-Dis, Eustache, tu ne trouves pas que ces crevettes ont l'air plus grises que roses ? Demanda Mallory en désignant un bol de crustacés malodorants en face d'elle, sur le buffet.
Pour toute réponse, elle vit le pauvre Eustache virer au vert et s'élancer à toute vitesse en direction des latrines, certainement victime de ces maléfiques crevettes. Inquiète quant à sa propre santé et à celle de son ami, elle s'empressa de reposer la chose dans le récipient et le recouvrit d'une étoffe violette vraiment affreuse qui trainait sur la table, de manière à ce que personne d'autre n'aille s'intoxiquer. Alors qu'elle était plongée dans la solitude la plus profonde, une grande question lui vint à l'esprit : c'était quoi ce truc violet ?
Elle pensa d'abord à un torchon mais en réfléchissant bien, on n'avait jamais vu un torchon en soie couleur aubergine. Peut-être un mouchoir alors ? Mais qui pouvait avoir un mouchoir aussi horrible ? La réponse était plus proche que Mallory ne le pensait, et elle sentait très fort l'alcool.
-Hé, salut l'ami ! Lança Roger d'un ton monotone, s'adressant à un grand monsieur moustachu à quelques mètres de Mallory.
Enfin je sais que je ne suis pas ton ami, je suis trop nul pour avoir des amis... Hic ! ... Tu n'aurais pas vu ma nullissime cravate ? A en juger par ton air trop nul, non, hein ? Elle a la même couleur que les aubergines et a la même odeur, c'est nul hein ? Allez c'est pas grave, l'ami. Je te paye un verre ? Non non, ne me regarde pas comme ça, l'ami, c'est nul...N'ayant aucune envie d'entendre la réponse cinglante du moustachu qui, visiblement, n'aimait pas les aubergines, Mallory s'éloigna pour aller attendre d'un autre côté du buffet. Les crevettes avaient vraiment dû faire du mal à Eustache car il ne revenait toujours pas. Mais Mallory restait attendre sagement, s'empiffrant de chips Archelandaises en regardant les autres gens danser. On aurait dit une de ces no-life de notre monde qui mangent des cochonneries devant la télé toute la journée, sauf que là c'était du direct. En fait, dans cette salle, il y avait 98% de gens normaux qui dansaient et s'amusaient. Les 2% restants étaient Mallory et Roger, alias la no-life et l'alcoolique dépressif. Ils étaient d'ailleurs les deux seules personnes à ne pas avoir quitté le buffet de la soirée, Mallory n'en ayant pas encore eu l'occasion temps puisqu'Eustache avait goûté les crevettes juste après qu'ils se soient trouvés. Les gens les regardaient avec des airs désolés, ce à quoi Mallory s'efforçait de répondre par de grands sourires gênés. On aurait dit qu'ils la comparaient à Roger en tant que cas désespéré. Ce qui était tout à fait justifiable puisque …
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Mallory resta donc comme cela pendant un bon moment, se lamentant sur son sort comme une vieille égoïste alors que son ami venait de faire une intoxication alimentaire. Elle rechercha des yeux quelqu'un qu'elle connaissait parmi la foule mais ne reconnut personne à part Simon qui courait après un papillon de nuit. Ne souhaitant pas le perturber dans un tel état de concentration, car il en était même venu à imiter les battements d'aides de l'insecte pour l'attirer, Mallory décida d'aller retrouver ses amies de toujours : LES CHIPS !
Tout à coup, alors qu'elle était affairée à faire le plus de bruit possible en mangeant ses chips, Mallory crut reconnaître quelqu'un un peu plus loin dans la salle. Prise d'un élan d'espoir, elle en arrêta même de manger et cligna des yeux plusieurs fois pour s'assurer qu'elle ne faisait pas une hallucination provoquée par la quantité astronomique de sel qu'elle avait ingurgitée ce soir. Les invités passant devant elle eurent donc la chance d'avoir une vue de premier choix sur l'intérieur de sa bouche et la bouillie de chips qui y trônait, ce qui provoqua bon nombre d'acclamations dégoûtées. Enfin, après quelques secondes d'absence, Mallory coupa court à la souffrance du peuple et referma sa bouche. Elle était maintenant bien certaine de ne pas avoir rêvé puisque c'était Christian qu'elle avait vu alors qu'il venait de quitter Serena, et il n'était plus qu'à quelques mètres. Toute contente, Mallory avala ce qu'elle n'avait pas encore fini de manger en manquant de peu de s'étouffer (
non non, pas encore pour cette fois ), et balança négligemment ce qui lui restait de chips sur le buffet. Elle se retourna ensuite avec un grand sourire, attendant le nouvel arrivant, sans prendre garde à la nouvelle plainte de Roger.
