Je m'éveillais doucement après une nuit pleine de cauchemars. Mes yeux s'étaient ouverts et je vis un plafond qui ne m'étais pas familier. Cette nuit cauchemardeuse m'avait quelque peu déboussolé et je ne savais plus très bien ou j'étais. C'est alors que mes sens se réveillèrent à leur tour et je remarquais que j'étais dans les bras musclé d'un homme. Je me souvenais alors avec plaisir que j'étais dans les bras de Cor et que j'étais donc dans son palais à Anvard. Je fermais doucement les yeux pour profiter de cet instant comme si cela pouvait être le dernier à ses côtés. Des images de la veille me revinrent alors en tête. J'avais revu Caspian et c'était la première fois depuis que je l'avais vu de mes propres yeux tuer mon bien aimé frère Peter. Cette rencontre m'avais tellement bouleversée que j'en avais fais des cauchemars toute la nuit. Je ne su pas si Cor s'en était rendu compte mais au beau milieu de la nuit il m'avait prise dans ses bras et mon corps s'était arrêté de trembler. J'avais ainsi passé le reste de la nuit dans ses bras, sur son torse nu et jamais je n'aurais pu trouver un meilleur endroit pour dormir. A nouveau j'ouvris doucement les yeux et caressais tendrement son torse musclé avec un léger sourire. Cor était celui qui avait su réparer les blessures de mon cœur et pour cela, jamais je ne pourrais le remercier assez. Il avait su me montrer une autre façon de percevoir la mort de Peter et puis il avait su me redonner confiance en moi et m'avait aidé à relever la tête. Son regard bienveillant s'était posé sur moi comme jamais auparavant et il avait suffit d'un seul regard pour soigner mes blessures profondes. Ses mains douces étaient pour moi un réconfort de tous les jours et ses lèvres étaient vitales et apaisantes. Cor avait été également présent lors de ma rencontre avec Caspian et il m'avait aidé à me contenir. Le soir, nous en avions beaucoup parlé et il ne m'avait même pas montré la moindre once de jalousie, comme si il contenait cela en lui afin de ne pas me blesser. Il n'y avait pas à dire, Cor était vraiment quelqu'un de formidable et jamais je n'aurais pu trouver mieux que lui. Toutefois, revoir Caspian m'avait chamboulé et avait fait remonter des souvenirs enfoui au plus profond de mon être. Aujourd'hui, j'avais besoin de penser à autre chose.

Cor se réveilla à son tour et m'embrassa doucement. Après s'être habillé correctement, nous étions descendu déjeuner ensemble. Je regardais tranquillement Clochette manger une part d'un gâteau à la fraise quand j'eus tout à coup une idée. Il y a quelques temps déjà j'avais rencontré une Élue au coeur pur et faisant le bien qui vivait en Archenland. Elle se prénommait Aaren et elle venait du même monde que moi et ma famille. Nous avions beaucoup discuté toutes les deux, à tel point que j'avais l'impression que mon ancienne vie n'était pas si loin. Elle m'avait raconté beaucoup de ses mésaventures durant la guerre et je lui avais raconté beaucoup de choses sur Narnia et son passé ainsi que notre vie ici. Puis, nous avions continué à nous voir régulièrement et nous nous étions même mise à entrainer ensemble nos pouvoirs afin d'être prête le jour ou il faudrait s'en servir. Ainsi, nous étions devenu proches. Je comptais profiter de mon passage en Archenland pour lui rendre visite à nouveau. Je savais à peu près ou la trouver et je comptais m'y rendre dans la journée. J'en parlais alors avec mon amour et il comprit que cela me ferait du bien de me promener aujourd'hui et d'aller voir une amie, afin de penser à autre chose qu'à la journée de la veille. Il était si bienveillant. Il me fit donc atteler un cheval à la robe marron foncé nommé Éclair et me murmura d'être prudente et de ne pas rentrer trop tard. Je lui fis cette promesse que je scellais d'un doux baisé et d'un jolie sourire avant de partir au galop.

