Je me tenais debout au bord d'une falaise. Cela faisait près d'une heure que j'y étais, et j'avais à peine bougé. J'avais traversé toute une partie de la forêt, donc plusieurs kilomètres, pendant de longues heures, et j'y étais à présent. Seul, sans rien avec moi... Non, je n'avais aucune intention de tenter un saut dans le vide, je ne tenais à mourir dans de telles conditions. Mais ce que personne ne sait réellement, c'est que la seule chose dont je suis réellement proche, est la nature. Les hommes ne valent rien comparés à toute cette population si nombreuse, et pourtant tellement inconnue de tout le monde... J'avais fini par prendre conscience de cela, à force de vivre entouré d'une forêt. J'avais fait un certain nombre de choix dans ma vie, et parfois, je n'avais rien choisi, mais je ne pouvais pas revenir en arrière de toute manière. Les choix que j'avais fait, je les assumais pleinement. Le reste était encore à voir...

En une heure, je n'avais fait qu'observer ce que je pouvais. J'avais l'impression que ma vue se dégradait un peu plus qu'avant, mais peu importe, ce devait juste être les poussières et le pollen des fleurs. Nous étions au printemps après tout. C'était précisément pour cette raison que j'étais venu à cet endroit là. J'étais à la fois seul, et entouré de tout un monde inconnu. J'en profitais également pour réfléchir, vider ma tête de pensées parasites, de repartir sur une bonne base. Si je ne faisais pas ça, je laissais tout mon argent en alcool et me coulais seul dans un bar, ou chez moi. C'était dur de résister à la tentation de laisser tous ses problèmes de côté pendant un bon moment, et d'en profiter à sa manière. Mais je ne voulais pas détruire ma vie plus que je ne le faisais déjà, je n'avais pas le droit. J'avais laissé beaucoup trop de choses prendre le dessus et changer tout mon futur.

Je restai une heure de plus, allongé au bord de la falaise, les jambes pendant dans le vide, les yeux fermés, à écouter le silence de la nature tout en vidant mon esprit. Malgré la fatigue que j'éprouvais dans mes muscles après la longue marche que j'avais effectué, je dus me relever, et reprendre le chemin. Toutefois, je n'allai pas totalement dans la même direction. J'avais aperçu, à l'aller, des fumées assez dispersées, et des traces assez récentes de pas d'hommes et de chevaux, ce qui m'indiquait qu'un village était proche d'ici. Je ne connaissais pas cet endroit, du moins je le pensais, mais peu importe. J'avais besoin de me relaxer autre part à présent, mais moins longtemps. Au cas où, je mis la main sur le pommeau de la longue dague qui était rangée dans un étui, accroché à ma ceinture. Je revins donc sur mes anciens pas, et revis les indices que j'avais remarqué avant. Plus vite que je ne le pensais, je quittai la forêt et me retrouvai devant de modestes maisons.

Je me mis en route pour une auberge qui servirait un peu d'alcool, peut-être de la bière, ou même du vin. Enfin..le vin était assez cher, et il valait mieux que je n'en aille pas à ce point. Je me rendis vite compte que ce village était comme la plupart des villages archelandais, et que je n'aurais aucun mal à trouver mes repères. Et d'ailleurs, j'étais sûrement au centre, il ne me restait qu'à aller là où je voulais. Je dus passer entre une file de femmes qui attendaient pour faire leurs achats quotidiens, qui protestèrent. Je ne dis rien, et quittai rapidement cette queue infernale. A partir de là, j'eus droit à un regard peu discret de la part d'une jeune fille d'une quinzaine d'années, ainsi qu'à l'expression mal intentionnée d'un homme plus âgé, à ses côtés. Etait-ce son père, ou son mari, je n'en avais aucune idée, et je m'en moquais éperdument. Je fus surpris lorsqu'une petite fille, qui n'avait guère plus de dix ans, me fixa à son tour. Je passai devant elle en l'observant, mais continuai mon chemin. Du moins, jusqu'au moment où je sentis une présence derrière moi, et vis la même gamine la bouche ouverte.

« Va donc rejoindre tes parents, on ne t'a donc jamais appris à ne pas parler aux inconnus ? » dis-je en la coupant.