-Les chips dans le ponch, c'est nuuuul...Visiblement, le pauvre garçon en voulut beaucoup à Mallory de l'avoir empêché, même accidentellement, d'apaiser sa soif. Il intercepta Christian, armé d'une poivrière, et s'en plaignit longuement sous le regard dépité de Mallory. Voilà qu'elle subissait la vengeance de Roger. Elle s'était faite troller
...
-Pour du ponch et des chips... souffla-t-elle avec un air angoissé.
Alors elle se jura qu'à partir d'aujourd'hui, elle ferait attention à ne plus jamais heurter la sensibilité des petits êtres agressifs comme celui-ci et ne jetterait plus jamais d'aliments sans prendre garde qu'il n'y ait aucune boisson à proximité. Amen
.
Quand, enfin, Roger ressentit la fatigue et l'appel de la boisson, il repartit comme si de rien en quête de jus de raisins. Mallory, quant à elle, changea automatiquement d'expression. De la tête d'enterrement elle passa au grand sourire enchanté, ce qui était bien plus convenable pour un jour de mariage. Ce ne fut pas pour bien longtemps, d'ailleurs, car Christian lui fit un compliment, et alors Mallory rougit tellement qu'elle ressembla à un Pokémon (
- Spoiler:
). Elle s'efforça de ne pas avoir l'air encore plus ridicule, même si ça ne la dérangeait plus du tout tant qu'elle était avec lui. Et c'était tant mieux, puisqu'ils se retrouvèrent à danser quelques instants après. Cela aurait pu aller très bien, seulement Mallory comprit que Christian ne savait pas danser... lui non plus. Eh bien oui, Mallory savait faire des cookies, du jus d'orange, parler avec grand intérêt de yaourts, balancer des chips dans du ponch, avoir les joues rouges comme des cerises
, mais pas danser. C'était assez gênant mais, au moins, ils étaient bien assortis !
-Hé Maman, Maman ! Regarde ! C'est la fille dégoûtante qui ne sait pas manger proprement ! Ça craint ! Comprenant qu'on parlait d'elle, Mallory jeta un coup d'œil de côté et aperçut un petit garçon ressemblant fortement à Roger, avec le nez rouge et les yeux vitreux, accompagné d'une dame forte. Alors elle comprit : c'était Roger Junior, alias Gégé, et Bernadette La Fermière. La mère et le fils la dévisageaient avec une expression de rancœur infinie, comme si chez Roger on ne connaissait pas les porcs à table. De ce fait, Mallory ne s'en soucia pas vraiment jusqu'à ce qu'elle imagine ce que Christian penserait en apprenant qu'elle avait gardé la bouche ouverte pendant quelques instants.
*
*
Oui, cette fille était facilement impressionnable et donc traumatisée pour un rien. Alors que bon nombre de gens auraient ri de cette situation, Mallory crut que tout son honneur était en jeu. Sauf qu'en fait, si c'était le cas, elle n'aurait plus eu grand chose à perdre... Mais quoi qu'il en soit, cela lui importait beaucoup. Alors elle utilisa la tactique de défense n°1 : l'indifférence. Elle fit comme si elle avait oublié la copine et la progéniture de Roger et ne regarda plus que Christian, ce qu'elle jugeait beaucoup mieux d'ailleurs. Le sourire lui revint aussitôt, bien que dans sa tête une petite voix était en train de se moquer férocement de Gégé et Daphné. Les deux Nervant (c'était leur nom de famille) furent bien vite découragés de voir qu'ils ne faisaient pleurer personne et s'en allèrent en quête de jus de pommes. Gonflée de fierté, Mallory les regarda s'éloigner en se disant qu'ils étaient quand même bien plus sournois que Roger et que c'était peut-être pour ça qu'il était dépressif. Les nuls déguerpis, elle put se reconcentrer sur son cavalier qui venait justement de lui parler de sa Mamie. Mallory sourit à ses paroles, trouvant très mignonne la gentillesse de la vieille dame.
