’on pouvait toujours choisir ce qui allait se passer, ce qu’on allait devenir. Jamais il ne se laisserait tomber dans l’illusion de la fatalité. Il n’était prédestiné à quoique ce soit, personne ne l’était. Mais il n’était pas en position de contredire Matias, ce dernier était la seule personne qui pouvait le mener à Edwin et qui était, de surcroit, armé jusqu’aux dents. Seulement quelques secondes avaient été nécessaires à Yoren pour remarquer les armes de Matias, même les mieux dissimulées. Il connaissait toutes les cachettes possibles et inimaginables. C’est pourquoi Yoren décida d’ignorer la remarque de Matias. Il se contenta simplement de maintenir son regard car c’était bien la seule chose qui n’avait pas changé chez lui. Et c’était à présent sa seule arme. Il n’allait pas baisser les yeux devant cet homme qui ne représentait rien pour lui mis à part un bon moyen de gagner le palais au plus vite.

    « Je suis bien surpris de te trouver ici. D'après ce que j'ai entendu dire, ton frère est persuadé de t'avoir exilé pour de bon, et plus personne ne parle de toi aujourd'hui. »

    Yoren n’aimait l’air condescendant qu’affichait Matias. C’était comme si les rôles s’inversait après quelques années. Yoren ajouta alors « Matias » dans sa petite liste mentale où s’entremêlaient les noms et prénoms de différentes personnes qui lui avaient plus ou moins manquer de respect depuis qu’il n’était plus Tisroc. Il avait toujours eu l’habitude d’être admirer et respecter de tous qu’une phrase anodine pouvait passer pour un cruel manque de respect à son égard.

    « Surpris ? Tu devrais savoir, après ces quelques mois passés à mes côtés que rien ne peut m’arrêter. Mon idiot de frère semble lui-même avoir oublié ce détail. Et c’est ce même idiot qui est aujourd’hui à la tête de mon royaume… »

    Yoren s’arrêta quelques secondes et prit conscience de la dernière phrase de Matias. « Plus personne ne parle de toi aujourd’hui ». Cette phrase résonnait dans sa tête comme si quelqu’un martelait son crâne sans relâche. Il refusait d’admettre que ce soit vrai. C’était très peu probable, voir impossible, que plus personne ne parle de lui. Il avait marqué les esprits que ce soit en bien ou en mal. Une chose était sûre : son règne n’était pas passé inaperçu. Et puis il y avait Edwin, le roi de Telmar, son fidèle ami. Il savait pertinemment qu’il ne l’aurait pas laissé tomber en moins d’un mois. Ils avaient partagé tant de choses en si peu de temps, ils avaient même créée l’empire Telormen, on ne pouvait oublier ça et le balayer d’un revers de main. C’était une vaine tentative de Matias pour le déstabiliser, il en était persuadé. L’heure n’était pas au doute. Il ne pouvait pas se permettre de douter du peu de personne qui avaient réussi à acquérir sa confiance.
    Mais pendant ce court instant de pause, Yoren vit le doigt de Matias tourner sur le haut de son épée. Etait-ce un signe d’impatience ? Une subite envie d’embrocher Yoren ? Un geste pour se déstresser ? Ou simplement quelque chose d’anodin, de coutumier pour lui ?
    Yoren ne préféra pas prendre de risque et continua de parler, comme si de rien n’était, pour ne pas laisser le temps à Matias de « penser ».

    « Tu dois probablement te douter ce que je vais te demander… Mais avant que tu refuses ou encore que tu utilises ce que tu as sous la main (Yoren lança un regard furtif sur l’épée de Matias) prends le temps d’analyser la situation et ce que mon éventuel retour pourrait t’apporter à toi et à tes terres. Mon retour n’est qu’une question de temps et bientôt, Telmar et Calormen seront à nouveau alliés. J’ai conscience que nous ne nous sommes jamais appréciés. Mais faisons le, pour nos terres, pour nos patries. »

    Yoren n’avait pas décidé d’y aller par quatre chemins. Il avait assez perdu de temps comme ça et pensa qu’après tout, que la mutinerie et son exil n’étaient que des accidents de parcours.

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Matías Ernelio
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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeSam 20 Oct - 14:29

Je prenais plaisir à être supérieur à Yoren, à le regarder depuis mon cheval, à lui parler sans les formes de respect habituelles et pompeuses, et à enfin pour me venger un peu sur lui. Il ne m'avait rien fait directement, sauf me sous-estimer. En réalité, si j'en profitais autant, c'était pour prendre ma revanche sur Edwin, bien que ce comportement m'apporterait de mauvaises conséquences plus tard. Je savais que Yoren retiendrait mes paroles et mes gestes déplacés et se vengerait à son tour une autre fois, lorsqu'il pourrait être supérieur à moi - c'est-à-dire s'il arrivait à Telmar, auprès du roi. Tant pis, c'était bien trop amusant pour passer à côté ! J'aimais défier Yoren ainsi. Ses yeux sombres me fixaient, cherchant à me montrer que l'homme tyrannique, ambitieux, impitoyable, se trouvait toujours là, malgré cette apparence de pauvre. De plus, l'ancien Tisroc n'hésita pas à rappeler son statut en parlant, affichant une certaine autorité mais surtout une trop grande habitude au pouvoir. « Mon royaume », c'était à en mourir de rire.

Je songeai à ses paroles envers son frère. Chaque mot était ponctué de haine et d'envie de vengeance. Était-ce possible qu'il le déteste à ce point ? Je me rappelai alors de l'histoire qui avait tourné partout, jusqu'à Telmar : Yoren aurait assassiné son propre père pour prendre le trône, aurait exilé sa sœur en la faisant passer pour la coupable et aurait manipulé son frère. Il semblait si inhumain, si...barbare. D'après ce que je savais, les choses étaient plutôt habituelles à Calormen : les meurtres entre père et fils ou entre frères étaient courants. Et pourtant, même à Telmar, Miraz avait assassiné son propre frère, mon père, pour prendre le pouvoir à sa manière, et j'étais resté de son côté malgré ça. Néanmoins, le monde n'avait pas besoin d'hommes de pouvoir comme ça. Miraz était mort, mais Yoren était bel et bien en vie et prêt à faire un retour en force, qui ne serait pas sans conséquences.
Par réflexe, ma main se posa sur le pommeau de mon épée, prêt à la dégainer si besoin. Yoren se remit à parler, en en venant enfin à ce que j'attendais. Le ramener à Telmar... Je n'étais qu'un moyen pour le faire venir plus vite à la capitale, rien d'autre. A part sa mort, rien n'arrêterait cet homme. Toutefois, je préférais réfléchir un peu en faisant durant la conversation.

« Il serait peut-être temps de ne plus sous-estimer les gens, tu sais. Je suppose que tu n'avais pas prévu de te faire détrôner par ton propre frère. Qui a été l'idiot dans l'histoire ? Mais je dois reconnaître qu'il a simplement été stupide de ne pas t'avoir raccourci la tête tant qu'il le pouvait. » Je savais qu'il ne répondrait pas violemment à mes paroles, mais le garderait en tête tout de même.

Je ne répondis pas tout de suite à ce qu'il m'avait demandé. Mes terres n'avaient rien à faire avec lui, et étant situées sur la frontière avec Narnia, seule une invasion de ce royaume comme l'avaient si bien fait mes ancêtres serait bénéfique. Je songeai alors que si Yoren revenait à Telmar et s'alliait à nouveau avec le roi, un autre territoire serait attaqué. Narnia, Archenland, ou Calormen. Telmar n'avait pas la capacité militaire pour affronter Calormen, à moins qu'une partie des Calormènes se joignent à Yoren. Mais qui le voudrait ? Quant à Narnia et Archenland, les deux pays se soutenaient. Quoique... Je pris conscience que Yoren n'avait pas réfléchi à la légère. Je détestais cet homme !

« Que sais-tu de la patrie, tu n'as aucun honneur Yoren. » Je m'interrompis. Je n'étais pas là pour lui faire la morale comme un adulte qui punit un enfant ; je détestais ce rôle et Yoren était loin d'être tendre comme un agneau. Je soupirai et repris : « Te tuer et jeter ton cadavre dans le lac qui se trouve à une dizaine de lieues d'ici serait si simple. En dehors de tes banales excuses sur la patrie et les terres, donne moi une bonne raison de ne pas le faire. Tu es désarmé, affaibli, et tes ambitions ne correspondent pas du tout à mes plans. »

Il était vrai qu'arranger Edwin était loin de me plaire, bien que je l'aidais. Je faisais tout pour gagner du pouvoir, des richesses, de la renommée, et je voulais par dessus tout que mon pays devienne plus fort que ces fichus Narniens et Calormènes. Mais je ne voulais pas le retour de l'Empire Télormène qui, même s'il avait permis de réunir deux grands royaumes et d'en conquérir un autre, avait eu trop de conséquences. Et Yoren et Edwin étaient juste deux grands fous beaucoup trop ambitieux, qui emmèneraient leurs royaumes à leur perte. L'Empire n'avait pas marché, et une seule faille chez les Calormènes avaient tout renversé, et ridiculisé Telmar.

« Qu'est-ce que tu comptes faire ? Revoir ton grand ami, et planifier dès demain de terribles plans visant à reprendre ton royaume tout en te vengeant, et à prendre le contrôle du monde entier ? »

Je le fixai un instant d'un air sarcastique puis donnai un coup de talon aux flancs de ma monture pour qu'elle avance au pas en direction de la capitale. Je savais que Yoren me suivrait.
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Yoren Eshbaan
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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeLun 29 Oct - 20:18

    Jamais, au cours de sa vie, Yoren n’aurait pensé se retrouver dans une situation comme celle-ci. L’idée d’être un jour inférieur à Matias Ernelio, l’homme pour qui il n’avait jamais eu une once d’estime, ne lui avait même pas effleuré l’esprit. Et, à en juger par le flot d’expressions différentes de son interlocuteur, lui non plus ne pensait pas pouvoir, un jour, regarder Yoren de haut. Les deux hommes semblaient se noyer dans une telle perplexité. Tiraillés entre la surprise, la haine, la peur et l’envie de ne rien laisser paraître. Pourtant, Matias ne tentait pas de dissimuler une certaine joie, une satisfaction. Peut-être même un peu trop pour être naturel. Il devait probablement vouloir profiter de cette situation nouvelle et pourtant si jouissante pour lui songea Yoren. Des tonnes de questions se bousculèrent alors dans son esprit : si un simple espion du roi le dédaigner ainsi, qu’en serait-il des autres ? Sa splendeur et son influence d’avant étaient-elles à jamais révolues ? Ses fidèles le prendraient-ils, eux aussi, de haut et tenteraient-ils de le faire passer pour un moins que rien ? Il était, pour la première fois, en proie au doute. À de réels doutes. Et c’était à cause de cet homme. Cet homme, qui n’avait aucune valeur à ses yeux, essayait de déstabiliser l’ancien Tisroc. Et malgré son assurance et son intelligence, Yoren compris très vite que tout cela était plausible.
    Mais une fois n’est pas coutume, Yoren décida de ne pas s’abaisser à ce niveau. L’heure n’était pas aux enfantillages, savoir qui était supérieur à qui ne faisait pas partie de ses objectifs actuels. Néanmoins, et malgré les doutes, Yoren observait chaque geste, se répéter chaque parole de Matias et se promettait de ne rien oublier, pas même un simple regard.