Je fixai, incrédule, la petite fille. Mais qu'est ce que c'était cette histoire ? Était-elle amnésique ? Ou seulement étrangère d'Archeland ? Une gamine orpheline n'était pas une surprise, bien que plusieurs mois se soient écoulés depuis la guerre. En principe, je m'en serais moqué, ou j'aurais conseillé à cette étrangère d'aller voir quelqu'un d'autre, mais cette fois-ci, son regard plein de pitié m'obligeait à rester pour l'aider. Je ne pus résister lorsqu'elle me dit son prénom, et voulut connaître le mien. Elle comptait vraiment sur moi... Je regardai autour de moi afin de chercher moi-même de l'aide, mais à part cette file de femmes n'étant là que pour leurs courses, il n'y avait rien. Soupirant assez fort, je posai à nouveau mon regard sur la petite fille qui venait de s'assoir au sol, les yeux fixés sur quelque chose que je ne voyais pas.

« Je m'appelle Ange » dis-je machinalement.

Je ne dis plus rien jusqu'à ce que l'étrangère se relève, et monte avec grâce et rapidité sur un petit rocher, en face de l'endroit où elle était initialement. Quelques secondes plus tard, elle me demanda à nouveau où nous étions, ajoutant que c'était beaucoup plus différent de là où elle vivait. Mais où vivait-elle, justement ? Avant même que je n'ai pu ouvrir la bouche, la petite bougea à nouveau, allant cette fois dans l'un des rares arbres qui se trouvaient dans le village. D'ailleurs, cet endroit était plus grand que je ne le pensais, en vérité. Mais cela restait un simple village, comme tant d'autres en Archeland, rien de plus. Le village qui se trouvait près de là où j'habitais était très peu différent de celui-là. Je revins au présent lorsque la gamine sauta de son arbre et me demanda à nouveau comment s'appelait l'endroit où nous étions.

« Nous sommes en Archeland, pays qui s'étend de la mer jusqu'à la Grande Forêt du l'ouest, et qui est traversé par les montagnes que tu vois là-bas. » lui dis-je en désignant les pointes de certains monts qui dépassaient de la forêt.

J'aurais pu continuer en rajoutant qu'il y avait au Nord les grandes terres de Narnia, et qu'au sud se trouvait un désert immense, infranchissable, après lequel il y avait le gigantesque et barbare pays de Calormen. Mais j'avais vu auparavant le regard perplexe de la petite fille. Amnésie, c'était obligé. Peut-être avait-elle été enlevée, et s'était retrouvée ici sans rien savoir. A cet âge là, elle aurait du pouvoir se débrouiller un minimum, et surtout connaître les principaux pays. A moins qu'elle vienne d'une terre lointaine. C'est alors que je me remémorai les paroles qu'elle avait dites plus tôt. « Ou venez-vous comme moi de Londres ? » Je n'avais pas spécialement réagi, mais à présent que j'en prenais conscience...

« Dis-moi, où se trouve Londres ? Tu ne connais pas l'endroit où tu te trouves, mais je ne connais pas non plus ce pays ou ce village que tu m'as cité. »

Avant qu'elle ne réponde, je m'assis sur un rocher plus gros qui était à côté de celui où la petite fille s'était mise peu de temps avant. Je l'écoutai donc, essayant de comprendre à mon tour. Dans quel pétrin je m'étais mis encore ? Non, en fait, je n'avais rien demandé cette fois-ci, c'était elle qui était venue toute seule ! A tous les coups, j'allais devoir en payer les conséquences. Si elle me demandait de la garder avec moi, ça serait le comble. De toute manière, c'était hors de question, je ne pouvais pas me permettre de lui faire faire toute la marche jusqu'à chez moi, et surtout la faire rentrer. Non non, elle trouvera quelqu'un d'autre, mais sûrement pas moi pour ça.

« Que voulais-tu dire par "plus magique" tout à l'heure ? »

Je ne savais pas pourquoi, mais j'avais l'impression que si je demandais plus tard à quelqu'un d'autre s'il connaissait un endroit nommé "Londres", je passerais pour un fou. Ce que me dit Lou, peu après, à propos de ce lieu, me rendit plus perplexe que je ne l'étais. Elle ne comprenait pas où elle était, et ce qui lui était arrivée, tandis que je ne saisissais pas grand chose de ce qu'elle disait, et ne pouvais pas tellement l'aider. Je restai un instant sur la partie où elle dit qu'à "Londres", les gens ne l'auraient pas écouté comme je le faisais. Pourtant, c'est ce que je faisais d'habitude... Mais j'avais beau ne pas aimer les enfants, voir un orphelin miséreux dans les rues me remplissait toujours de pitié, et je savais que je ne pouvais rien pour lui. Certains savaient se débrouiller comme ils le pouvaient, en volant tout en étant assez agiles pour échapper aux commerçants ou même aux gardes. D'autres finissaient morts contre des maisons, dans des rues rarement empruntées...