C'est vrai quoi, ce n'est pas tout le monde qui accepterait d'héberger une porc.
-Ooh c'est trop gentil , s'enjoua Mallory.
C'est vraiment génial que tu aies trouvé une dame aussi sympathique ici. Je ne dis pas que les grand-mères de Narnia sont méchantes, à part la sorcière aux courgettes , mais on n'a pas souvent l'occasion de rencontrer des personnes comme ça.Mallory pouvait donc prier le dieu des Malpolis pour le remercier de ce coup de chance.
-Je suis vraiment heureuse pour toi , poursuivit-elle comme si elle n'avait pas déjà assez parlé.
Et pour sa proposition, je veux bien . J'en parlerai à Simon...Justement, elle aperçut son frère, un peu plus loin, qui avait un papillon de nuit perché sur l'épaule. Il avait un air sinistre qui faisaient se tenir les autres invités à l'écart, ce qui n'était pas plus mal.
-Je suis le roi des papillons de nuiiit ! Proclama le mafieux avec fierté.
Et voici l'hymne de mon peuple : Papillon de nuinuit, près des ptites bougies ! Papillon de nuinuit, ne se couche qu'à minuit ! Papillon de nuinuit, plus cool qu'Ugly Betty ! Papillon de nuinuit, plus rapide qu'une Lamborghini !Ne préférant pas déranger Simon pendant son moment de gloire, car il était observé par toutes les personnes présentes autour de lui avec plus ou moins d' « admiration », Mallory décida qu'elle irait lui parler plus tard. Écouter le reste de la chanson ne lui disait rien, néanmoins. Elle suivit volontiers Christian dehors et apprécia le calme de l'extérieur, sans chips, sans Roger, Gégé ou Daphné, et sans papillon de nuit. Enfin si, quelques papillons de nuit, mais pas de Simon !
Tout en silence, ils suivirent un petit sentier et arrivèrent aux bancs sans rencontrer personne. Ils s'assirent, comme des personnes normales, et Mallory resta silencieuse mais souriante. Elle regarda le ciel, Christian, l'herbe, Christian, sa main (que Christian tenait hein, parce que sinon ça fait louche comme contemplation) et fut emplie de joie.
(Quand je vous disais qu'elle était facilement impressionnable...) Ce moment aurait paru banal à n'importe qui. Deux amoureux qui se tiennent la main au calme, à l'écart des gens, c'est du vu et du revu, c'est presque niais, un truc dans les films. Mais pour Mallory, c'était plus magique qu'autre chose. Elle connaissait Christian depuis un bon moment maintenant, mais jamais ils n'avaient réussi à se voir sans qu'il y ait des perturbateurs qui arrivent. Et là, tout était tranquille. Ce mot ne faisait même pas partie de son vocabulaire, à part lorsqu'elle claquait la porte de la cuisine au nez d'un mafieux en râlant «
LAISSE-MOI TRANQUILLE, JE FAIS DES COOKIES ! » (ce qui d'ailleurs ne marchait jamais). Alors Mallory se dit qu'il était impératif de profiter pleinement de ce moment de tranquilité qu'ils ne retrouveraient certainement pas avant longtemps. Lui vint à l'esprit une image d'elle-même à 55 ans, avec un air de campagnard à la DuFossé mais un grand sourire et un plateau de cookies dans les mains.
« Oh oui, profite b'en d'ça, poulette. Tou vas voir plus tard comme la vie l'est dure et pleine d'mafieux ! Plus d'jour comme ça 'vant la r'traite ! » lui conseilla sa vision future avec un accent prononcé.
Troublée, Mallory secoua la tête et se détendit complètement. Il n'y avait toujours personne. Comme Mallory avait atteint le sommet de la béatitude, une petite chenille qui n'avait rien à faire là vint s'incruster dans son esprit pour jouer du pipeau.