Pour cette balade, je portais une robe longue d'une couleur jaune pâle et par dessus, j'avais mis un long manteau noir à l'intérieur rouge. Je portais une grande capuche, cachant mon visage et me rendant ainsi totalement inconnu. De plus, il fallait que je me protège du froid et de l'éventuelle pluie qui allait s'abattre sur la région. Le temps était menaçant et les nuages gris étaient chargés d'eau. Ils avançaient lentement dans le ciel ce qui signifiait d'autant plus que la pluie allait bientôt tomber. J'étais installé en amazone sur mon cheval et celui-ci s'enfonça dans la forêt après avoir traversé la ville. Durant plusieurs longues minutes, je fus seule dans cette dense forêt et rien ne semblait pouvoir perturber cette tranquillité que vivaient alors les êtres de ce lieu. C'est alors que Clochette, qui était posé sur la crinière du cheval tourna la tête dans une direction. J'arrêtais alors la course du cheval Archenlandais et interrogeais mon amie.


« Que se passe t'il Clo' ? Saurais-tu ou se trouve Aaren ? »

« Oui, je ressens la présence de son Don, Ellio. Elle se trouve par là. »


Suivant la direction de mon amie, je me dirigeais vers l'est, mon cheval allant au pas. C'est alors à travers les arbres que je la vis. Je m'approchais d'elle, toujours encapuchonné, elle ne m'avait certainement pas reconnue. Je stoppais mon cheval à quelque mètres d'elle et descendit avant de relever lentement ma capuche et dévoiler mon visage. Je regardais mon amie en souriant avec bienveillance puis caressait mon cheval avant de m'avancer vers Aaren. Clochette qui volait à côté alla voir Ellio. Tout deux se comprenaient et pouvaient communiquer bien que ni Ellio ni Clochette ne puissent communiquer avec d'autres personnes que leurs élues. J'arrivais près de mon amie Aaren et lui fit une petite référence en guise de salut puis lui adressait la parole de ma douce voix.


« Bonjour Aaren. Comment vas tu en ce jour de grisaille ? Je ne te déranges pas j'espère ? Tu donnes l'impression d'attendre quelqu'un. »


Je plongeais mon regard dans le sien tout en gardant ce jolie sourire sur mon visage. Aaren était devenu une amie précieuse et la voir me faisait extrêmement plaisir.

Aaren flattait pensivement l'encolure de son cheval. Elle pensait à ce qui l'attendait lorsqu'elle s'aventurerait un peu plus loin dans cette forêt. Des heures de frustrations, de rage peut être à force d'échouer. Elle d'un naturel pourtant calme ne pouvait s'empêcher d'être déçue chaque fois qu'elle s'entraînait avec la Reine Susan. Probablement parce qu'elle ne voulait point se ridiculiser devant sa souveraine.
Quelques mètres plus loin, Ellio était perché sur une branche et observait d'un œil attentif son élue. Un regard qui, la plupart du temps, la déstabilisait. Les explications de sa Reine ne lui avaient pas parues simples à comprendre. Ellio n'était point un animal de compagnie, il était un Don, le Don d'Aaren et ils partageraient désormais sa vie. Aaren devait l'accepter.
Les minutes passèrent, jusqu'à ce que les oreilles d'Aaren ne se tendent. Elle entendait un peu plus loin le bruit calme de sabots sur les feuilles mortes et les branches au sol. Cela ne pouvait être que Susan. Cette route était très peu empruntée, et c'était précisément pour cette raison qu'Aaren l'avait choisie. Les deux jeunes femmes seraient ainsi tranquilles tout le temps de leur entraînement.