Je perçus un changement d'expression rapide chez Lou. C'était normal après tout. Elle ne savait pas où elle se trouvait, elle ne comprenait pas grand chose, et ne connaissait personne. J'étais persuadé tout de même que quelqu'un d'autre l'aurait aidé, si je n'avais pas été là à ce moment précis. Je devais l'avouer, cette gamine me fendait le cœur... Je ne pouvais la laisser là, sans l'aider. Lorsqu'elle me demanda si j'habitais ici, en mentionnant sans doute le village où nous nous trouvions, j'eus une grande hésitation. Me posait-elle cette question pour ensuite me supplier de l'emmener chez moi ? Oh non, il en était hors de question ! Je ferais mieux de trouver une solution, et vite. En attendant, c'était un peu dur de réfléchir avec une fillette qui sautille dans tous les sens. Autant aller plus loin dans ce village que je ne connaissais pas vraiment, ça serait sans doute mieux.

« Non, je vis dans un village plus loin, un peu plus grand que celui-ci. Et appelle-moi simplement Ange » ajoutai-je avec un sourire.

C'est alors qu'une idée me vint. J'avais eu envie de rajouter "entre les montagnes du Nord, près de la frontière entre Narnia et Archeland", mais cela n'aurait avancé en rien les idées de la petite fille. Toutefois, le village près duquel j'habitais se trouvait à quelques lieues d'Anvard. A tous les coups, je trouverais de l'aide là-bas, ou du moins quelqu'un à qui confier la gamine. Sauf qu'en attendant...nous étions assez loin, et si moi je pouvais parcourir une longue distance autant de jour que de nuit, ce ne serait pas le cas de Lou. Peut-être pouvais-je me permettre de payer une chambre dans une auberge, y rester une nuit avec elle, et aller vers Anvard le lendemain, en la portant si nécessaire. Le voyage serait, bien entendu, plus long que si je l'avais fait moi-même. Mais quand même..depuis quand étais-je le sauveur des orphelins ? Je me convins moi-même de ne faire cela que pour Lou, et que personne d'autre ne bénéficierait de mon aide autrement.

« Bien, écoute moi Lou : je pense avoir trouver un moyen de t'aider, mais il va falloir que tu me suives et que tu m'obéisses, quoi qu'il arrive, c'est entendu ? » Je m'empêchai de grimacer devant mon "autorité". Je pris la main de la fillette en hésitant un peu, puis lui fis signe de me suivre. « Raconte moi depuis combien de temps tu es ici, et comment tu es arrivée jusqu'à ce village. »

Pendant le temps qu'elle me dise ce qui lui était arrivé, assez rapidement, nous avions atteint une auberge qui semblait assez bien - et qui me couterait beaucoup, évidemment. Je soupirai, regardai un instant Lou en silence, puis serrai encore plus sa main en entrant dans la pièce. Je préférais me méfier, connaissant bien sûr ce genre d'endroits. Quand on était seuls, il n'y avait pas trop de problème, mais à deux, surtout avec une fillette... J'espérais qu'elle ne veuille pas aller dans tous les coins. Je me dirigeai vers le comptoir où se trouvait le gérant, ou son assistant, peu importe, et demandai une chambre. N'ayant pas l'intention de payer plus que nécessaire, je précisai une chambre pour une personne, au lieu de deux. Tant pis si je devais me sacrifier pour dormir sur le sol. Je déposai l'argent demandé sur le comptoir et remerciai l'homme. Avant de me diriger vers les escaliers conduisant aux chambres, je baissai le regard vers Lou.

« Est-ce que tu as faim ? »

Comme je m'en doutais, c'était le cas. Une fillette, qui a une simple faim, dira évidemment qu'elle veut manger. Je donnai donc un peu plus d'argent pour avoir du pain, c'était le minimum. Je remerciai à nouveau le gérant ou l'assistant, et partis donc vers les escaliers, pour aller dans la chambre qui nous était attribuée. J'ouvris la porte, et lâchai la main de Lou afin qu'elle entre et regarde à sa guise.

Pendant le temps que nous mettions pour trouver une auberge, Lou me dit qu'elle était ici depuis plusieurs heures, par la forêt visiblement. Archeland étant un pays constitué en majorité de montagnes et de bois, ce n'était pas étonnant. Mais...cela ne m'aidait toujours pas à essayer de comprendre d'où venait cette gamine. Elle m'avait dit le nom d'un endroit qui m'était inconnu, son accent ne ressemblait en rien à ceux que j'avais pu entendre dans ma vie, à part peut-être celui des narniens, ses vêtements semblaient étranges, différents, mais surtout...modernes. Sa manière même de s'exprimer n'était pas celle que les jeunes filles de son âge apprennent, j'en étais persuadé. Pas de parents, donc personne pour m'éclairer. J'étais réellement mal, et m'étais mis dans un gros problème qui serait, à tous les coups, long à résoudre. Sauf si je trouvais de l'aide à Anvard, où il devait probablement y avoir un orphelinat ou quelque chose dans le genre.