    « Il serait peut-être temps de ne plus sous-estimer les gens, tu sais. Je suppose que tu n'avais pas prévu de te faire détrôner par ton propre frère. Qui a été l'idiot dans l'histoire ? Mais je dois reconnaître qu'il a simplement été stupide de ne pas t'avoir raccourci la tête tant qu'il le pouvait. »

    Chaque mot que Matias prononçait provoquait en Yoren une terrible envie de meurtre. Un frison lui parcouru tout le corps. Si seulement il était armé lui aussi. Cette querelle serait finie depuis bien longtemps. Le premier qui aurait tué l’autre aurait simplement continué sa route et regagné Telmar en milieu de soirée, à temps pour le souper. Il pensa alors, qu’à armes égales, il ne lui aurait pas fallu plus de cinq minutes pour arracher l’âme de Matias car, à l’heure actuelle, seule la haine et l’envie de vengeance sur le monde entier l’animait. Il ne sous-estimait personne, au contraire. Il savait simplement qui il était et ce qu’il valait. Il avait toujours été le meilleur et ce n’était pas prêt de changer. Il ne se surestimait pas, il avait naturellement confiance en lui. L’ancien Tisroc avait déjà tué des centaines de personnes et il était persuadé que s’il avait eu une épée, une certaine personne se serait ajoutée à la liste.

    « Que sais-tu de la patrie, tu n'as aucun honneur Yoren. Te tuer et jeter ton cadavre dans le lac qui se trouve à une dizaine de lieues d'ici serait si simple. En dehors de tes banales excuses sur la patrie et les terres, donne-moi une bonne raison de ne pas le faire. Tu es désarmé, affaibli, et tes ambitions ne correspondent pas du tout à mes plans. Qu'est-ce que tu comptes faire ? Revoir ton grand ami, et planifier dès demain de terribles plans visant à reprendre ton royaume tout en te vengeant, et à prendre le contrôle du monde entier ? »

    Plus cette conversation avançait, plus Yoren devait prendre sur lui. Il devait s’en être passé des choses pour que Matias devienne aussi hautin, songea-t-il alors. Il ne semblait connaître que le sarcasme et devait songer que c’était l’expression qui énerverait le plus le Tisroc déchu. Il n’avait probablement pas tort… Soudain, après avoir finit son monologue qui prenait parfois allure de sermon, Matias donna un coup de talon aux flancs de son persan arabe. Ce dernier commença alors à avancer d’un pas lent et gracieux. Yoren ne lâcha Matias des yeux que lorsque celui-ci fît de dos. Il resta là, droit et fier, au milieu de cette sombre forêt. Une voix s’éleva alors dans l’obscurité. Une voix que tout Calormen, et plus encore, craignait. Cette voix, puissante et autoritaire, c’était celle de Yoren, celle qu’il n’avait plus employée depuis son exil.

    « Tu oses me parler d’honneur… Après tout, nous ne sommes pas si différent toi et moi. Oui, j’ai tué mon père. Mais toi, le bâtard du défunt roi Caspian IX, ne te serais-tu point allié avec le meurtrier même de ton père? Tu peux me tuer maintenant. Tu peux, une fois encore, faire preuve d’un tel courage et abattre un homme désarmé. Mais tu le sais aussi bien que moi, tout se sait un jour. Et crois-tu vraiment qu’Edwin, le seul et unique roi de Telmar, mon meilleur ami, acceptera cela ? Tu es quelqu’un d’intelligent Matias. Pour me tuer, tu devrais utiliser une de tes armes. Un simple brigand tue à mains nues et très peu de nobles se déplacent seuls. Ta responsabilité dans ce meurtre ne pourra être cachée bien longtemps une fois mon corps découvert. »

    Yoren se tut un instant et vit que la monture de Matias était presque à l’arrêt. Il avait réussi à attirer son attention.

    « Tu peux continuer à déverser un flot de haine puis reprendre ta route. Mais il me suffira de suivre les empreintes de ton cheval pour regagner le palais. Une fois là-bas, je ne trahirai pas à ma réputation et je préparerai mon retour à Calormen. »

    Les idées fusèrent alors dans la tête de Yoren. Des idées de vengeances, des idées pour remonter sur le trône de Calormen, des idées pour reformer Telormen. Il touchait presque au but.
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Matías Ernelio
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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeMer 31 Oct - 14:17

C'était libérateur de pouvoir s'en prendre à quelqu'un, pour une fois. Surtout quand il s'agissait de Yoren. Libérateur et amusant. J'en profitais avant de retourner à la vie monotone de Telmar. Quoique...pas si monotone que ça, après les derniers évènements. Je me demandais si Yoren était au courant. Oh, il le découvrirait bien assez tôt... Tous les royaumes ne parlaient que de ça. Mais en attendant, il fallait que je règle un petit souci : que faire de ce tyran déchu ? Je ne comptais pas le tuer, bien que cette menace m'ait échappée. Qu'il vienne avec moi ou non, il arriverait à Telmar dans tous les cas... Je n'avais pas véritablement le choix, au final. Je me mis cependant à chercher un peu de temps, pour me décider vraiment. Après quelques sarcasmes, je fis mine de partir, me doutant que Yoren réagirait soit en parlant après toutes ces menaces, soit en me suivant d'une manière ou d'une autre. Et c'est ce qu'il se passa.

Évidemment, Yoren répondit en s'énervant, et chercha à me provoquer. Je fis un blocage sur le mot "bâtard" que je détestais depuis ma plus tendre enfance, mais n'en tins pas compte. De même pour la suite de la phrase. Comment osait-il, il ne savait rien ! Il continua de m'insulter par la suite, et je compris alors que les rôles étaient inversés. Par sa voix, Yoren reprenait son assurance et son courage, ainsi que sa détermination. A l'avoir provoqué, il en ressortait aussi puissant qu'avant ; du moins, avec le seul pouvoir de la parole, et non pas de l'exécution. Je finis par arrêter ma monture, respirant calmement pour ne pas m'énerver plus. A ce stade, il ne servait plus à rien de "déverser un flot de haine", comme le disait si bien Yoren. Cet homme était prêt à tout pour son trône, pour le pouvoir...presque autant que moi, bien que je ne souhaitais pas être roi à la place d'Edwin. Après quelques secondes de silence, je tournai légèrement ma monture vers la droite afin de pouvoir regarder Yoren. Je finis par descendre à terre et m'approchai du Calormène. Il me fallut un peu plus de temps pour dire ce qu'il attendait et que je détestais devoir dire.

« Ne me fais pas regretter ça Yoren. »

Il m'en coutait de prononcer ces mots, et je ne souhaitais pas en dire davantage. Je me tournai avant de voir la satisfaction sur le visage du tyran Calormène. Toutefois, avant de repartir, je tenais à m'assurer que Yoren soit à mes côtés voire devant, ne lui faisant absolument pas confiance. Ce fou pourrait très bien attraper une de mes armes pour me menacer et me tuer dès que nous serions sortis de cette forêt. Dans ce cas, malgré ma haine envers lui et toutes les insultes et menaces que j'avais pu lui balancer, j'étais obligé de me tenir un minimum afin que ça ne finisse pas en bain de sang. Avec un soupir, je sortis un quignon de pain des fontes de la selle de mon cheval et le lançai à Yoren, me doutant tout de même qu'il ne devait pas être au meilleur de sa forme, malgré sa détermination. Je n'avais pas l'intention de trainer dans les bois longtemps encore, en pleine nuit. Le jour n'était pas prêt de sortir encore...

« Par curiosité, comment as-tu fait pour revenir ici ? D'après ton frère, personne ne pouvait savoir où tu étais, et personne ne pouvait t'atteindre. »

Il était vrai que deviner où pouvait se trouver l'ancien Tisroc de Calormen était une mince affaire. Edwin avait cherché, bien entendu. Quels endroits pouvaient-ils y avoir pour un exil ? Une prison inconnue ? Les terres désertes au sud de Calormen ? L'Empire Calormène était large et mal connu pour la plupart des gens, même pour Edwin. Sur ce coup, le nouveau Tisroc avait été malin. Mais visiblement pas assez, étant donné que Yoren avait réussi à s'échapper après seulement plusieurs mois. Ce n'était pas ce qu'on pouvait appeler un exil ou même un emprisonnement...
Songeant à cela, et en attendant la réponse de Yoren, si celui-ci dédaignait à me répondre, je me mis en route, une main tenant les rênes de ma monture, une autre tenant la torche servant à éclairer. J'aurais aimé pouvoir poser une main sur le pommeau de mon épée, par sécurité, mais il valait sans doute mieux ne pas trop montrer que je ne me sentais pas confiant en présence de Yoren.

« Je suppose que tu n'es pas au courant de tout ce qui s'est passé récemment, n'est-ce pas ? Autant que tu en sois informé avant d'arriver à Telmar... »

Je parlais évidemment de la petite fête à Anvard et des perturbations faites un peu partout. Ces évènements s'étaient produits grâce à Edwin, et rien de tout ceci n'empêcherait Yoren de manigancer ses plans, bien au contraire, ça allait plutôt l'aider. Lui faire la discussion ainsi me donnait l'impression de parler à un traitre, de dire ce qu'il ne fallait pas dire, et d'essayer de rattraper mes mauvaises paroles, alors que c'était tout l'inverse. Mais si Yoren devait revenir, il valait mieux pour lui qu'il soit au courant de tout.
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Yoren Eshbaan
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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeVen 2 Nov - 13:52

    Yoren se sentait revivre, c’était comme un second souffle pour lui. Il venait de récupérer son assurance et son charisme d’antan. Plus il parlait, plus il était envahit d’un sentiment étrange, le frissonnement qu’il ressentait se transforma petit à petit en une sorte de frisson géant, comme une renaissance. C’était comme ça que Yoren avait toujours fonctionné, la provocation était son fil moteur, son oxygène. Il avait toujours soigné le mal par le mal. Il répondait constamment à une provocation par une plus forte provocation. Et, alors que la flamme brillait de plus en plus fort dans les yeux de Yoren, Matias descendit de sa monture. Les deux hommes semblaient être sur leur garde mais la situation venait de changer, en seulement quelques minutes. C’était au tour de Yoren d’afficher une mine satisfaite et l’on pouvait maintenant lire dans le regard de Matias une certaine frustration.
    Matias s’approcha de l’ancien Tisroc d’un pas lent mais décidé. Ce dernier ne tressaillit pas, bien que son interlocuteur soit armé jusqu’aux dents.

    « Ne me fais pas regretter ça. » déclara alors le telmarin.

    Mais en moins de temps qu’il ne fallut pour le dire, il tournait à nouveau le dos à Yoren. Avec l’intonation qu’il venait d’employer, Yoren compris vite que Matias avait en quelques sortes capituler, à contre cœur. Un demi-sourire se dessina alors sur les lèvres de Yoren. Matias allait l’amener à Telmar, c’était une réussite pour Yoren. Mais ce qui rendait le triomphe encore plus jubilatoire, c’était que Matias allait faire ce qu’il ne désirait pas. Et ça, l’ancien Tisroc adorait. Il avait toujours aimé contraindre les gens et encore plus lorsqu’il s’agissait ‘d’ennemis’.
    Yoren aurait voulu lui dire que plus tard, il regretterait forcément de l’avoir aider, surtout après l’avoir menacer. Mais il se retint. Il aurait probablement l’occasion de lui faire comprendre ça plus tard… Dans un soupir, Yoren vit le dos de Matias se courber légèrement. Celui-ci était entrain de fouiller dans une besace suspendu à la selle de son cheval. Yoren serra alors les poings, il était prêt à frapper s’il le fallait. Mais cette idée s’échappa vite lorsqu’il se rendit compte que, finalement, Matias voulait simplement lui donner de quoi se nourrir. Yoren attrapa le quignon de pain au vol et hésita quelques secondes avant de le manger. Il ne voulait pas paraître pour un affamé qui jetait son dévolu sur un simple bout de pain. C’était, pour lui, comme perdre sa dignité.
    Les deux hommes reprirent leur marche en direction de Telmar, dans un silence pesant. Tout deux semblaient aux aguets et chacun examinait les gestes de l’autre. Seule la torche de Matias éclairait le chemin tortueux de la forêt et tout homme sensé n’aurait pas été rassuré. Pourtant, Yoren et Matias ne semblaient avoir peur de rien, si ce n’est d’eux-mêmes. Après quelques minutes de marche, rythmée uniquement par les bruits de feuilles craquées, Matias brisa le silence.