En voyant arriver le voyageur, Aaren fut prise de doute. Un large capuchon couvrait son visage, mais Aaren reconnut immédiatement la silhouette de Susan. Elle avait revêtit une robe, tandis qu'Aaren avait préféré le confort d'un pantalon. Jamais elle n'avait pu s'habituer à porter des robes aussi longues et aussi lourdes.
Aaren vit la petite lumière vive qu'était Clochette se précipiter sur son propre Don, Ellio. Elle était désormais sûre que la silhouette encapuchonnée était bien la Reine Susan. Elle laissa de côté son cheval pour s'approcher de la reine. Elles se saluèrent d'une révérence, et engagèrent la conversation. « Bonjour Votre Majesté. En réalité, il n'y a personne d'autre que vous que j'attendais, Majesté. Espérons que la pluie ne nous surprenne pas. » Cela faisait plusieurs jours qu'elle n'avait pas revu son amie, et cela la ravissait. Elle eut un grand sourire respectueux avant d'engager la conversation. « Comment allez-vous votre Majesté ? Votre séjour à Anvard vous ravit-il ? »
Aaren retourna vers son cheval, et décida de le prendre par la bride. Inutile de le monter pour faire quelques mètres, autant profiter d'une petite ballade à pied jusqu'à un endroit dégagé. « Il y a une sorte de clairière un peu plus loin, entièrement dégagée. Souhaitez vous que nous nous y rendions ? C'est à quelques minutes de marche. »

En trois ans, Aaren avait appréhender tous les chemins de la forêt jusqu'à en avoir mémoriser certains par cœur. Elle ne s'était jamais aidée de la lumière du soleil, Kælith lui ayant pourtant apprit les rudiments de l'orientation. Elle s'était elle-même perdue dans la forêt à dessein, y allant toujours accompagnée de nourriture et d'eau pour ainsi survivre jusqu'à retourner à Anvard. Et finalement, elle avait réussit à découvrir une ribambelle de petite clairières parfaitement dégagées dans les environs, et surtout inconnues de la plupart des Archelandais. Elle ne seraient pas dérangées.
Pour parvenir à cette fameuse clairière, il leur suffisait de continuer leur chemin sur un passage plutôt boueux. Quelques mètres plus loin, le passage bifurquait à gauche sur un chemin plus dégagé qui les mènerait directement à l'endroit.
Elle ne souhaitait pas forcer la main de Susan, mais cela lui semblait la meilleure alternative. Aaren ignorait si un élu devait garder le secret sur ses capacités, de peur d'attiser les convoitises ou d'être rejeté, ou si au contraire, il devait s'y exposer. Rapidement, Susan lui avait expliquer les deux camps à Narnia, et déjà, Aaren avait choisi le sien. Il lui serait insurmontable de trahir les Pevensie, même en étant amie avec Edwin Peterson, roi de Telmar.
La jeune fille avait tout de suite sentit peser sur ses épaules une lourde responsabilité. Elle pouvait influer sur la balance de l'équilibre, faire gagner le Bien ou faire triompher le Mal.

« Ou nous pouvons tout à fait retourner à Anvard et attendre que le temps ne se calme. » Comme pour appuyer ses paroles, le vent sembla souffler plus fort. Le tonnerre n'était pas encore arrivé, et Aaren priait en son fort intérieur pour qu'il ne gronde pas, ou du moins, pas encore. Elle souhaitait encore s'entraîner, mais ne refuserait pas une tranquille balade en ville le temps que le mauvais temps ne s'éloigne. Elles pourraient revenir par la suite dans la forêt. Il était encore tôt en réalité, l'après midi venait tout juste de commencer. Aaren n'avait prit qu'une simple gourde avec elle, mais si elles retournaient au village, il est très probable que la jeune femme n'offre un encas à la reine sur le coup des quatre heures.
Cependant, retourner à Anvard signifiait remonter à cheval. Bien que ceci n'était pas pour déplaire Aaren, loin de là, elle se demandait juste si le sien sera en forme. La vieille monture avait jadis appartenu aux parents de Kælith et l'âge l'avait rattrapé. Celui de sa reine semblait lui en pleine forme, et la selle d'une qualité bien supérieure à celle d'Aaren, dont le cuir rapé et les sangles presque déchirées menaçaient de tomber en miettes.
Dans les deux cas, le seul fait d'être en compagnie de son amie la ravissait. Cela lui changeait les idées, elle qui se morfondait de ne pas pouvoir bouger d'Anvard. Kælith était très attachée à Hjelrim, si bien qu'Aaren prévoyait de la quitter pour une semaine et de partir voir quelques amis à Narnia. Elle pourrait y rejoindre Susan et rencontrer le reste de la famille Pevensie qui plus est.