Lorsque nous arrivâmes dans la chambre nous étant destinée, Lou regarda rapidement à quoi ressemblait la pièce, puis se précipita à la fenêtre en me priant de venir. J'avançai lentement vers elle et compris très vite son admiration. L'auberge et la chambre avaient beau être misérables et miteux, l'ensemble donnait sur la forêt dense qui entourait le village dans lequel nous étions. Pour quelqu'un qui venait d'arriver et de découvrir ce pays, c'était sûrement normal. Quelques années plus tôt, je me rappelais que j'imaginais tout ce monde. J'imaginais que si je montais sur le sommet du plus grand arbre, je pourrais voir d'un côté Narnia, l'océan à ma droite, des montagnes et des traces de Telmar à gauche, et au fin fond les terres désertes, du nord ; d'un autre côté, je pourrais admirer les sables du grand désert, l'étendue des terres Calormènes, la mer à ma gauche, ainsi que les petites iles. Et je pourrais surtout observer Archeland de toute part.

« Tu as encore beaucoup à voir... Partout dans ce monde se trouvent des merveilles. Plusieurs lieux sont connus et vus par la plupart des gens. Mais je pense que...si tu promènes, par exemple dans cette forêt, que tu cherches longuement quelque chose de magnifique, tu trouveras alors la plus belle des beautés, à tes yeux. »

Mélancolique ? Peut-être. J'avais dit ces quelques paroles lentement, en fixant le haut des sapins et des pins que je pouvais apercevoir. Si j'avais donné ce conseil à Lou, sans vraiment savoir si elle comprendrait, c'est parce que je cherchais régulièrement à découvrir des endroits magnifiques. Des lieux réellement anciens, remplis de magie. Ces endroits étaient devenus rares au fil de l'histoire, puisque la magie avait été en partie détruites, par les guerres et les colonisations. Il m'arrivait parfois de trouver des clairières, des sources de rivière, des cascades, où on sentait qu'il y avait eu quelque chose, ici. Des endroits où l'on devinait une histoire, un moment historique, quelque chose de fort. Voilà ce qu'était la magie, pour moi. Peut-être sentais-je cela puisque j'étais moi-même un être magique, en quelque sorte. Une créature parmi les humains, du moins les soirs de pleine lune.

« Tu as déjà vu des paysages que tu admirais, comme celui-ci, Lou ? »

Je notai un détail qui entrait dans les éléments de la beauté du spectacle : le coucher du soleil. Certes, il était presque à la fin, et il me semblait que dans quelques minutes, nous ne pourrions plus le voir. Et la nuit arriverait alors très vite. Dans quelques heures, il faudrait que nous partions, histoire de ne pas passer la journée complète à cheminer à travers Archeland. Je soupirai en continuant de regarder d'un regard vide le ciel parsemé de quelques nuages, dont la couleur était nuancée par le coucher de soleil. Cela faisait longtemps que je n'étais pas allé à Anvard. J'avais pris l'habitude de ne pas aller jusque là pour acheter le nécessaire. Mais j'allais faire une chose pour la première fois : j'allais peut-être entrer au palais royal. Je savais que Lou avait des chances d'être mieux traitée là-bas, et qu'elle trouverait son bonheur en quelqu'un qui pourrait l'aider.

« Bon, allez, il vaut mieux que tu ailles dormir, tu dois être bien fatiguée après cette longue journée. »

Je tournai la tête vers Lou avec un léger sourire, puis vers l'intérieur de la chambre, où il n'y avait qu'un lit unique. Peu importe si je devais dormir au sol, je sentais que je n'allais pas beaucoup dormir, car je m'inquiéterais pour Lou et pour ce qu'elle pourrait faire.

Lou m’écouta et partit donc dormir. Elle était toute émerveillée de ce qu’elle voyait, c’était beau. Elle n’était qu’une enfant, petite, sage, innocente. J’en oubliais presque mes soucis avec elle, à ce moment précis. Elle se mit sur le lit, me regardant un long moment. Je ne brisai pas le long silence qui suivit, tout simplement parce qu’il n’y avait rien à dire. Je m’approchai seulement de Lou en hésitant un peu, puis m’accroupis près du lit lorsqu’elle me demanda où nous irions le lendemain. Je m’apprêtai à lui répondre le plus simplement possible, mais elle s’allongea et s’endormit instantanément lorsqu’elle ferma les yeux. Elle n’avait pas réellement besoin de savoir où nous allions, tant qu’elle y serait en sécurité… Je m’assis sur le sol, et mis mon dos contre le mur, en observant cette petite fille.