    « Par curiosité, comment as-tu fait pour revenir ici ? D'après ton frère, personne ne pouvait savoir où tu étais, et personne ne pouvait t'atteindre. »

    Comment ? Cette question surpris Yoren. Lui-même ne savait pas comment il en avait réchappé. Son heure n’était pas venue et seule sa détermination avait probablement suffit. Aucun homme ou presque n’aurait pu survivre sur cette île ou encore même sur cette planche qui l’avait fait dériver au large. Devait-il expliquer cela à Matias ? Devait-il lui parler de l’île aux cannibales ? Devait-il lui parler de la planche ? Du sauvetage en pleine mer par des pirates ? Mais surtout, Matias le croirait-il ? Car, en y réfléchissant, cette histoire, bien que réelle, paraissait invraisemblable.

    « Mon frère a-t-il précisait que cette île n’était pas vraiment déserte ? Elle était peuplée de sauvages cannibales et… Et j’ai réussi à m’échapper. J’ai été repêché en pleine mer par des pirates. »

    Yoren ne souhaitait pas s’attarder sur cette histoire. Il ne voulait pas que Matias sache qu’il avait faillit mourir sur l’île, qu’il avait faillit mourir de soif et de faim en pleine mer et que sa traversée avec les pirates n’avait pas été des plus calmes, notamment avec Leïla Cortese. Mais heureusement, Matias ne demanda pas plus de détails, même s’il devait avoir des centaines de questions en tête. Yoren déclara alors

    « Je pourrais expliquer ça en temps voulu… »

    Il jeta alors un coup d’œil furtif vers Matias. Celui-ci resta de marbre et Yoren ne pouvait distinguer aucune émotion : l’avait-il cru, voulait-il en savoir plus.. ? Il semblait plutôt vouloir changer de sujet. Ce n’était sûrement pas par compassion, Yoren en était persuadé. Matias se contenta de continuer une conversation qui n’avait rien de naturelle, qui semblait plutôt forcée.

    « Je suppose que tu n'es pas au courant de tout ce qui s'est passé récemment, n'est-ce pas ? Autant que tu en sois informé avant d'arriver à Telmar... »

    Il est vrai que, depuis son exil, Yoren n’avait été informé de rien. C’était impossible. Il n’allait pas recevoir de lettres sur sa petite île et sur un bateau de pirates. D’autant plus que tout le monde le croyait mort d’après Matias. Mais, maintenant qu’il avait rejoint la terre ferme, Yoren comptait bien rattraper le temps perdu et être informé de tout ce qui pourrait l’intéresser par la suite.

    « Comme je te le disais, les seules personnes que j’ai pu côtoyer ces dernières semaines étaient soit des indigènes, soit des pirates qui ne se préoccupent que très peu des évènements du continent… S’est-il passé quelque chose d’important dont je devrais être informé ? J’espère que vous avez eu l’intelligence de m’attendre avant de déclarer à nouveau une guerre et d’envahir Narnia ! »

    Yoren ironisa la situation avec sa dernière phrase. Mais il voulait montrer sa détermination. Il était également curieux de savoir ce qu’il s’était passé entre temps…

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Matías Ernelio
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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeSam 3 Nov - 23:38

Bien que le silence m'aille très bien, et bien que je ne voulais absolument pas converser avec Yoren, j'étais curieux. La première question que je posai et que tout le monde se demanderait, restait celle du retour du Calormène. Le nouveau Tisroc serait bien ridiculisé lorsque tout le monde saura qu'il n'avait même pas pu garder son frère "prisonnier" et en exil. Il aurait mieux valu l'emprisonner définitivement, ou le tuer. Yoren m'expliqua qu'il avait été envoyé sur une île dite déserte, mais en réalité peuplée de cannibales. Je faillis rire en entendant ça, mais me retins. Il précisa ensuite qu'il avait pu s'échapper et avait été recueilli en mer par des pirates. Le genre d'aventures qui n'arrivait pas à tout le monde, ou du moins dont peu de gens sortaient vivants. Bien que j'étais encore plus curieux, je gardai mes questions pour moi. Il y aurait bien d'autres occasions de connaître les détails...

Je repris la conversation avec quelque chose de bien plus intéressant : les évènements passés depuis l'exil de Yoren. Il fallait dire que récemment, les choses avaient été plutôt agitées. Comment lui expliquer tout ça ? « Non, pas de guerre...pas encore. » J'hésitai un peu. Il valait mieux dire simplement, sans se compliquer la vie, et sans entrer dans les détails. Edwin aurait ainsi la satisfaction d'expliquer ses petits plans, et tous deux partageraient ça comme de bons vieux copains. Pathétique. Mais bon, il était aussi satisfaisant pour moi de raconter quelques détails croustillants que Yoren, le fameux, cruel et puissant Yoren, ne connaissaient pas.

« Pour commencer, il semblerait que les dieux, quels qu'ils soient, se soient mêlés de notre destinée. Quelques rares individus ont reçu des "dons" spéciaux, qui leur confèrent des pouvoirs. Tu devras demander les détails à Edwin, il s'y connait beaucoup mieux puisqu'il est l'un de ces fameux "Élus". » Je laissai le temps à Yoren de digérer ça. Il fallait dire que c'était plutôt dur à croire, et moi-même, j'avais bien ri en entendant ça. J'étais plutôt rationnel, et la magie marchait mal chez moi, bien que je ne puisse pas nier l'existence des créatures démoniaques de Narnia, ni les tours de magie de Nomencis, une sorcière Telmarine. « Edwin a profité d'une minable fête à Anvard organisée par Jace afin de se montrer, son Don et lui, et effrayer tout le monde. Il a surtout réussi à capturer cette chère Susan, qui possède également un Don très mignon. D'autres invités ont été faits prisonniers, dont une autre Élue, une des esclaves de ton frère. »

J'étais plutôt fier de ce dernier détail, puisque j'étais celui qui avait capturé la petite Calormène. Il s'agissait précisément de l'esclave personnelle du Tisroc, et personne ne se serait jamais douté qu'elle avait un Don, pas même son maître, j'en étais certain. Peut-être que l'idée d'avoir capturé une Calormène aurait pu déplaire à Yoren, mais je savais pertinemment qu'il s'en fichait, et qu'il enfermerait des tas et des tas de gens s'il reprenait - ou plutôt, quand il reprendrait - le pouvoir. Une fichue esclave du côté de son frère ne vivrait pas bien longtemps, bien que son Don soit toujours intéressant.
A ces nouvelles, je vis le regard de Yoren changer, comme s'il avait déjà de belles idées et de gros plans en tête. Je ne lui avais pas donné tous les détails, mais j'en avais partagé suffisamment pour qu'il imagine déjà bien.

« Mais je suis sûr que tout ceci t'arrange drôlement. Mais il faut dire que ton retour tombe à pic. »
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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeMar 6 Nov - 19:20

    La curiosité se mêla vite à la joie lorsque Matias annonça qu’il n’y avait pas de guerre, du moins, pas encore. Et il est vrai que l’idée qu’une guerre puisse éclater incessamment sous peu ne pouvait que réjouir Yoren. Car, en effet, si un affrontement devait avoir lieu entre les pays, cela ne serait que de bon augure pour lui. Cela représenterait l’occasion parfaite pour l’ancien Tisroc de remonter sur le trône de Calormen. Il le savait, le peuple perdrait confiance en Soren, l’actuel Tisroc, quand il apprendrait qu’il n’avait en fait pas éliminé Yoren. De plus, l’armée de Calormen s’était affaiblie depuis le départ de Yoren car Soren avait réduit les dépenses d’armement en ayant pour unique objectif la paix entre les peuples. Et il était évident que ni Narnia ni Archenland ne pourrait lutter contre le retour de Yoren, grâce à l’armée de Telmar devenue plus puissante et plus redoutable. Mais le sourire narquois qui s’était dessiné sur les lèvres de Yoren s’estompa rapidement pour laisser place à une mine d’incertitude lorsque Matias lui annonça que certaines personnes avaient reçu des « dons spéciaux » et que, de surcroît, Edwin en faisait partie. Et à ce moment précis, Yoren n’aurait su dire si cette histoire de dons était vraie ou non et si le fait qu’Edwin en fasse partie serait un atout pour l’avenir de Telmar et de Calormen. Cette histoire semblait vraiment invraisemblable. Et il finit par se dire que même son histoire de cannibales semblait plus réaliste que cela. Même Matias devait se rendre compte que cette histoire n’était pas facile à avaler et encore moins à diriger, c’est pourquoi il se tut un instant. Yoren nageait en pleine perplexité et l’incertitude l’empêcher de dire quoique ce soit. Mais encore une fois, le silence fut de courte durée. Matias enchaîna rapidement sur une nouvelle information, plus ‘joyeuse’ cette fois-ci.

    « Edwin a profité d'une minable fête à Anvard organisée par Jace afin de se montrer, son Don et lui, et effrayer tout le monde. Il a surtout réussi à capturer cette chère Susan, qui possède également un Don très mignon. D'autres invités ont été faits prisonniers, dont une autre Élue, une des esclaves de ton frère. »

    À nouveau, Yoren esquissa un sourire. Le fait qu’Edwin ait fait une apparition fracassante et probablement effrayé les peuples ennemis était plus que satisfaisant pour lui. Mais la suite était encore plus réjouissante : Susan, la douce reine de Narnia, toujours aveuglée par sa naïveté selon Yoren, l’une des responsables de l’exil de l’ancien Tisroc était prisonnière à Telmar. Cette information ne fit qu’un tour dans l’esprit de Yoren : il allait pouvoir se venger, comme il en avait si longuement rêvé. Et, lorsque Matias parla de son « don très mignon » Yoren ne put s’empêcher de lâcher un léger rictus. Il ignorait encore la nature de ce don mais à n’en pas douter, il ne devait pas être très dangereux si elle avait été capturée comme cela. Puis, Matias parla de l’esclave de Soren, son frère. Une esclave ? À une fête organisée par le roi d’Archenland? Soren n’avait donc vraiment aucune valeur pour traîner ses esclaves dans des rassemblements de nobles. Yoren pensa qu’il devait s’agir de cette petite idiote d’Anémone. Il se rappela alors la fois où il avait voulu la gifler et que Soren s’était interposé, recevant donc lui-même cette baffe. Yoren en riait encore intérieurement, tellement cela lui semblait pitoyable. Il se demanda de quoi son frère serait capable pour récupérer cette esclave, qui n’avait de valeur que son don à présent? Anémone serait un bon appât pour Yoren, pour se confronter à Soren et lui montrer qu’il était de retour. Avoir une explication avec lui et peut-être même se battre. Après tout, il avait déjà tué son père tout en gardant sa conscience tranquille. Qu’est-ce qu’il l’empêcherait de réitérer sur son frère ? Probablement rien.
    Et, alors que les deux hommes marchaient en direction de Telmar, Yoren prit conscience que beaucoup de choses avaient changé durant son absence et que tous ces changements lui seraient, à coup sûr, bénéfiques. Il avait envie d’accélérer le pas, de courir, l’adrénaline envenimait son sang. Il avait hâte. Hâte de pouvoir redevenir le tyran qu’il était, surtout depuis qu’il savait tous ça : une guerre probable, les dons, les prisonniers… C’était beaucoup d’informations d’un coup et il ne savait pas laquelle était la plus réjouissante. Mais il voulait en savoir plus. Alors, comme Matias finit par dire « Mais je suis sûr que tout ceci t'arrange drôlement. Mais il faut dire que ton retour tombe à pic. » Yoren se décida enfin à parler.