Quelques secondes plus tard, elle entendit que Christian lui posait une question. Elle se tourna vers lui avec un large sourire qui aurait pu l'effrayer, car elle avait aussi un air rêveur qui faisait penser aux hippies. Malgré tout, Mallory avait toute sa tête (si, si, je vous jure) et elle enregistra bien sa question. Ah ? Eux sur les bancs ? Mais pourquoi pas
. Là, Mallory s'imagina très vieille, sur un banc, avec Christian à côté d'elle. Ils se tenaient de la même façon que maintenant, quoiqu'un peu plus ratatinés, et ils lançaient du pain aux pigeons. Mallory trouva ça très mignon et eut une expression semblable à celle-ci :
. Mais, apparemment, ce n'était pas ce que Christian voulait dire. Il montrait l'autel. L'autel …
Mieux valait ne pas narrer ça. C'était assez explosif. Pour avoir une idée de l'expression qu'arbora Mallory en se faisant ses films, ça ressemblait à
x 1000000. La remarque d'après ne la perturba pas le moins du monde, et le baiser ne fit que l'égayer davantage, si cela était encore possible. Heureusement, avant que Mallory n'explose, les deux miniatures de Christian intervinrent. Mallory ouvrit grand les yeux. Ils n'étaient plus seuls. Plus de moment de tranquillité avant la retraite au moins.
-C'est déjà fini ? OO s'exclama-t-elle d'une voix brisée.
Sauf qu'en fait, à la base, cette phrase devait être une pensée. La chenille joueuse de pipeau s'était évaporée de son esprit et là, elle devait avoir l'air vraiment bizarre. Effectivement, les trois autres avaient l'air perdus, ce qui était bien excusable, et Mallory s'empressa de trouver une justification.
-Ah ? Vous n'avez pas vu ? Il y avait une éclipse. Dommage . C'est terminé, maintenant, il n'y en aura plus avant longtemps … Avant qu'ils ne puissent s'interroger davantage, Mallory retrouva son sourire et tenta de se rattraper. Ce n'était pas bien grave qu'ils ne soient plus seuls puisque c'était Angélique et Diabolique qui les avaient rejoint. Mallory les aimait bien, ils étaient gentils et drôles, et puis ils faisaient partie de Christian, en fait... et elle ne leur avait pas dit bonjour !
D'abord, elle mangeait comme une porc, et maintenant elle ne disait pas bonjour. Une cochonne et une impolie. Il ne manquait plus qu'elle soit vulgaire et on pourrait l'envoyer dans le Camp de Redressement des Jeunes Narniennes en Perdition.
-Bonsoir, vous deux , leur souhaita
poliment Mallory en leur tendant sa main libre, puisqu'elle tenait toujours la main de Christian de l'autre.
Vous allez bien ? Bien entendu, comme les deux miniatures étaient de petite taille, ils ne pouvaient pas lui serrer la main mais seulement un doigt chacun. Pour leur dire bonjour, Mallory aurait préféré leur faire la bise, mais elle risquait de les tuer soit par étouffement, soit par noyade. Serrer un doigt était bien moins dangereux, et en plus, ça faisait viril
. Ce qui n'était pas très souhaitable pour une fille, admettons-le.
-On dirait que vous avez grandi ! OO poursuivit la Narnienne sur le ton de la conversation.
C'est dommage que vous n'ayiez pas assisté au mariage... Mais il y a toujours le buffet, si vous vou...Mallory n'eut pas le temps de finir, interrompue par un bruit étrange qui ressemblait à un rire de hyène. Elle regarda Christian avec un air inquiet. Est-ce qu'il y avait des animaux de la savane à Narnia ? Et même dans les jardins de Cair Paravel ? Ou alors, est-ce que l'un des papillons de nuit de Simon avait mal tourné ? Toutes ces hypothèses ne la mettaient pas très à l'aise, et elle balaya les alentours du regard. Il n'y avait rien. Pas rassurée pour autant, elle resta sur le qui-vive et se retourna d'un bond en entendant du bruit derrière eux. Mallory comprit alors avec horreur que la créature au cri étrange n'était pas une hyène, c'était bien pire encore...