Je m’assoupis à plusieurs reprises, mais jamais bien longtemps. Je me réveillais à chaque fois que Lou bougeait un peu ; j’avais le sommeil léger, et le moindre bruit m’alarmait. J’avais toujours été comme ça, bien que cette particularité s’était amplifiée au cours des dernières années. Le danger était partout, il fallait bien tout surveiller pour survivre, non ? Je vivais quand même dans un pays contrôlé par une alliance maléfique de deux royaumes ! Et puis, j’étais devenu méfiant depuis ma transformation en loup-garou. Je n’étais plus aussi naïf à croire les contes de fées sur les forêts. Elles étaient peuplées de créatures, certaines assoiffées de sang. J’étais bien placé pour le savoir… De plus, j’avais de nouvelles perceptions, étrangement. Je voyais un peu mieux qu’auparavant, mon ouïe s’était améliorée, j’avais plus de force et de souplesse, et même mon nez sentait plus facilement les différentes odeurs qui parcouraient l’air.

L’auberge n’ayant pas de volets, le soleil entra dans la chambre dès l’aube. Et pourtant, Lou dormait toujours aussi profondément. Pour ma part, je me levais toujours avant que les rayons lumineux percent le ciel infini. J’attendis qu’il soit environ huit heures pour réveiller la fillette. Je m’assis sur le lit, à côté d’elle, et la secouait très légèrement. Elle finit par ouvrir très lentement les yeux, et attrapa l’oreiller pour le mettre sur sa tête. En riant, je lui enlevai lentement. Elle devait encore être bien fatiguée, elle était jeune après tout. Je me demandais d’ailleurs quel âge elle avait. Bah, j’avais un long chemin jusqu’à Anvard, j’aurais le temps de lui poser la question. Le temps qu’elle se réveille, je descendis dans l’auberge afin de payer du pain et de la confiture pour Lou. Lorsque je remontai, elle était assise sur le lit, les yeux encore à moitié endormis.

« Et voilà pour toi, ma belle. Tu dois avoir faim, je dois avouer que je ne t’ai pas donné beaucoup à manger hier. Tu as bien dormi ? »

Pendant qu’elle me répondait, je lui tendis son petit-déjeuner et m’éloignai un peu pour récupérer les affaires que j’avais laissé un peu plus loin. En quelques minutes, Lou finit de manger la nourriture, comme quoi je ne m’étais pas trompé en pensant qu’elle avait faim. Ceci permit de la faire se réveiller complètement, et très vite, elle retrouva la même énergie que la veille, ce qui me fit sourire. C’était dingue comme une gamine pouvait changer mon humeur comme ça… Je ne m’étais pas attachée à elle, quand même ? Mais elle était si adorable, après tout. Je revins vers elle, arrangeai sa tenue étant composée d’une sorte de haut que portaient généralement les hommes, et d’une espèce de jupon lui arrivant aux genoux. Mais d’où elle venait pour porter ce genre de vêtements ?!

« Il va falloir qu’on y aille. La route est être assez longue ; si tu es fatiguée, il faudra que tu me le dises, je comprendrai, n'aie aucune craite. Hier, tu m’avais demandé où je t’emmenais. Notre destination va être Anvard, la capitale du pays où nous nous trouvons. Je pense pouvoir t’aider en t’emmenant là-bas. »

Après ces quelques explications, je lui fis signe de me suivre, et quittai la chambre en veillant à ce qu’elle soit près de moi. Nous sortîmes de l’auberge, et nous retrouvâmes mêlés à la foule des habitants du village où nous étions. Chacun venait faire le marché de bon matin, bien évidemment. Je saisis la main de Lou afin de ne pas la perdre. Après une dizaine de minutes d’efforts pour trouver la sortie, nous fûmes en dehors du village, et il y avait beaucoup moins de monde. Je regardai longuement la forêt nous surplombant, puis me tournai vers Lou. Vu comme ceci, la forêt n’avait plus vraiment l’air d’un paysage magnifique… Du moins, de mon point de vue, avec ce que je connaissais. Les bois n’étaient pas innocents. Il suffisait d’une erreur pour être blessé, ou pire…

« J’aimerais que tu restes près de moi, pour ta sécurité. Je ne voudrais pas que tu te perdes. Tu peux observer la forêt si tu le souhaites, mais juste…ne t’éloigne pas. Tu as compris ? »