    « Eh bien… J’ai choisi le mauvais moment pour partir en exil. »

    Yoren secoua légèrement la tête. Car, bien que tout cela le mettait en joie, l’heure n’était pas à l’ironie.

    « Il est vrai que ça m’arrange drôlement. On ne pouvait rêver mieux comme retour. Mais avant toute chose, j’aimerai que tu m’informes un peu plus sur cette histoire de dons spéciaux, en particulier sur leur nature. Enfin, si le cœur t’en dit… »

    Yoren n’oubliait pas qu’il n’était pas entrain de converser avec un ami, au contraire. Il préférait y mettre les formes. Il ne voulait pas repartir dans une vulgaire querelle entre deux ‘ennemies’ et pourtant alliés. Des tonnes de questions fusaient dans sa tête mais une phrase retint à nouveau son intention : « il faut dire que ton retour tombe à pic ». Que voulait-il dire ? Qu’entendait-il par là ? Yoren savait bien que si guerre il y avait, il aurait un rôle phare dans celle-ci mais cette phrase semblait sous-entendre bien plus.
    Mais avant que Matias eu le temps de dire quoique ce soit de plus, une dernière question brûla les lèvres de Yoren.

    « Et quand est-il de mon frère dans tout ça? Prend-t-il part pour Narnia et Archenland? A-t-il fini par briser l’alliance entre Calormen et Telmar ? »

    En réalité, tout cela était bien plus qu’une 'simple' question. Yoren voulait plutôt une confirmation. La confirmation que son frère n’avait pas l’étoffe d’être un Tisroc Calormène digne de son nom.

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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeSam 10 Nov - 13:03

Tout comme au moment où je l'avais découvert, je profitai allègrement de cet instant d'informations. Bien qu'Edwin lui expliquerait tout en détails bien mieux que moi, et avec sûrement plus d'envie et de joie, Yoren prenait conscience peu à peu que les choses avaient changé partout dans le monde depuis son exil. Il n'y avait pas été acteur, mais il participerait aux conséquences à présent. En tout cas, Yoren avait besoin de moi et de mes explications pour ne pas être pris au dépourvu en rentrant à nouveau dans la civilisation. Cette pensée me fit rire intérieurement, mais je ne montrai rien.
Pendant un instant, je vis qu'il ne me croyait pas. Il faut dire qu'en tant que Telmarin pur, fils de Caspian IX et neveu de Miraz, la magie me répugnait et je ne l'avais presque pas connu. Ce n'était qu'à la rencontre avec une sorcière en pèlerinage que j'avais commencé à approcher tout forme de magie ; mais les Dons attribués par les Dieux - qui semblaient finalement exister, quels qu'ils soient - étaient bien réels. Après la question de Yoren, j'avais largement réfléchi à ceci, mais l'ancien Tisroc me posa alors une nouvelle question sur son frère. Je décidai d'en finir avec les Dons avant de revenir sur les problèmes politiques de Calormen.

« Si tu veux. Je n'ai pas l'histoire entière, mais on dit que les Dieux - Aslan et Tash - auraient donné des dons à six Élus : des élus du bien, et des élus du mal. Ceci s'est passé juste après ton exil. Edwin nous a dit qu'il avait trouvé son Don sur les Sept-Îles, lors de son voyage en mer. C'est également à ce moment qu'on a entendu des rumeurs disant que la reine Susan se promenait avec une petite fée. Il s'agit en réalité de créatures magiques ou d'animaux emblématiques qui sont liés avec les Élus, et qui leur donnent des pouvoirs. Je n'en sais pas plus après. On ne connait pas encore tous les Élus ou tous les Dons, il semblerait qu'il y en ait six en tout, et nous en avons trois... »

Bien que j'ai parlé pour pratiquement ne rien dire, étant donné que je m'y connaissais peu, Yoren assimila ces nouvelles informations. Dur à saisir, et moi-même, je n'y avais cru réellement qu'en voyant le don d'Edwin en chair et en os. Lors de la fête à Anvard, j'avais largement pu regarder le combat entre le roi de Telmar et la reine de Narnia, et j'avais pu observer à maintes reprises, dans les cachots, le don de l'esclave Calormène.
C'est ainsi que je pus en revenir sur la question qu'avait posé Yoren, qui attendait impatiemment la réponse. Jamais je n'avais vu autant de haine et de déception dans les yeux de quelqu'un. Et savoir que ce regard glacé et inquisiteur était destiné au propre frère de Yoren était encore pire. Cet homme était vraiment capable de tout... Après tout, il avait tué son propre père, exilé sa sœur, et serait visiblement près à faire l'un des deux sur le dernier membre de sa famille. Vengeance, pouvoir... Cette famille était déchirée. La mienne aussi, et j'aurais pourtant aimé que ce ne soit pas le cas. Malgré tout, je répondis à Yoren :

« Quelques jours après ton exil, pendant qu'Edwin était en mer, ton frère n'a effectivement pas hésité à briser l'alliance. Évidemment, il a libéré Archenland du contrôle, et a fait la paix avec Narnia et Archenland. Pour ce que je sais, il semble avoir voulu se faire petit après et ne pas impliquer Calormen aux autres conflits. Mais je pense qu'il se manifestera, avec la capture de la reine Susan et de sa petite esclave. »

Je laissai Yoren penser à ça silencieusement. Je n'en rajoutai pas plus, et pendant un long moment, seuls résonnaient les claquements des sabots de ma monture et les bruits de mes armes qui s'entrechoquaient. Ce presque-silence en était presque gênant, surtout en tenant compte de la dangerosité de Yoren, à mes côtés. C'est alors que j'aperçus devant moi la grande route. Celle-ci nous liait directement à la capitale telmarine, et il ne nous faudrait pas longtemps pour atteindre la ville. Je m'arrêtai alors. A partir de là, bien que nous soyons en plein milieu de la nuit, d'autres Telmarins allaient passer, qu'ils soient marchands, émissaires ou seigneurs. Si j'avais pu reconnaître Yoren après un léger effort, n'importe qui qui le connaitrait mieux que moi saurait deviner son identité en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

« A moins que tu ne veuilles que les rumeurs de ton retour atteignent la capitale mais aussi les royaumes avant même que l'on soit arrivé, tu ferais mieux de faire attention. La route est assez fréquentée, et nous ne sommes pas loin de la ville. A toi de voir après... »

Sans attendre la réponse, je repris la route. Il fallait passer par ici de toute manière. Soupirant, j'avançai, sur ce chemin plus large et moins obscure. Au loin, il me semblait distinguer les pointes des tours du château royal, portant les drapeaux, battant au vent, du royaume. Si la lune et les étoiles éclairaient avec douceur la route, le palais semblait en revanche bien plus menaçant, comme si les murs savaient déjà que Yoren approchait. Je jetai un coup d’œil à celui-ci, perplexe. Je savais que je n'en avais pas fini avec lui, même si je souhaitais, pour tout l'or du monde, ne plus le revoir. Son retour n'était vraiment pas dans mes plans, mais c'était inévitable.

« Tant qu'on en est aux nouvelles, Edwin a obtenu l'alliance avec le roi de Térébinthe, en se mariant avec sa fille. Il me semble que ton frère a également fait du roi de Térébinthe son allié. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est que ce cher Leonidas préfère envahir Calormen... »

En y repensant, il était vrai que tout était au mieux : Térébinthe allait trahir Calormen, Yoren revenait, les Sept-Îles avaient été prises par un allié de Yoren et ne reconnaissaient plus la souveraineté narnienne, Narnia perdait sa reine et Archenland perdait sa future reine, Telmar effrayait tout le monde, et on disait que même le Nord était allié avec Telmar. Narnia et Archenland, ainsi que Calormen, n'allaient pas tenir longtemps, ça c'était sûr.
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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeVen 16 Nov - 23:27

    La sensation de désir et d’appréhension d’en savoir plus sur les dons spéciaux que ressentait Yoren s’était vite évanouie dès qu’il avait parlé de son frère. Il n’avait cessé de penser à lui depuis son départ en exil et c’est sûrement grâce à son appétit de vengeance qu’il avait pu s’en sortir aussi vite et sans aucune réelle lésion. Mais il n’avait jamais eu l’occasion d’en parler à quiconque et encore moins à quelqu’un qui connaissait son frère, Soren. L’idée de partager son sang lui paraissait insoutenable aujourd’hui. C’est pourquoi, lorsque Matias se lança dans une explication un peu approximative sur les dons, Yoren n’écouta que d’une oreille. Bien-sûr, cette histoire l’intéressait grandement mais il prit conscience, à l’instant où il questionna Matias sur son frère, qu’il souhaitait avant tout, et plus que tout, que Soren paie pour ce qu’il avait fait. Puis, il repensa à ce que Matias lui avait dit, au début de leur rencontre sur le fait que Soren aurait dû le tuer quand il en avait l’occasion. Et c’était vrai. Yoren songea que son frère allait s’en mordre les doigts car à présent, plus rien ne pourrait l’arrêter tant qu’il n’aura pas obtenu revanche. L’ancien Tisroc avait construit sa réputation sur une certaine tyrannie mais ce qui allait suivre à présent, n’avait aucun égal. Il savait que plus la patience était grande, plus la vengeance serait belle. Mais il savait également qu’aussi longtemps qu’il méditerait sa vengeance, il garderait sa ‘blessure’ ouverte. Ses représailles seraient des plus satisfaisantes, il en était persuadé.
    Yoren ressassait sa haine, c’est à peine s’il se souvenait de la présence de Matias à ses côtés quand soudain, ce dernier finit enfin par répondre.