Sa fourrure noire et épaisse émergeant des buissons, la bête n'était pas très grande mais peinait à tenir sur ses pattes arrière. Elle huma l'air et se gratta le ventre avec ses griffes mal taillées, prenant un air négligé que même Mallory n'avait jamais osé arborer en mangeant des chips. Elle était vêtue d'un short si court que c'en était presque outrageant et d'un débardeur violet bien trop petit comme elle. La bête avait l'air féroce mais ni Mallory, ni Christian, ni les miniatures n'avaient peur d'elle. Pour sa part, Mallory était plutôt mécontente
- Spoiler:
.
-Encore elle ! grinça la Narnienne entre ses dents en croisant les bras et regardant le sol.
-Eh ben oui, hihihihi ! Rétorqua la créature avec son horrible cri.
Elle avait aussi une voix de canard.
Et non, le petit groupe n'avait pas affaire à un figurant de Frère des Ours, mais à Gabriella, qui ne devait pas être courant qu'un mariage avait lieu ici. Elle renifla encore une fois puis fixa tout le monde avec de gros yeux exorbités.
-Est-ce que je suis sur l'Île Mystérieuse ? Demanda la femme grizzli avec un air farouche.
-Non, grommela Mallory,
nous sommes dans les jardins de Cair Paravel .-Cair Paravel ? Répéta Gabriella.
Ça fait nom de temple aztèque, ça...-Gniah gniah gniah, espèce de gros lutin velu :suspect:, marmonna la Narnienne.
Ça y est, elle était arrivée à la vulgarité... A partir de cet instant, Mallory devint une délinquante. Et ce n'était pas prêt de s'arranger, puisque Gabriella retira le sac à dos qu'elle portait et fouilla à l'intérieur. Elle en ressortit un sachet de couleur grise étrange, qui portait l'inscription
« Gabrilicieux ! Croquettes 100% à base de chauve-souris, pour tout type de mammifères ».
-Qui veut des croqueeeettes ? -Harpie ! Pesta Mallory toujours aussi bas.
Tarentule à deux pattes !-Il y en aura pour tout le monde ! Insista la Sœur des Ours.
Gabriella n'eut pas le temps de faire de la pub bien longtemps, puisqu'un nouveau bruit retentit. Cette fois, cela n'avait rien à voir avec un cri de hyène. On aurait plutôt dit battements d'ailes... Tout le monde leva les yeux vers le ciel pour apercevoir les nouveaux envahisseurs, y compris Gabriella qui se demandait s'il pouvait s'agir de chauve-souris.
-Des mouettes … ? Interrogea Mallory autant pour elle-même que pour les autres, et surtout Christian qui avait été présent lors de l'attaque des oiseaux vermines, un peu avant l'attaque de l'autre vermine Gabriella.
Après quelques instants où tout le monde retint son souffle, s'attendant à voir une nouvelle bête sauvage surgir, un petit essaim gris apparut derrière la cime des arbres. L'essaim se rapprocha peu à peu, dévoilant qu'il s'agissait de papillons de nuit certainement envoyés par Simon. Justement, ils semblaient transporter un petit bout de parchemin. L'essaim finit enfin par arriver à leur hauteur, non sans apporter avec eux une horrible odeur de brûlé. Mallory se boucha le nez et attrapa le papier et le tendit à Christian, à qui il semblait adressé :
« Wesh salut, c'est J-C. Mon-si m'a montré pour jouer avec ces bestiaux-là, c'est grave cool, wesh ! Wesh bref, ma mémé Hortie voulait passer faire un ptit Tcho chez ta mamie et boire une décoction de fines herbes aromatiques avec de l'eau bouillante. Rep vite, ça grouille. Cimer, Albert.
A plus, mec.
Xxx
J-C girly ♪ »Pendant que le destinataire faisait sa lecture, Gabriella ne cessait de tourbillonner autour de lui et des miniatures en chantonnant
« Croquettes ! Croquettes ! Croquettes ! », ce qui agaçait au plus haut point Mallory. Elle, qui un peu plus tôt était débordante de joie et de bonne humeur au point qu'on veuille la frapper, était maintenant débordante de haine et d'envies de déchiquetage de croquettes. Voilà ce que Mallory était : une délinquante avec des troubles bipolaires.
Elle se tourna vers l'essaim de papillons qui attendaient la réponse de Christian et les regarda avec un air désespéré.
-Est-ce que vous pouvez l'emmener à la fourrière ? Implora-t-elle.
-Il y a des chauve-souris, là-bas ? Interrogea Gabriella, soudain très intéressée.