Derrière elle, elle sentit Ellio s'agiter. C'était comme s'il pressentait l'orage, mais Aaren était pratiquement sûre qu'il n'en éclaterait pas. Elle caressa son cheval et fit signe à l'aigle de se poser sur son bras, ce que l'animal fit sans se faire prier. Elle ne sut pas si Clochette l'avait rejoint car les deux Dons pouvaient communiquer ensemble sans que leurs élues n'en sachent rien. Ils s'étaient très certainement salués et avaient parlé de la pluie et du beau temps. Aaren savait cependant que Clochette et Susan se comprenaient. Mais la jeune femme était tellement effrayée par l'aigle qu'elle n'avait jamais osé commencer une conversation.
La plupart du temps, il glissait quelques phrases lorsqu'elle consentait à ce qu'il approche. Il adoptait toujours un ton indifférent, mais poli et respectueux.
Aaren flatta de nouveau l'encolure de son cheval, avant de replonger son regard dans celui de sa souveraine.

Aaren me salua par une révérence polie et regarda Clochette parlant avec Ellio. Elle s'adressa alors à moi et m'indiqua qu'elle n'attendait que moi. Cette rencontre semblait être le fruit du hasard, toutefois, nous nous attendions toutes les deux et c'était comme si le destin nous avait réuni une fois de plus. Peut être pour leur prochain entrainements pourriez nous peut être nous envoyer une lettre afin de choisir un jour précis. Je n'osais imaginer depuis combien de temps mon amie attendait dans cette forêt mais visiblement, par son sourire je vis qu'elle était ravie de me revoir, tout comme moi. Aaren était vraiment une fille bien, nous nous entrainions souvent ensemble et je savais qu'elle saurait représenter le bien dans toute sa puissance, comme moi. Elle engagea ensuite la conversation et me demanda comment se passait mon séjour à Anvard.

Cette question me fit réfléchir. Disons que j'étais arrivé seulement la veille et que je pensais passer quelques jours tranquille. Tout du moins, c'est ce que je croyais. J'eus le temps de passer quelques heures avec Cor, seul à seule, avant de voir arriver Soren. Son geste m'avais fort agréablement surprise car j'appris plus tard qu'il était venu s'excuser de son comportement passé auprès du roi archenlandais. Cor s'était lui même excusé et tout semblait être revenu pour le mieux. En plus d'être de récents alliés, Cor et Soren étaient maintenant devenus de vrais amis. J'espérais que cela dure le plus longtemps possible. Si la journée d'hier s'était arrêté la dessus, je crois que j'aurais pu aisément dire à Aaren que mon séjour se passait pour le mieux. Toutefois, ce n'était pas vraiment le cas. En effet, dans l'après-midi, j'avais revu Caspian. Je ne l'avais pas revu depuis que mon regard avait croisé le sien alors qu'il était en train de tuer Peter. Cette rencontre m'avait bouleversé, surtout que j'avais en plus appris qu'il était lui même un Elu mais qu'il représentait le mal. Il était donc aujourd'hui, plus que jamais, mon ennemi. J'avais encore du mal à m'habituer à cette situation. Quand ces souvenirs me revinrent en tête, je baissais la tête et perdais doucement mon sourire. Toutefois, quand je vis le regard intense d'Aaren posé sur moi, je lui adressais un petit sourire timide avant de lui répondre sincèrement.


« Disons que … J'ai fais une rencontre assez troublante et qui m'a perturbée … Mais aujourd'hui est un autre jour. Nous devons nous entrainer, c'est pourquoi je suis ici, avec toi. Ainsi, je te suis, puisque tu connais ses bois comme personne. Nous verrons comment le temps évolue, pour l'heure rien ne presse. »


J'avais ainsi était très honnête avec mon amie, bien que je ne lui avais rien révélée de plus. D'ailleurs, peut être même avait-elle entendu parler de ma rencontre avec Caspian car elle avait été loin de passer inaperçu puisqu'elle s'était déroulée tout près du marché de la ville. Libre à elle maintenant de me poser plus de questions ou pas la dessus. Je n'aimais pas mentir à mes amis et je lui répondrais en toute franchise si elle venait à me poser des questions la dessus. Pour l'heure, j'avais besoin de penser à autre chose.