    « Quelques jours après ton exil, pendant qu'Edwin était en mer, ton frère n'a effectivement pas hésité à briser l'alliance. Évidemment, il a libéré Archenland du contrôle, et a fait la paix avec Narnia et Archenland. Pour ce que je sais, il semble avoir voulu se faire petit après et ne pas impliquer Calormen aux autres conflits. Mais je pense qu'il se manifestera, avec la capture de la reine Susan et de sa petite esclave. »

    Yoren resta silencieux mais pourtant, à l’intérieur de lui, son corps semblait bouillir. Il sentit comme une sorte de fièvre lui monter à la tête. Ses poings se serrèrent. Une vague de haine s’empara de lui. Comment était-ce possible ? Briser cette alliance ? Telmar et Calormen n’avaient jamais été aussi puissantes que quand ces patries étaient réunies. Yoren n’osait pas imaginer ce à quoi pouvait ressembler Calormen maintenant. Soren avait donc décider de suivre le chemin d’Abel et instaurer la liberté pour tous. À cette pensée, Yoren eut envie de vomir. Ni son père, ni son frère n’étaient dignes de gouverner Calormen. Cet empire était réputé pour sa barbarie, c’est d’ailleurs grâce à cela que Calormen avait réussi à être parmi l’élite, parmi les plus riches et surtout, parmi les plus craints. L’ancien Tisroc était tellement absorbé par ses pensées qu’il n’avait pas remarqué qu’un lourd silence s’était installé entre les deux hommes. Il prit conscience que ce silence pouvait être gênant pour son interlocuteur mais avant qu’il eut le temps de dire quoique ce soit, Matias l’avertit qu’ils étaient bientôt arrivé à Telmar et qu’il devait être sur ses gardes pour ne pas être reconnu. Il est vrai que Yoren n’avait nullement envie que son frère découvre qu’il n’était pas mort. Il voulait avoir le plaisir de lire la surprise mais surtout la stupeur dans les yeux de son frère.
    Yoren ramena quelques mèches de cheveux devant son visage et baissa légèrement la tête. Son regard se tourna vers Matias et hocha la tête, comme pour lui faire comprendre qu’il allait faire attention et suivre ses conseils. Ils reprirent alors leur marche mais le sol semblait différent, il n’était plus jonché de feuilles, moins étroit mais surtout, mieux éclairé. La ville semblait se rapprocher à grand pas car Yoren pouvait entendre le brouhaha qu’elle émanait et ce, de plus en plus fort. Yoren hésita un instant puis leva la tête, l’espace d’un instant. Il aperçu alors le château de Telmar et compris qu’il s’y trouverait très vite. Son cœur s’emballa, il prit une grande respiration. L’ancien Tisroc avait emprunté ce chemin mainte et mainte fois pour rendre visite à Edwin, qui vivait dans ce château. Mais c’était la première fois qu’il devait y faire mains basses, la première fois qu’il ne se faisait pas escorter et surtout, la première fois qu’il n’était pas réellement attendu. Il sentit le regard de Matias se poser sur lui brièvement. Celui-ci lui apporta une ultime nouvelle, déconcertante. Edwin avait épousé la fille du roi de Térébinthe et une nouvelle alliance en découlait favorisant Telmar à Calormen. Yoren ne savait pas s’il devait s’en réjouir ou non. Il souhaitait la chute et peut-être même la mort de Soren plus que tout au monde mais il ne voulait pas que sa patrie soit envahie par Leonidas, l’opportuniste. S’il arrivait à envahir Calormen, il ne partirait pas de sitôt. Mais Yoren ne pouvait pas se permettre de douter des alliances d’Edwin.

    « Il semblerait que les événements actuels soient en notre faveur… »

    ‘Notre faveur’ se répéta alors Yoren. Il était indéniable que maintenant, leurs destins étaient étroitement liés pour ne pas dire soudés. Et, bien qu’ils n’en aient nullement envie, ils allaient devoir se côtoyer longtemps et, à nouveau, collaborer ensemble.

    « Il me tarde d’écrire cette nouvelle page d’histoire. Il va sans dire qu’une nouvelle ère est proche. Et nous aurons probablement tous un rôle à y jouer et... »

    Mais Yoren n’eut pas le temps de finir sa phrase. Une poignée de personnes venait de passer et l’un d’eux prêta une attention particulière à Matias et Yoren. Il est vrai que le ‘tableau’ devait être peu commun : Matias, à l’allure noble tenant son persan arabe et Yoren, dont l’apparence était semblable à celle d’un esclave, marchaient côte à côte.
    L’ancien Tisroc chuchota alors

    « Tu devrais peut-être remonter sur ce cheval, pour ne pas attirer l’attention. »

    L’idée de devoir, une nouvelle fois, le regarder d’en bas lui était presque intolérable mais il n’avait guère le choix. Alors, tout en regardant Matias se hisser sur sa monture, Yoren réalisa qu’il allait devoir faire profil bas pendant encore quelques jours. Il fallait qu’il prenne les devants avant que Matias ne profite pleinement de la situation. Car bien qu’ils soient alliés, en apparence, une certaine rancœur entre les deux hommes existait bel et bien. Yoren se figea un instant. Son expression se transforma, comme s’il portait un masque et il finit par dire, à contre cœur :

    « Ce n’est pas facile à dire mais… Je te dois une fière chandelle Matias. Je te suis reconnaissant de m’avoir emmené jusqu’ici et de m’avoir informé des dernières nouvelles. Nous le savons, un ennemi commun rassemble même les pires ennemis et tu me l’as prouvé ce soir. »

    Prononcer cela lui arrachait le cœur mais il n’en laissait rien paraître.

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Matías Ernelio
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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeSam 24 Nov - 23:32

Cette conversation était des plus étranges, sans parler de la rencontre. Quelques années plus tôt, j'avais rencontré Yoren lorsque Caspian était encore au pouvoir, et évidemment, le Calormène ne m'avait pas adressé un regard. Puis je m'étais mis à le haïr dès que je compris sa grande amitié avec Edwin, quand celui-ci monta sur le trône par la force. Pendant des semaines et des mois, j'avais été forcé d'exécuter les ordres de ces deux grands malades, de ces hommes seulement obsédés par le pouvoir et la vengeance, sans rien dire, ne devant qu'obéissance et respect superficiel. Aujourd'hui, je n'avais aucun respect pour Yoren, et il ne l'aurait pas de sitôt, même s'il retournait sur son trône doré à Tashbaan. Et pourtant, nous étions alliés. Nous avions des buts précis à accomplir absolument, bien qu'ils soient différents et soient même contradictoires - ce que Yoren ne savait pas. Notre conversation prouvait bien que nous étions au cœur des mêmes évènements et que nous allions nous battre pour la même chose.

C'était exactement à quoi pensait Yoren, visiblement. Le début de sa phrase sembla indiquer que malgré le fait que nous ne nous apprécions absolument pas, nous allions devoir être côte à côté face à l'ennemi, et qu'il faudrait dépasser cette haine, cette colère, cette rancœur. Plus facile à dire qu'à faire, certes... Mais comme lui, je voulais écrire une nouvelle page d'histoire. Je voulais que Telmar reprenne Narnia, voire Archenland, que le royaume soit l'un des plus puissants, comme mes ancêtres. Et là, éventuellement, Calormen pourrait être un bon allié. Toutefois, ce n'est qu'après cette victoire que je pouvais envisager d'établir mon propre but...
Nous nous approchions de la ville, bien qu'il soit encore tôt, à en juger par le léger bruit de foule, et surtout les citations empruntant le même chemin que nous. Je compris en même temps que Yoren que nous allions avoir un problème. J'écoutai la solution de celui-ci, qui me paraissait la meilleure. Non sans un léger sourire et un regard fier, je remontai sur ma monture, le dos droit, le visage tourné vers la ville et non vers l'apparence non reconnaissable de l'ancien Tisroc.

Je ne répondis cependant pas à ce qu'il avait dit précédemment. Bien qu'il aurait fallu que je sois "ami" avec Yoren, que je l'aide, que je suis totalement de son côté, pour mon propre bien, pour ma propre sécurité, je ne pouvais pas me résoudre à lécher les bottes de ces deux hommes qui se feraient un plaisir de me jeter dans la boue avec les cochons au moindre faux pas.
C'est alors que Yoren prononça quelques mots qui me laissèrent stupéfait pendant un long moment. Je tâchai de ne pas regarder le Calormène, mais je réfléchissais. Il ne disait pas ces paroles pour rien, et j'avais presque tendance à croire qu'elles étaient sincères. Il me faudrait faire de même pour ne pas accepter la rancœur et la colère dans son cœur. Sur le même ton, je finis par lui répondre :

« Je suppose qu'il valait mieux, pour Telmar...et pour moi, que je te ramène. » J'hésitai un court instant, mais je continuai sans changement de ton, et sans réfléchir : « J'espère juste ne pas avoir à le regretter un jour, Yoren. Il serait dommage qu'on soit réellement les pires ennemis. »

Ces mots étaient sortis sans le vouloir, et pourtant, je le pensais vraiment. Je rendais service à Yoren, et malgré ses mots sincères, je tenais à rappeler tout de même que nous n'étions pas réellement du même côté et que j'étais très rancunier. Je me doutais que je m'étais attiré des ennuis en profitant de sa situation actuelle, et j'étais persuadé qu'il ne l'oublierait pas. Seulement moi non plus je n'oublierai pas ce qu'il avait pu faire avant... C'était loin d'être intelligent, mais tant pis, j'assumerai.
Je dus me résoudre à me taire en voyant d'autres habitants arriver. La forêt se désépaississait, signe que nous n'étions plus qu'à quelques minutes de la ville. Pendant un long moment, je ne dis rien à Yoren, et lui-même s'en tint au silence. Que faire après ? Traverser la ville incognito, ainsi que le château, en espérant que personne ne pose de questions ou ne reconnaisse le Tisroc déchu, et l'emmener à Edwin ? Je ne voyais que ça. Je ne tenais pas à rester plus longtemps que nécessaire avec Yoren, cette solution était donc la plus simple et la plus avantageuse.

Les portes de la ville apparaissaient maintenant clairement devant moi, gardées par des soldats portant les couleurs de Telmar. Plus loin, les hautes tours du château royal s'affirmaient, menaçantes et belles à la fois. Un sentiment de fierté me parcourait chaque fois que j'assistais à ce spectacle. J'étais né au château, j'y avais vécu toute mon enfance, toute mon adolescence, et aujourd'hui encore, j'y passais beaucoup de temps. Toutefois, depuis l'entrée d'Edwin au pouvoir, j'évitais cette ville, ce palais si chers à mes yeux, et mon anoblissement était tombé à pic : j'avais disposé d'une demeure assez éloigné de la capitale pour être tranquille, et à la fois proche pour faire le chemin rapidement en cas d'urgence. « Pas besoin que je te rappelle de te tenir tranquille, je suppose ? » Je jetai un coup d’œil à Yoren, avant de me concentrer à nouveau sur l'entrée de la ville. Les gens qui passaient étaient, à cette heure là, des paysans, des marchands ou des pauvres. Ils se préoccupèrent peu de Yoren, bien que certains lui jetaient des regards d'incompréhension, et préféraient me supplier de leur donner un bout de pain ou une pièce d'or.

Passer les portes fut simple, les gardes me reconnurent. La traversée de la ville fut également aisé ; le moment le plus dur arrivait : traverser le pont liant la ville au château royal. C'était à cet endroit que la royauté et la noblesse de Telmar étaient réunies, et que le risque de poser des questions ou encore de reconnaître l'ancien Tisroc, derrière ses mèches sales et ses yeux avides de vengeance.
A l'entrée du château, les gardes firent plus attention et me questionnèrent sur l'identité de mon "compagnon". Je répondis naturellement la seule chose qui me vint en tête : « Je l'ai trouvé dans la forêt. Il dit avoir des informations sur les barbares du Sud. Je l'emmène pour une audience avec le Roi. » Ce n'était qu'à moitié vrai, mais mon regard suffit à faire comprendre aux gardes que je ne préparais pas un mauvais coup et que j'étais sûr de ce que je faisais. On me connaissait suffisamment pour savoir que j'étais capable d'envoyer quelqu'un au bûcher ou au bourreau sans aucune pitié.

