A mon très cher ami

Cher Ange,

J'ai tenu ma promesse. Je suis restée forte, je n'ai pas abandonné et aujourd'hui je suis libre. Je vous écris cette lettre pour vous remercier de m'avoir si chaleureusement réconforté à Telmar il y a presque un an de cela. Vous m'avez apporté un peu d'espoir alors que je commençais à dépérir. Pour cela, je vous suis éternellement reconnaissante. Je tiens également à prendre des nouvelles de vous et savoir comment vous vivez aujourd'hui, puisque le roi Edwin n'est plus. Si le coeur vous en dis, sachez que vous aurez toujours une place à Cair Paravel si vous décidez de venir quelques temps dans nos contrées.
Je pense fort à vous.

Votre dévouée amie,
Susan.

Chère Susan,

J'ai entendu parler de votre retour, et je suis d'autant plus ravi que vous me l'annonciez en personne. Je suis soulagé de vous savoir libérée, en espérant que ces derniers mois ne resteront plus qu'un mauvais souvenir à chasser. Et vous n'avez pas à être reconnaissante. Vous ne devez votre force et votre espoir qu'à vous-même, vous êtes celle qui a survécu face à toutes ces épreuves, celle qui a à présent le courage de se réveiller chaque jour en essayant de reprendre une vie normale. Je sais à quel point cela est difficile, mais je sais aussi que vous réussirez.
J'ai longuement hésité à répondre à votre lettre, c'est pour cela que vous recevrez ma réponse tardivement. Même avec le roi Edwin disparu, je ne peux pas risquer que quelqu'un apprenne notre amitié, ce serait à la fois mauvais pour vous et pour moi. J'espère donc que cette lettre ne tombera pas entre de mauvaises mains ; si vous remarquez qu'elle a déjà été ouverte, je vous en prie, coupez toute correspondance. Pour comprendre en partie, il vous suffira d'aller à Anvard et de regarder les affiches sur la grande place. Les gardes ne m'aiment guère... C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je dois malheureusement refuser votre généreuse offre. Il ne serait pas raisonnable pour moi de venir à Cair Paravel, même sous votre invitation. Mais peut-être me serait-il possible de venir dans les bois où vous m'aviez jadis trouvé, un jour ou l'autre...
J'ose espérer que vous allez bien et que vous me pardonnerez dans le rôle que j'ai pu jouer dans votre emprisonnement ; j'aurais voulu vous libérer, et j'aurais dû.

A.

Cher Ange,

Je me suis dis en effet que je me devais de vous l'annoncer personnellement. J'espère aussi m'en remettre rapidement même si mes premières nuits ne présagent rien de bon. Je ne cesse de voir des images de mon emprisonnement et j'ai encore plus peur pour mes proches qu'avant. Je n'ose en parler à personne car je ne voudrais pas les alarmer mais je vis les choses assez mal. Vous en parlez, ne serait-ce que par lettres me fait du bien. J'insiste vraiment sur le fait que vous m'avez aidé à aller mieux, peut être ne vous en rendez vous pas compte mais ce soir là, je me suis souvenu que des gens comptaient sur moi et m'attendez. Sans votre visite j'aurai certainement abandonné tous espoirs de m'en sortir. J'ai retrouvé cette force dont vous parlez grâce à vous et pour cela je vous dis merci du fond du coeur.
N'ayez crainte, l'oiseau que j'envoie est très intelligent et m'est entièrement dévoué, il préfèrera dévorer la lettre si jamais il se rend compte qu'il est traqué. Nos communications sont sûres avec lui.
Pour ces affiches je vais voir ce que je peux faire car je n'aime pas que vous soyez traqués et l'idée de vous savoir en danger m'effraie beaucoup.
Je serai ravie de cette rencontre en effet, je ne saurai oublier ce lieu. Tenez moi au courant lorsque vous voudrez me voir et je viendrai aussitôt.
Vous n'avez pas besoin de me demander pardon, vous savez que je ne peux vous blâmer dans cette histoire. Vous avez fait assez pour moi ce soir là et pour votre propre bien, vous n'auriez pas pu me libérer. Cessez de vous torturez avec cela mon ami.

Votre dévouée amie,
Susan.

Chère Susan,

Je suis navré que vous ayez toujours à subir une telle torture. J'aurais aimé vous apporter un meilleur soutien. Néanmoins, ne tournez pas le dos à vos proches par peur qu'ils s'inquiètent pour vous. Même s'il n'y a aucun remède pour vos nuits troublées et votre état actuel, ils sauront vous rassurer. Ce n'est pas à moi que vous devez vous confier. Rappelez-vous que vous n'êtes plus seule à présent, et que vous ne le serez plus jamais.
Je vous fais confiance pour cet oiseau dans ce cas, et aussi longtemps que vous en aurez besoin, je répondrai à vos lettres. Pour les affiches, vous n'avez pas besoin de le faire, n'allez pas vous attirer des ennuis par ma faute. Je doute que quiconque aille à ma poursuite pour le moment. En attendant, je reste loin d'Archenland, il n'y a aucune raison pour que je sois en danger.
Vos mots sont bien trop doux à mon égard. J'ai pu vous redonner une lueur d'espoir et transmettre votre lettre à votre frère - du moins, j'espère qu'il l'a bien reçu en mains propres - mais je ne mérite pas tant de gentillesse. Je reste un traître et bien mauvais ami. J'espère seulement avoir l'opportunité de pouvoir me rattraper un jour, si besoin est.
J'espère également que tout ce qu'il vous est arrivé ne perturbera plus votre vie rapidement, et que tout redeviendra comme avant. Qu'en est-il de votre mariage ?

A.

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