Aaren était descendu de son cheval et lui tenait la bride pour le guider à travers la forêt. Je fis de même, caressant au passage l'encolure de mon cheval. Je marchais tout près de mon amie en souriant doucement. Ellio avait rejoint Aaren et s'était posé sur son bras. J'observais alors son attitude avec son Don. Depuis le début mon amie m'avais bien fait comprendre que cette situation l'effrayais beaucoup puisqu'elle avait aujourd'hui d'énormes responsabilités sur le dos. De plus, elle ne savait pas comment s'y prendre avec son Don et elle en avait même un peu peur. J'avais beaucoup discuté de cette situation avec Clochette et cette dernière m'avais appris qu'un Don et son Elu ne doivent faire qu'un pour pouvoir devenir puissants. Si l'Elu ne croyait pas en son Don, ce dernier ne pourrait rien lui apprendre et finirait même par disparaitre. Il était donc capital qu'Aaren apprenne à mieux connaître son Don et à lui faire confiance. Je posais mon regard sur elle. C'était la leçon du jour que j'allais lui apprendre.

Je tournais alors doucement la tête pour apercevoir une magnifique clairière. Je souriais devant ce lieu très beau et laissais mon cheval s'abreuver dans l'eau pure d'un petit ruisseau. Clochette me rejoint, volant près de mon épaule. Je l'interrogeais du regard pour savoir si, en parlant avec Ellio, elle avait appris de nouvelles choses.


« Aaren à toujours peur de son Don. Susan, tu dois lui apprendre à faire confiance en Ellio, ses pouvoirs n'en seront que plus grands. »


Je lui souris en inclinant la tête puis me tournais vers mon amie archenlandaise.


« Aaren, l'entrainement d'aujourd'hui va être assez particulier. Il va te falloir apprendre à communiquer avec Ellio et arriver à surmonter ta peur. Un Elu et son Don se doivent de ne faire qu'un Aaren. Plus leur lien est fort, et plus leurs pouvoirs sont puissants. Tu ne pas avoir peur de lui, Ellio n'est là que pour ton bien. Tu es une élue d'Aslan Aaren, il t'a confié une mission, celle de veiller sur Narnia en utilisant tes pouvoirs pour faire le bien. Ton Don à été choisi pour te guider dans cette voix. Apprends à lui faire confiance, laisse le te guider et t'apprendre. »


Je plongeais mon regard aux iris azur dans ses yeux tout en souriant avec bienveillance. Elle devait maintenant apprendre de nouvelles choses, pas seulement des pouvoirs, mais elle devait aujourd'hui apprendre à ne faire qu'un avec Ellio. Elle trouverait seule la façon dont il fallait s'y prendre, je n'avais pas le droit de lui expliquer, il fallait qu'elle le ressente toute seule, au fond de son coeur.

Aaren préféra ne pas relever ce qu'avait dit sa souveraine. Elle avait l'air fatiguée, avec une pointe de surprise et d'hésitation. Si Susan souhaitait réellement se confier à la jeune femme, nul doute qu'elle le ferait. Aaren ne souhaitait pas lui forcer la main. D'ailleurs, elle se doutait de quelque chose. Il était très probable que les récents évènements politiques aient conduit Susan à revoir l'assassin présumé de son grand frère, le Grand Roi Peter mais Aaren préférait en parler à Kælith avant de faire des suppositions probablement fausses.
Elle ne releva donc pas et prit la tête du petit groupe. Ses pas la guidèrent d'eux même à la petite clairière où une douce lumière filtrait des arbres. Il semblerait que les mauvais nuages s'étaient un peu dissipés. Susan laissa son cheval aux bons soins du petits ruisseau tandis qu'Aaren préféra le guider jusqu'à une branche basse où elle noua les rênes. Sa monture n'était pas extrêmement bien dressée et manquait quelque peu de discipline...
Ellio avait quitté son avant bras pour se poser sur la monture. Cette dernière s'ébroua et Aaren dut la calmer en flattant son encolure. Elle n'avait jamais été rassurée en présence de ce que Susan appelait « Don » et c'était un peu le cas de tout le monde. La rumeur d'un aigle survolant la demeure de Kælith avait fait son chemin, s'insinuant dans les pensées. À plusieurs reprises, les curieuses mégères s'approchaient de la jeune femme pour lui poser encore et toujours la même question : « Qu'était-ce donc que cet animal qui planait nuit et jour sur Hjelrim ? ». Avant qu'elle ne rencontre Susan, Aaren était totalement incapable de répondre et se contentait de détourner poliment la conversation.