Une fois dans la cour du château, je descendis de cheval, le tendis à un serviteur du palais, et partis sans un mot vers mes appartements en prenant les couloirs les moins empruntés par la noblesse telmarine. Nous ne croisâmes que quelques rares personnes qui me regardèrent d'un air étonné, le sourcil levé, mais ne firent aucun commentaire - du moins, pas tant que j'étais dans le même couloir qu'eux. Le chemin fut assez long, nous empruntâmes de nombreux escaliers que je ne parcourais moi-même que très rarement, mais qui permettaient de parcourir le château plutôt discrètement. Doucement, je murmurai à Yoren : « Je suppose que tu préfères te changer et avoir l'air un peu plus respectable d'abord ? J'irai prévenir Edwin le temps que tu t'arranges et que tu manges un petit quelque chose. » La politesse et le respect n'étaient toujours pas mon fort devant le Calormène, mais c'était bien fait exprès.
Nous arrivâmes enfin devant mes appartements. J'y entrai, appelai mon valet, et le chargeai de faire ce que Yoren lui demandait. Je changeai rapidement ma chemise ainsi que mes bottes boueuses, et laissai Yoren seul dans mes appartements sans un mot, me dirigeant vers ceux du roi.

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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeMer 19 Déc - 1:57

    Au fond de lui, Yoren sentait sa dignité s’effriter petit à petit. Peut-être vivait-il ce que Matias avait vécu lorsqu’il était confronté à Edwin et Yoren. Mais ce qui lui permettait de tenir, c’était de savoir que cette situation n’était que temporaire. Bientôt, la roue allait de nouveau tourner. Bientôt, il serait à nouveau Tisroc de Calormen. Et bien qu’il ne savait pas encore comment il allait s’y prendre, ni même ce que les évènements récents allaient apporter et encore moins comment tout cela allait finir mais il savait que ça arriverait et que Matias devrait être à ses côtés, à coup sûr. Mais cette alliance ne semblait pas ravir les deux hommes. Ils allaient devoir s’accoutumer, qu’importent leurs ressentiments et leurs amertumes, du moins l’espace d’un instant...
    Mais pour le moment, cet « instant » lui semblait insupportable. Le sourire fier qu’affichait Matias à le regarder de haut et l’allure aussi fière qu’il affichait lui donner, une fois de plus, des envies de meurtres impromptus. Il allait devoir attendre. Encore et toujours. Le temps qu’il faudra.
    À présent, Yoren ne prêtait plus aucune attention aux quelques marchands qui passaient à côté d’eux. Il est si facile de distinguer un homme qui est aux aguets et qui a quelque chose à se reprocher… Et, après avoir vaguement remercié Matias, il analysa sa réaction. Matias semblait abasourdi. Peut-être avait-il finalement cru les paroles de Yoren… Seulement, Yoren savait pertinemment que Matias était intelligent et qu’il ne serait pas aussi simple de le piéger ainsi, par une simple phrase.

    « Je suppose qu’il valait mieux, pour Telmar… et pour moi, que je te ramène. J'espère juste ne pas avoir à le regretter un jour, Yoren. Il serait dommage qu'on soit réellement les pires ennemis. »

    Yoren s’arrêta une fraction de seconde. Matias semblait être plus patriotique que jamais. Mais ça, Yoren s’en moquait. Ce qu’il l’étonna, c’était la suite de sa phrase. Que cherchait-il à faire ? Yoren ne pouvait dire clairement si Matias était effrayé par Yoren ou s’il essayait plutôt de l’intimider, en vain. La deuxième option semblait peu probable. Il se résolu à ne pas répondre. Mais un demi-sourire se dessina sur ses lèvres. Et puis, Yoren n’allait pas s’abaisser à ce genre de menace. Il agirait en temps voulu.
    Soudain, Yoren aperçut le château de Telmar. Ce château, il l’avait arpenté des milliers de fois, peut-être même plus. Il avait sillonné autant de fois ce chemin. Ce qui était différent cette fois-ci, c’est qu’il n’était pas accueilli comme un roi et n'était pas attendu. Il pouvait à peine admirer les drapeaux de Telmar qui flottaient dans les airs. Alors, tête baissée devant les gardes, il franchissa les portes de Telmar, aux côtés de Matias. C’est à peine s’il prêta attention aux avertissements de ce dernier. Mais quand il entendit avec quelle facilité Matias mentit aux « seconds » gardes, ceux qui gardaient l’entrée du palais, Yoren eu un doute. Peut-être Matias lui avait-il menti sur toute la ligne. Sur les histoires de dons, d’alliances… Il en aurait très vite le cœur net.
    Yoren n’avait pas dit un mot depuis plusieurs minutes. Il n’avait plus envie de dialoguer avec Matias. Il estimait que celui-ci avait accomplie sa mission du jour en le conduisant à Telmar et il souhaitait écourter le plus possible les moments passés en sa compagnie. Alors, les deux hommes pénétrèrent dans le château et empruntèrent différents couloirs dans un silence religieux. Et ce, jusqu’à ce que Matias fasse une dernière allusion malveillante à l’égare de Yoren.

    « Trop aimable » souffla-t-il alors.

    La tension commençait évidemment à monter entre les deux ennemies et pourtant alliés. Mais très vite, ils se retrouvèrent devant les appartements privés de Matias. Les dents serrées, Yoren entra dans la pièce. Après avoir balayé la chambre du regard, Yoren attendit le départ de Matias pour demander au valet d’aller lui chercher à manger, chose qu’il ne voulait pas faire devant Matias.

    « Va chercher de quoi me nourrir » lacha-t-il sèchement.

    L’esclave quitta la pièce rapidement pour exécuter l’ordre de l’ancien Tisroc. Yoren resta immobile, debout dans cette pièce. Puis, il vu un miroir, prôner fièrement au milieu du mur porteur. Il avança d’un pas lent. Il ferma les yeux un instant. Quand il les rouvrit, Yoren était face à face avec ce qu’il restait de lui-même. Maigre, barbu, sale. Voilà ce qu’il était devenu. Il se dégoutait ainsi. Il avait envie de frapper dans ce miroir, de faire disparaître l’ombre de lui-même. Mais avant qu’il puisse faire quoique ce soit, le valet entra à nouveau dans la salle. Il posa un plateau garnit de viande, de pomme de terre, d’un verre de vin ainsi qu’une grappe de raisin. Yoren se regarda une dernière fois puis se jeta sur la nourriture. Il mourrait de faim et ses entrailles le tiraillaient depuis un certain temps. Alors il engloutit ce plateau de nourriture en à peine cinq minutes. Sa faim n’était pas assouvie mais il se sentait mieux.
    Yoren s’approcha de la table de toilette. Il trouva de quoi raser cette affreuse barbe qui avait poussé durant son exil. Ses doigts effleurèrent sa cicatrice. Elle était à présent à découvert. Il fît ensuite sa toilette, longuement. Il prit également la liberté d’enfiler des vêtements de Matias, une simple chemisette beige et un pantalon noir. La taille n’était pas exacte mais cela lui était égal. Alors, le ventre à moitié repu, la peau nettoyée et la barbe rasée, Yoren attendit patiemment l’arrivée d’Edwin. Les minutes défilèrent mais rien ne se passa. Il commençait à perdre patience quand il entendit des bruits de talon résonner dans les couloirs. Mais Yoren ne pouvait distinguer que les pas d’un seul homme. Il songea un instant que c’était Edwin. Mais très vite, cette idée s’évapora. Il savait bien que Matias ferait tout pour ne pas les laisser seuls, pour être informé de tout. Alors, lorsqu’il vit Matias passer la porte, il ne fût guère surpris. Les deux hommes allaient finalement devoir discuter ensemble encore un moment.

    « Et bien… » Dit-il dans un soupir

    Il se tourna et regarda par la fenêtre, admirant la vue prenante. Le regard perdu dans le vide, Yoren réfléchissait à ce qu’il allait bien pouvoir dire à Matias, qu’il avait de plus en plus de mal à supporter. Ses mains se crispèrent sur le rideau de soie.

    « Où est Edwin ? » finit-il par demander.

    Mais avant que Matias eut le temps de dire quoique ce soit, Yoren continua.

    « J'ai bien l'impression que nous allons devoir encore parler toi et moi. Alors autant ne pas perdre de temps en courtoisie. Y aurait-il quelque chose que je devrais savoir ou quelque chose que tu voudrais savoir? »



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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeMer 26 Déc - 16:07

J'avais hâte que cette nuit se termine, et ne soit qu'un mauvais cauchemar. Retrouver Yoren dans un état pitoyable avait été plus que satisfaisant, mais devoir le ramener et me rendre compte qu'il était un gros problème en réalité. J'aurais du le tuer, ou l'assommer et l'envoyer en colis express à son frère, qui aurait été ravi de le revoir. Ce n'était qu'un problème de famille après tout. Peu importe, ce qui était fait était fait à présent. Je soupirai et atteignis les appartements du roi en peu de temps. Les gardes m'informèrent alors qu'Edwin n'était pas ni dans sa chambre, ni dans la salle du conseil, ni tout bonnement au château. Gé-nial.

N'étant absolument pas pressé de retourner voir Yoren - qui soit dit en passant profitait sûrement de mes appartements avec joie après des jours et des semaines passées sur en exil - je fis un tour tranquillement en direction des cuisines, où je pris un bon repas conséquent, qui me fit oublier mes tracas l'espace de quelques minutes. J'y avais croisé mon valet qui apportait un plateau à Yoren sûrement. Il semblait n'avoir rien révélé à personne à propos de cet étranger loin d'être digne de la magnificence du palais royal. A regret, je dus repartir vers ma chambre, le pas lent, cherchant à savoir ce que je pourrais bien faire de l'ancien Tisroc le temps que le roi revienne. C'était bien le moment pour qu'il fasse une petite balade tiens ! Arrivé devant la porte de mes appartements, je soupirai, repris mon calme et entrai d'un air indifférent dans la pièce.

Je ne fis guère attention au soupir de Yoren, me promettant de ne pas faire monter la tension une nouvelle fois. Il valait mieux pour moi que je m'abstienne de toute violence envers un homme qui était aujourd'hui faible et seul, mais qui serait demain fort, puissant et allié au roi. Yoren avait d'ailleurs repris son ancienne allure : sa barbe hirsute et emmêlée était rasée, ses cheveux arrangés et coiffés, sa peau nettoyée et ses vêtements correspondaient plus à son rang - bien que ce soient les miens. Il n'avait pas encore retrouvé le charisme et la fierté qui le caractérisaient lorsqu'il régnait sur Calormen, mais il ne manquait plus qu'une épée royale à son côté et une couronne de souverain sur sa tête pour qu'il redevienne le tyran d'autrefois. Je ne fis pas attention, une nouvelle fois, aux paroles de Yoren, mais j'étais bien obligé de répondre à la première question.

« Je ne sais pas, personne n'a souhaité me renseigner. » répondis-je sur un ton froid. « Il semblerait qu'il rentre à l'aube, dans quelques heures. »

J'attendis un peu. Ces nouvelles n'allaient pas plaire à Yoren, qui malgré ces quelques temps passés seul sur une île déserte, devait toujours avoir l'habitude d'obtenir ce qu'il voulait quand il voulait. Bien sûr, cette fois il s'agissait de son grand ami Edwin, et ce dernier n'était pas au courant de l'importante nouvelle que je lui apporterai. J'espérais de tout cœur que ce moment serait retardé, mais cela signifierait être responsable de Yoren. Certes, celui-ci était bien assez grand pour s'occuper de lui et ne pas être révélé au grand jour avant qu'il ne le faille, et pourtant il avait encore besoin de moi. Ironique comme situation, et surtout bien triste.