-Non.-Alors là, c'est nul. Et elle recommença à sautiller et chantonner.
Seulement, elle avait prononcé le mot maudit. Et trois gredins étaient déjà en route pour les rejoindre, attirés par la nullité.
Une fois que les papillons se furent envolés, Mallory se rassit sur le banc en faisant signe à Christian et ses miniatures de faire pareil. Pas la peine de rester debout à attendre que CroquetteGirl parte, elle était bien décidée à sautiller et chanter.
-On essaye de s'enfuir ? Chuchota Mallory aux trois autres.
On lui dit qu'il y a une chauve-souris, et on court ! Elle attendit leur avis, mais avant même que quelqu'un ait pu répondre, un animal voleta au-dessus de leur tête. La danse de Gabriella, qui ressemblait un peu à un rite satanique, cessa automatiquement et ses oreilles se redressèrent. Jamais Mallory n'avait vu des oreilles faire une chose pareille chez un être humain, et cela lui fit froid dans le dos. La femme à la fourrure épaisse poussa alors un hurlement à la lune et s'élança derrière la chauve-souris, courant presque à quatre pattes. Effarée, Mallory la regarda disparaître entre les arbres à une allure fulgurante.
-Non mais imaginez qu'elle rencontre Batman ! dit-elle avec un air choqué.
Il aurait vite fait de la transformer en Joker OO.A peine Mallory eut-elle fini sa phrase que trois silhouettes apparurent à quelques mètres d'eux, surgissant de derrière les arbres. Elle poussa un profond soupir, regrettant toujours leur court moment de paix de tout à l'heure. Et il fallait tenir jusqu'à la retraite, hein...
-Nous sommes une belle famille ! Annonça une petite voix que Mallory pensait connaître.
On ne craint pas du touuuut !-On n'est pas nuls ! Renchérit une voix d'homme quelque peu tremblante que tout le monde connaissait dans la région.
-Et on n'a pas froid aux pieds ! Ajouta une troisième voix, plus féminine mais en même temps grotesque.
Alors les trois silhouettes firent un bond en avant pour montrer leur visage à la lumière, mais ils s'emmêlèrent les pieds et s'étalèrent lourdement sur le sol. Le premier à se relever fut le petit garçon, plus leste que ses deux parents, bien que possédant leur gros nez rouge qui ne facilitait nullement l'équilibre. Il s'agissait bien entendu de Roger, Daphné et Gégé Nervant.
-TREMBLEZ DEVANT NOTRE INVINCIBILITE ! Menacèrent les trois à l'unisson, une fois que les deux parents furent sur pieds.
L'éclat de bravoure dans leur voix était très touchante, si bien que Mallory se remit à afficher son expression
. Mais elle se remit à faire la moue en percevant un rire de hyène qui se rapprochait peu à peu d'eux. Elle se tourna à nouveau vers Christian, se demandant s'il allait bien. Angélique et Diabolique, eux, avaient l'air de bien s'amuser. Comme les Nervant entamaient des figures de karaté Narnien pour les impressionner, Mallory entoura Christian de ses bras et lui fit un gros câlin, murmurant des paroles rassurantes aussi bien pour lui que pour elle-même.
-Allez allez, ils ont juste un peu picolé et l'autre a faim, elle veut une chauve-souris... On va jouer avec eux s'ils veulent, parce qu'ils sont marrants, et après on s'évadera pour être tranquilles une autre fois avant de devoir attendre la retraite... Ce serait cool d'avoir une retraite jeune... Allons, allons, je ne serais pas grosse et avec un accent de DuFossé à 55 ans... Les papillons de nuit n'étaient pas des mites... Ma chenille qui joue du pipeau va bientôt revenir... Ils sont drôles, les Nervant... On va bien s'amuser... Vivement la retraite... Je n'ai pas d'assurance mais c'est pas grave... On va s'amuser...La petite famille d'alcooliques, qui regardaient la scène, eut la gentillesse de commenter :
-C'est nul ! S'exclama Roger sans trop comprendre ce qu'il se passait.
-Ça craint ! Cracha Gégé.
-Ils ont froid aux pieds ! S'indigna Daphné.
-Hihihihihi ! Ajouta Gabriella.
Vivement la retraite.