Aaren avisa un petit rocher plus loin. Elle dénoua les fils qui retenaient sa courte cape et déposa celle-ci sur le caillou. Elle se tourna finalement vers Susan, fixant d'un air plutôt inquiet les prunelles marrons de sa souveraine. À chaque rencontre, Aaren laissait à Susan le choix de l'entraînement. Elles pouvaient très bien apprendre à maîtriser leur capacités, ou même apprendre à se familiariser avec les éléments qu'elles contrôlaient. Mais jamais Susan ne lui avait proposer cette épreuve.
Le cœur de la jeune femme fit un bond. Aussitôt, elle s'en voulut terriblement. Elle n'était plus la petite fille immature qu'elle avait un jour été. Elle était Aaren, l'archelandaise douce et taciturne dont les conseils étaient souvent primés dans la boutique dans laquelle elle travaillait. Pourquoi rejetait-elle sa propre nature ? Elle était une Elue et il était de sa responsabilité de répandre le Bien partout en terre de Narnia, à commencer par avouer les derniers évènements à Kælith.

La jeune femme tourna la tête pour apercevoir Ellio qui se posait sur une branche basse plus loin, la fixant de ses grandes prunelles. Elle y sentit une certaine fierté, une ombre de satisfaction qui se profilait sur ses traits. La mine de la jeune femme s'assombrit. Elle ressentit une certaine colère, tout de suite remplacé par de l'amusement. Mais elle n'osa pas le montrer, de peur de contenter encore plus son Don.
Affirmer qu'elle ne redoutait pas cette séance serait mentir. Elle ne souhaitait pas vraiment être associée à son Don. Elle se contentait juste de l'ignorer, de lui laisser la possibilité de planer au dessus de sa tête continuellement et de ne jamais se mêler de ses habitudes ou mode de vie. Mais la Reine était claire, précise : Aaren devait surmonter ses appréhensions et se lier avec Ellio. « Bien, Votre Altesse. » se contenta-t-elle de dire avant d'acquiescer de la tête. Susan et Clochette étaient comme fusionnelles, pourquoi Aaren ne le serait-elle pas avec Ellio ?

Soudainement, une ribambelle de questions fusèrent dans sa tête. Aaren n'avait jamais communiqué avec Ellio. Elle ne savait même pas s'il était doué de parole, ou si il avait lui même des pouvoirs. À quoi servait-il ? Etait-il une simple apparition, une force spirituelle créée de toute pièce par le Grand Lion, ou tout simplement un animal autrefois sauvage, contraint par le Roi de Narnia de suivre une pauvre demoiselle perdue en Archeland ? Aaren n'était elle-même pas persuadée que Susan possédait les réponses à ses questions et elle préféra s'abstenir de les poser. Peut être que Susan débuterait cette séance en commençant par lui expliquer ce qu'était réellement Ellio.
Aaren fit un signe à ce dernier, et c'est avec retenue qu'elle tendit le bras en sa direction. Le lourd animal vint serrer entre ses griffes le bras frêle de son Élue. Il était plus léger qu'elle ne le pensait, et elle se permit de caresser ses douces plumes marrons. Elle se surprit elle même, l'animal ne semblait finalement pas si terrible que ça.
Elle se tourna vers sa souveraine. « Je suis prête. » fit-elle avec un petit sourire. Il fallait de toute façon, commencer quelque part.