« Tu as raison. Que veux-tu savoir ? Je serais ravi de t'informer de tout ce qu'il se passe. » finis-je par dire avec un soupir, en allant m'asseoir dans un fauteuil devant une cheminée. Je fis signe à mon valet, posté dans un coin de la pièce, d'allumer un feu, et j'indiquai à Yoren de s'assoir également car même si l'envie n'était pas au rendez-vous, je me devais de le respecter un minimum dans l'usage. « Pour l'histoire des dons, je ne peux pas t'informer plus que je ne l'ai déjà fait. Il faudra demander plus d'explications à Edwin, il pourra mieux te décrire le phénomène que moi. » J'éliminai ainsi un sujet de conversation que je ne désirais pas aborder. Ce qui pouvait être intéressant, c'était de donner des informations à Yoren sur son pays et sur son frère, et de constater à quel point la vengeance était ancrée en lui. J'étais aussi curieux de savoir comment un tel tyran avait pu être détrôné aussi facilement. Je n'appréciais pas les Calormènes, mais leurs histoires de famille étaient des plus passionnantes...
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Yoren Eshbaan
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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeSam 5 Jan - 0:05

    Les doigts toujours crispés sur le rideau de soie, Yoren écouta d’une oreille la réponse de Matias. À vrai dire, il se moquait pas mal de savoir où était Edwin à l’heure actuelle. Ce qui l’importait, c’est qu’il n’était pas là pour son retour imprévu d’exil et qu’il allait encore devoir côtoyer Matias, pendant un certain temps. Jamais il n’aurait pensé que Matias serait le premier telmarin qu’il croiserait par hasard dans les bois et encore moins qu’il serait l’homme qui lui offrirait, en quelques sortes, l’hospitalité en attendant le retour d’Edwin. Bien-sûr, Yoren n’était pas dupe. S’il n’était pas le meilleur ami de l’actuel roi de Telmar, Matias l’aurait tué depuis bien longtemps. Il n’aurait pas cherché à comprendre le pourquoi du comment, il lui aurait tranché la tête dans la forêt et serait rentré à Telmar, comme si de rien n’était. Du moins, c’est ce que Yoren aurait fait, s’il était à sa place. Puis il pensa que son comportement pouvait également être intéressé. Quelle récompense pourrait-il bien remporter pour l’avoir ramener à Telmar sain et sauf ? Peut-être même que Matias se projetait dans l’avenir et imaginait que, si Yoren remontait sur le trône de Telmar, celui-ci lui en serait redevable ? Si cela était vrai, Matias n’était pas à blâmer. Yoren savait mieux que quiconque que l’opportunisme pouvait mener loin, très loin.
    Quelques minutes plus tard, Yoren se décida enfin à détourner son regard du paysage qui s’offrait à lui à travers la fenêtre, lâcha finalement le rideau et se tourna vers Matias. À nouveau, leurs regards se croisèrent, toujours emplies de rancœur. Les deux hommes semblaient en dire plus avec les yeux qu’avec la parole. Ils ne pouvaient pas se permettre de dire un mot plus haut que l’autre. Yoren avait encore besoin de Matias. Matias, quant à lui, pourrait le regretter plus tard. Alors, tout deux se contentés se lancer de sombres regards, de temps à autre. Pourtant, quelque chose avait changé dans le regard de Matias. C’était le même regard qu’il lançait à Yoren lorsqu’il était Tisroc, toujours irrespectueux mais moins dédaigneux. Cependant, il soutenait encore et toujours son regard. Alors, lorsque Matias s’assit, tout en soupirant, dans un fauteuil au coin du feu, les yeux de Yoren restèrent figer sur Matias. Ce dernier l’invita à s’assoir à son tour, probablement à contre cœur. Dans un hochement de tête courtois, Yoren s’exécuta. Il s’enfonça légèrement dans le fauteuil. Cela faisait des jours, peut-être même des mois qu’il ne s’était pas assis sur un fauteuil digne de ce nom. Et, en y réfléchissant, la dernière fois qu’il s’était assis, c’était sur un tonneau, sur un bateau, en pleine mer. Il se rendait compte, petit à petit que le moindre geste, même le plus anodin (comme s’assoir sur un siège) lui avait cruellement manqué durant son exil. Tout en plongeant son regard dans le feu, Yoren écouta attentivement la réponse de Matias.

    « Pour l'histoire des dons, je ne peux pas t'informer plus que je ne l'ai déjà fait. Il faudra demander plus d'explications à Edwin, il pourra mieux te décrire le phénomène que moi. »

    Celui-ci semblait vouloir éviter toutes questions sur les dons et préférait laisser Edwin se charger d’une explication. Pourtant, Yoren aurait vraiment voulu en savoir plus mais il allait devoir prendre son mal en patience. Il laissa alors, un instant, le bruit du feu bercer la pièce. Yoren avait un tas de question à poser à Matias. Mais par où commencer ? Comment rattraper près d’un an d’absence en questionnant un seul et unique homme ? Une question finit alors par lui brûler les lèvres.

    « Qu’est réellement devenu Calormen ? J’entends par là que mon… Mon pays tirait sa richesse en assiégeant Archenland et Narnia et sa puissance de son alliance avec Telmar »

    Yoren soupira un bref instant, avant de continuer

    « Je n’ai pas à t’apprendre l’histoire de Calormen. Ma patrie a bâti sa réputation sur sa férocité et sa tyrannie. C’est grâce à cela que nous avons, de père en fils, perduré une certaine fierté à travers les siècles. Et je dois t’avouer que ma seule peur est que mon frère ait brisé cette réputation et, par conséquent, anéanti mon royaume. »

    Mon royaume’… Cela lui venait naturellement. Yoren était persuadé qu’il remontrait sur le trône de Calormen alors qu’il ignorait encore tout de ce qui se passait à l’extérieur de ces murs. Son ambition et son intelligence seules avaient toujours suffit. Alors pourquoi cela devait-il changer ? Il obtenait toujours ce qu’il voulait. Et ce que l’on ne lui donnait pas, il le prenait. Il en avait toujours été ainsi et il en serait ainsi.

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Matías Ernelio
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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeDim 13 Jan - 15:09

Comme je l'avais espéré, Yoren aborda quelques questions sur Calormen et sur son frère. Voilà qui promettait d'être intéressant. Je savais également qu'ainsi, je ravivais la colère et la rancune entre Yoren et son frère. Je jouais non seulement avec les sentiments et les souvenirs d'un homme envers son frère, mais également avec l'avenir de ce monde. Peu de personnes pouvaient se vanter d'avoir l'occasion d'intervenir de cette manière, et pourtant, c'est ce que j'avais toujours fait. Mon désir était d'être le plus proche possible du pouvoir ; et bien que je sois seigneur de Telmar et donc convié aux grands conseils, j'étais bien entendu éloigné par Edwin. Aujourd'hui, mettre le bazar en mélangeant vie privée et vie politique était un jeu intéressant. Il ne s'agissait que d'une partie d'échec : selon la place qu'occupe chaque pion, la suite de la partie sera différente et complexe...

« Je sais que la plupart des Tisrocs ont toujours cherché à s'approprier Narnia, depuis des siècles. Archenland n'était pas une menace, seulement un petit obstacle à abattre avec une centaine d'hommes par surprise. Le nombre surprenant de soldats de l'armée calormène et le grand désert suffisaient à dissuader tout pays d'attaquer le sud, et votre culture différente de celle du nord a convaincu chacun que les Calormènes n'étaient que des sauvages sanguinaires, des tyrans, des barbares. » Je marquai une pause. Certes, mes paroles n'étaient pas agréables, et je cherchais encore et toujours Yoren, pourtant j'étais sûr qu'au contraire, ces paroles allaient lui faire plaisir. Car telle était l'explication qu'on m'avait enseigné sur l'histoire de Calormen, lorsque j'étais plus jeune. « Ton frère a en effet brisé l'alliance avec Telmar en libérant Archenland, et s'est allié avec Narnia et Archenland. Pour ce que je sais, les taxes sont moins élevées, il y a moins de famine, il entretient moins l'armée et il accorde plus d'attention aux esclaves. Le peuple est plus fort, mais le pays s'affaiblit et est plus vulnérable, pour résumer. »

C'était en effet ce que je savais, et je ne connaissais pas les détails. De plus, mes explications étaient très vagues, et sans doute que le nouveau Tisroc s'occupait un minimum de son armée, à moins qu'il ne soit totalement naïf dans son idée de paix. Yoren pourrait sans doute mieux me renseigner sur l'état d'esprit de son frère que je ne pourrais le faire. Après un court instant de silence, je repris la parole : « Il me semble que ton frère veut calmer cette idée de tyrannie et de barbarie inscrite sur le front de chaque Calormène...comme votre père le souhaitait, ainsi que votre sœur. Et toi, au contraire, tu veux faire perdurer cette "fierté", comme tu le dis. Est-ce pour cela que ton père est mort, que ta soeur a été exilée, et qu'aujourd'hui tu veux tuer ton propre frère, la dernière famille qu'il te reste ? »

Je m'apprêtais à continuer un long discours, ou plutôt une seule phrase : je n'étais pas bien placé pour parler d'honneur ou de choses comme ça, mais je savais que les liens familiaux étaient ce qu'il y avait de plus fort au monde, après l'amour. Sans doute que Yoren était tellement aveuglé par le pouvoir et la puissance qu'il négligeait ces liens jusqu'à vouloir les détruire. Je soupirai et détournai mon regard de l'ancien Tisroc, tant il me dégoutait et me révulsait. Certes, il était un allié, même si nous n'allions pas être camarades de combat et surtout amis tout de suite. Sa détermination et sa force étaient de grands attributs que l'on trouvait rarement chez les hommes, et c'est sans doute ce qui pourrait nous faire gagner la guerre une bonne fois pour toutes. Mais Yoren ne paraissait même pas humain ; il ressemblait à ces soldats faisant partie de l'élite de l'armée, ceux qui ne prononçaient jamais un mot, ceux qui faisaient ce qu'on leur demandait sans discuter, ceux qui avaient l'air de simples automates incapables de penser autre chose que la destruction des ennemis, ou la protection de leur pays. Certes, Yoren était beaucoup plus malin et manipulateur, ce qu'il voulait, c'était le pouvoir, rien d'autre, quitte à supprimer tout ce qui se trouvait entre lui et le trône.

Je soupirai, et après quelques instants de réflexion, je me tournai à nouveau vers le Tisroc déchu, une idée en tête. Il s'agissait d'un test, avant tout, pour confirmer l'image que j'avais de lui. « Mais au lieu de parler de ça avec moi ou avec Edwin, peut-être préfèrerais-tu le faire avec ton frère ? Il semblerait qu'il va quitter Tashbaan quelques jours dans deux semaines pour aller à Tehishbaan et dans les alentours. C'est ce qu'a rapporté un espion ; Edwin surveille Soren, mais il ne va rien faire contre lui, à ce que je sache. Peut-être que tu pourrais régler beaucoup de problèmes... A moins qu'une simple lettre suffirait ? » ajoutai-je en montrant un bout de parchemin, une plume et de l'encre sur une petite table basse, près des fauteuils. Yoren était malin, mais sa vengeance semblait être le moteur de ses décisions à présent, et c'est sans doute ce qui pourrait le mener à sa perte.
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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeMar 5 Fév - 21:08

    Lorsque Matias commença à parler de l’histoire de Calormen, Yoren ne pu s’empêcher de lever les yeux au ciel. Il connaissait l’histoire de Calormen, il l’avait vécu, il l’avait écrite, il y avait contribué. Mais au fur et à mesure que sa conversation avançait, son discours semblait flatteur. Bien-sûr, il ne l’était pas, bien au contraire. Cependant, c’était ce que Yoren voulait entendre. Il était heureux de savoir que ce qu’on apprenait à Telmar, c’était que les Calormènes étaient des êtres sans pitié, puissants et craints du plus grand nombre. Yoren se redressa légèrement, levant fièrement le menton. Il se sentait fier et digne d’être Calormène. Mais aujourd’hui, il savait que son frère mettait en péril ce renom, forgé depuis des siècles. Matias ne metta d’ailleurs que très peu de temps avant de confirmer cela. Il avait donc choisi de privilégier le peuple au pouvoir et Calormen n’était plus aussi menaçant que jadis. Les poings de Yoren se serrèrent, tellement fort que ses ongles étaient sur le point de pénétrer dans sa chair. Il bouillait intérieurement. Son visage resta néanmoins impassible. Comment son frère pouvait-il faire cela ? Vivre dans une utopie, un rêve chimérique ? Yoren avait toujours eu conscience de la naïveté certaine de son frère mais jamais il n’aurait pensé être aussi différent de lui. Le regard toujours posé sur le feu qui semblait danser sous ses yeux, Yoren ne dit pas un mot et continua d’écouter Matias. Il savait pertinemment que chacun de ses mots étaient étudiés, qu’il les choisissait soigneusement pour énerver l’ancien Tisroc, le titiller. Yoren ne savait pas encore quelle idée Matias avait derrière la tête mais il était sûr d’une chose : il devait s’en méfier, ne jamais lui accorder une once de confiance. Car, malgré les apparences, Yoren était persuadé qu’il était aussi vil que lui mais refusait sûrement de l’admettre. D’ailleurs, Yoren avait toujours pensé que chaque être humain était, dans le fond, infâme et abject tant qu’il n’obtenait pas ce qu’il voulait. Seulement, cette nature était plus enfouie chez certain que chez d’autre. Et seuls les imbéciles, les faibles étaient complaisants.
    Yoren se contrôlait pour ne rien dire mais lorsque Matias parla de sa ‘famille’, il ne pu se retenir plus longtemps.

    « Mon père était un idiot qui vivait dans l’illusion permanente et qui faisait courir le royaume à sa perte. Je ne regrette en rien d’avoir jouer un rôle dans son destin. Et il semblerait que mon frère ait hérité de cette niaiserie. Soren n’a pas été élevé pour gouverner et d’ailleurs, je doute fort qu’il sache l’essence même de ce mot. Je n’ai jamais souhaité la mort de mon frère ou même de ma sœur. Ils auraient pu suivre le court des choses et vivre pleinement à Calormen. Mais ils ont décidé de se mêler des affaires de l’Etat. Et tu es bien placé pour savoir que parfois, le sang doit être versé pour qu’un pays avance et garde sa puissance. Telmar en est un parfait exemple… »

    Il ne mentionna pas le meurtre du père de Matias mais il savait qu’il comprendrait où il venait en venir.

    « La famille peut s’avérer être un obstacle à la réussite. Et ma famille, particulièrement, est un poids pour Calormen. »

    Yoren avait conscience que ses mots pouvaient sembler durs mais c’était pourtant la vérité. Mais il savait que sans attache, il n’avait rien à perdre. Il ne souffrait pas puisqu’il était son seul repère. Ce n’était pas de l’égoïsme mais de l’indifférence. L’indifférence face au monde. Il ne pouvait connaitrait la tristesse et pour lui, c’était ça être fort. Peut-être avait-il tort, peut-être pas. Le pouvoir était sa fontaine de jouvence. Et rien ni personne ne pourrait lui faire changer d’avis.
    Quand Matias l’informa sur la présence éventuelle de son frère à Tehishbaan. Yoren hésita un instant. Son cœur lui disait de partir sans plus attendre avec pour seule compagnie une épée et de régler cette histoire une bonne fois pour toute. En face à face, Soren n’aurait aucune chance (d’après lui). Mais sa raison lui disait d’attendre, de ne pas prendre de décision hâtive qui pourrait lui coûter la vie.

    « Je ne suis peut-être qu’un fou à tes yeux mais je ne suis pas stupide. Ô, je sais que cela te réjouirait, de me voir courir à perte en me livrant seul à Soren mais je ne pourrais pas t’accorder ce plaisir, pas maintenant. »

    Puis, il réfléchit à l’idée d’écrire une lettre à son frère, comme le proposait Matias. Yoren saisit lentement le parchemin et la plume qu’il examina silencieusement. La proposition semblait alléchante mais tout cela semblait trop simple. Prévenir son frère qu’il était de retour, le jour-même où il avait regagné Telmar…

    « C’est trop tôt… » murmura-t-il

    Il posa le parchemin sur l’accoudoir et regarda à nouveau Matias.

    « La confrontation arrivera bien assez tôt. Tu dis que Soren sera là-bas dans deux semaines. J’écrirais cette lettre mais il ne saura pas de qui elle provient. Je veux voir la surprise dans ses yeux lorsqu’il me verra tout comme j’ai pu la voir dans ton regard quand tu m’as trouvé dans cette forêt. J’irais à sa rencontre quand il sera seul mais aucun de nous ne mourra ce jour là, je le sais. Cela serait trop facile de le tuer. Je veux le voir souffrir, je veux qu’il soit en vie pour me voir monter sur le trône de Calormen. »

    Yoren se racla un instant la gorge et posa ses coudes sur ses genoux avant d'enfouir son visage dans ses mains. Il était épuisé. Lorsqu'il releva la tête, il se décida enfin à poser la question que Matias devait aussi se poser.

    « La guerre est proche. Reste à savoir si tu serais prêt à te battre à mes côtés, et inversement, pour nos intérêts personnels? »
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MessageSujet: Re: Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.   Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis. Icon_minitimeMar 26 Fév - 14:26

Yoren était sans pitié lorsqu'il parlait. J'écoutais chaque mot de sa réponse, ponctué d'une haine sans limites, bien ancrée en lui. Ce qu'il disait paraissait si normal et si juste dans sa bouche. Yoren avait la véritable carrure pour être un roi, un Tisroc, le souverain d'un empire immense et respecté de tout temps. Il savait utiliser les mots et manipuler les esprits. Comment avait-il pu grandir aussi différent de son père et de son frère ? Soren affirmait chacune de ses actions en accord avec la pensée de son défunt père et de Tash. Yoren dirigeait les autres par sa seule force de persuasion. C'était impressionnant, mais je ne me ferais pas avoir. C'est d'ailleurs ses derniers mots qui me ramenèrent sur terre. Telmar avait eu son lot de barbarie récemment, en effet. Mon père, le roi Caspian IX, n'était resté que quelques années au pouvoir, et je savais que mon propre oncle Miraz, son frère, l'avait assassiné pour régner pendant près de dix ans. Miraz avait lui-même été assassiné par un de ses seigneurs, Sopespian, qui fut également tué pendant la guerre. Et plus récemment, mon demi-frère Caspian X avait été privé de son trône par un de ses espions.

« En attendant, ton frère était sur le trône de Calormen pendant que tu pourrissais en exil. Tu étais visiblement un obstacle pour lui aussi... »

Je ne dis rien d'autre, ne voulant pas tomber dans le piège de Yoren. C'était ses idées, j'avais les miennes, et nous ne serions jamais en accord lui et moi. La seule chose que je pouvais faire, c'était montrer ma désapprobation, le contrarier dans ses plans tant que je le pouvais. En effet, il était un véritable atout pour Edwin, et donc un principal ennemi ou « obstacle » comme il le disait. Il ne me fallut pas longtemps pour trouver le piège parfait : lui donner des nouvelles de son cher frère. Yoren n'était pas idiot, mais je pouvais essayer. Lui informer de la visite de Soren à Tehishbaan sembla le faire réfléchir. Comme je m'en doutais, il ne foncerait pas tête baissée. Mais cette nouvelle le perturberait et exciterait sa haine envers son frère jusqu'à ce qu'il satisfasse le désir de l'humilier, voire de le tuer.

De même pour la lettre. Je ne pus qu'être d'accord avec lui toutefois. Il valait sans doute mieux attendre pour surprendre l'ennemi, surtout son frère. Je grimaçai lorsqu'il évoqua ma surprise quand je l'avais trouvé au beau milieu de cette forêt. J'imaginais déjà Yoren face à son frère, fier, haineux, grandi de son exil. Il révéla alors qu'il ne tuerait pas son frère, et je vis à nouveau son côté sadique et malin comme le diable. Il voulait humilier Soren comme ce dernier l'avait humilié en l'exilant et en prenant sa place alors qu'il n'avait jamais été élevé pour gouverner. Encore une fois, j'étais assez admiratif devant la complexité de la personnalité de Yoren, devant son intelligence et sa prévoyance. Peu d'hommes possédaient ce don, et malheureusement, ils étaient en général de fins stratèges voués à vouloir dominer le monde. L'ancien Tisroc posa alors la question qui tournait autour de nous depuis notre rencontre : de quel côté je serais.

« Je ne combattrai que pour Telmar. Ni pour le roi, ni pour toi. Tout dépendra donc des évènements à suivre.

Dans le pire des cas, oui je me battrai pour Edwin, puisqu'il était roi de Telmar à mon grand déplaisir. J'engagerai ma vie et celle de mes soldats pour faire reconnaître la puissance de mon pays, de ma patrie, et être fier de mes origines. Je n'étais pas un traître, surtout pas sans bonne raison. Si je décidais de fuir le combat, de rejoindre les Narniens, ou autre, je le regretterais toute ma vie, et il n'y avait rien de pire. Non, je me devais de participer à cette guerre, si elle avait effectivement lieu. En revanche, il était hors de question de combattre pour Yoren, pour qu'il récupère son fichu trône et qu'il accomplisse une vengeance familiale dont je me moquais éperdument. Edwin ne m'obligerait sûrement pas à faire ça. Ni Yoren.

J'avais noté la fatigue dans les yeux, la voix et les gestes de l'ancien Tisroc. Voilà le meilleur moyen de mettre fin à cette conversation ridicule. Je me débarrasserais de Yoren, du moins jusqu'à ce qu'Edwin daigne montrer le bout de son nez et revoir son ami. Que faire cependant ? J'étais aussi épuisé. Bien entendu, il était impensable que je prête ma chambre à cet homme. Mais je ne pouvais pas aller le faire aller autre part sans prendre le risque de le mettre à découvert alors qu'il venait d'arriver. Je soupirai sans montrer la moindre discrétion, avant de me lever. Je partis un court instant dans ma chambre, sortant une couverture et un oreiller. Je jetai tout ceci à Yoren, toujours assis.

« Tu m'en vois navré, mais tu vas devoir te contenter du sol pour quelques heures. J'aurais retrouvé ta sœur et non toi, j'aurais volontiers partagé mon lit avec elle, mais que veux-tu... » je glissai un sourire arrogant après ces paroles, puis ajoutai, plus sérieusement : « Un valet viendra prévenir quand Edwin sera revenu au château. »

Après un dernier regard, je m'éloignai, rejoignant ma chambre dont je fermai la porte avec soin. Malgré ma fatigue, je n'allais dormir que d'un œil, vigilant à tout bruit suspect. Mes appartements regorgeaient d'armes ou d'objets suffisamment tranchants pour que Yoren se venge de toutes les insultes que je lui avais balancé.
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Il faut du courage pour affronter ses ennemis mais il en faut encore plus pour affronter ses amis.

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